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« La RSE participe à la performance et à la prospérité de l’entreprise »

Dans un modèle durable, les performances extra-financières, sociales, environnementales ou de bonne gouvernance, doivent avoir la même importance que la création de valeur financière. POST Luxembourg s’inscrit pleinement dans cette dynamique. Isabelle Faber, membre du comité exécutif, endosse les responsabilités des directions relatives à la gestion des ressources humaines, à la responsabilité sociétale de l’entreprise et aux relations publiques. Elle évoque ces enjeux avec nous.

October 11, 2023

Au mois de mai, POST a présenté son rapport intégré de l’année 2022, qui traduit une volonté renforcée du groupe de placer les performances extra-financières du groupe au même niveau que les résultats financiers. Pouvez-vous nous rappeler ce qui motive cette démarche ?

Tout d’abord, il faut rappeler que ce n’est pas une première. Le groupe produit un rapport intégré, qui rend compte de ses engagements en matière sociale ou encore environnementale depuis plusieurs années. Le rapport 2022 a toutefois été construit en suivant une approche plus formelle, prenant en compte ces dimensions avec la volonté d’anticiper les exigences de reporting liées à la directive CSRD et ce, à travers l’ensemble du groupe, l’entreprise et ses filiales. Il est important pour nous de nous préparer au vu de la mise en place future de ces obligations. Cela traduit aussi une volonté, en tant qu’entreprise détenue par l’État, deuxième principal employeur du Luxembourg, de montrer l’exemple. L’espoir, en s’engageant dans cette voie, est d’être copié, questionné, commenté… D’inspirer et d’inciter d’autres acteurs à entreprendre une telle démarche. Ce rapport intégré rend compte de ce que nous menons, de l’impact économique, social, environnemental ou lié à la gouvernance de nos activités. On y révèle des choses pour lesquelles des efforts sont réalisés autant que des aspects perfectibles.

 

Comment la perception de la RSE évolue-t-elle au sein de l’entreprise ? Quelle importance ces aspects revêtent-ils aux yeux des dirigeants comme des collaborateurs ?

La première démarche RSE initiée par POST remonte à 2008. Depuis, la perception évolue, gagnant du terrain au sein de l’entreprise. La stratégie du groupe a été revue en 2020, avec une seule ambition: créer de la valeur ajoutée durable et partagée avec toutes nos parties prenantes. Pour répondre à votre question, on s’éloigne aujourd’hui des vœux pieux formulés en la matière avec la volonté de produire des résultats concrets.

L’important est d’avoir une démarche robuste, qui s’appuie sur des indicateurs solides, des sources de données de qualité. Il s’agit de pouvoir suivre ces performances au fil du temps, en rendant compte avec justesse de la création (ou de la destruction) de valeur financière, sociale, environnementale de l’activité. Toutes ces dimensions, aujourd’hui, entrent en ligne de compte dans une démarche de développement durable de l’entreprise, notamment pour mieux appréhender les risques. Aujourd’hui, ces aspects relèvent de la stratégie de l’entreprise et sont directement discutés au comité exécutif et au conseil d’administration de POST Luxembourg.

 

La RSE, longtemps considérée comme un enjeu accessoire, est- elle désormais déterminante dans la prise de décision relative au développement de l’entreprise ? Les indicateurs sociaux ou environnementaux sont-ils considérés avec autant d’importance que les performances financières ?

C’est le chemin que nous prenons. Ce qui est certain, c’est que, aujourd’hui, la RSE participe à la performance et à la prospérité de l’entreprise. C’est le conseil d’administration qui a validé la stratégie sur ces sujets, ceux-ci comprenant des défis complexes à relever. À partir de ce moment, il y a eu une adhésion forte des dirigeants et, dans la foulée, des équipes aux principes de développement durable poursuivis. Parmi les organes mis en place à l’échelle du groupe autour de ces enjeux, le comité de développement durable rassemble des responsables de chaque secteur d’activité de l’entreprise. Alors que ce n’était pas forcément le cas il y a quelques années, désormais les gens rejoignent ces réunions avec enthousiasme et un fort engagement. Mais cela ne doit pas s’arrêter là. La démarche doit percoler, jusqu’à mobiliser l’ensemble des parties prenantes, les collaborateurs, les partenaires sociaux, nos fournisseurs ou encore les médias avec lesquels nous interagissons.

A la suite de la présentation du rapport intégré, les titres de la presse évoquaient encore principalement l’évolution du chiffre d’affaires et les résultats, alors que ce rapport présente de nombreux indicateurs, liés à l’impact environnemental ou social de l’entreprise. Pour engager le changement, toutes les parties prenantes, internes comme externes, doivent aujourd’hui partager ces préoccupations.

 

Aujourd’hui, en tant que membre du comité exécutif, vous cumulez trois casquettes : RSE, RH et Relations publiques. Dans quelle mesure cela facilite-t-il la transition vers un modèle plus durable ?

Je pense que c’est une opportunité fantastique. Je n’avais pas choisi d’assumer ces trois fonctions à mon arrivée chez POST il y a un peu plus de trois ans. On me les a proposées successivement, au fil du temps… Si, dans un premier temps, je me suis dit que cela risquait de faire beaucoup pour une seule personne, je me suis vite rendu compte que de un, je n’étais pas seule et que j’avais des équipes à la hauteur des ambitions de POST dans chacune des trois directions, et que de deux, cela permettrait d’engager plus activement la transition. En effet, ces trois domaines, tout en étant bien distincts, sont complémentaires. Par exemple, les enjeux relatifs au bien-être des collaborateurs relèvent autant des RH que de la RSE. En la matière, la communication interne a aussi un rôle important à jouer. Appréhender les divers enjeux de manière transversale, avec une certaine hauteur de vue c’est devenu possible, car ces fonctions sont désormais au plus près des organes de décisions et stratégiques. J’aime à dire que c’est un business model qui permet à la fois de gagner du temps et d’engranger des démarches plus pertinentes pour ne pas dire performantes.

 

Quels sont les principaux défis liés à l’adoption d’un modèle de développement durable à vos yeux ?

L’un des enjeux clés est de parvenir à définir une vision commune à même de mobiliser l’ensemble des collaborateurs. Au sein d’un groupe comme POST, on trouve une grande diversité de profils, des facteurs, des techniciens, des ingénieurs, des conseillers de vente…, des jeunes comme des profils plus expérimentés, des employés privés, des fonctionnaires ou employés de l’État représentant pas moins de 54 nationalités et autant de cultures différentes qui se côtoient tous les jours.. Par contre, la vision, et la raison d’être, doivent être clairement exprimées et vécus par tous, sans ambiguïté. Il faut que chaque collaborateur sache exactement pourquoi il se lève le matin, ce à quoi il contribue précisément en venant travailler chez POST.

Dans un monde en polycrise, on constate cependant une certaine forme d’angoisse qui traverse la société et qui n’épargne évidemment pas nos collaborateurs. Je pense aussi que dans ce contexte, l’entreprise doit devenir une safe place, au sens noble du terme, dans laquelle on trouve à s’épanouir. Si des métiers évoluent, si certains sont menacés, l’entreprise doit pouvoir offrir à chacun des garanties, celles qu’ils pourront continuer à y évoluer. Je pense que chaque collaborateur doit pouvoir laisser ses craintes sur le pas de la porte, pour donner le meilleur dans le cadre de son travail, en contribuant aux missions de l’entreprise en toute sérénité. Cela aussi doit s’exprimer dans la raison d’être.

 

Comment, à travers vos responsabilités, faire vivre les valeurs, mobiliser les équipes ?

Je ne crois pas aux valeurs que l’on affiche à la cafeteria et qui ne sont pas vécues au quotidien. Tout l’enjeu, à travers la RSE, les RH et la communication, est de veiller à ce que les valeurs et la vision soient une réalité vécue par chacun. Ce n’est plus du « storytelling », mais du « storydoing ». Plus que de dire ce que l’on va faire ou que l’on fait, on préfère le montrer. Cela s’illustre bien dans le rapport intégré. Il faut que les valeurs, la raison d’être se matérialisent concrètement.

 

Au niveau des RH, vous l’évoquiez, certains métiers évoluent, pourraient être menacés à plus ou moins long terme. On pense à la fonction de facteur, avec une diminution structurelle du courrier distribué. Comment appréhendez-vous ces enjeux ?

Tous les métiers se transforment, en raison de l’évolution de la technologie, des changements d’habitude de consommation, des attentes de la société, etc. Il est de notre responsabilité d’accompagner ces évolutions comme nous l’avons toujours fait. POST innove depuis 1842, permettant le déploiement des nouvelles technologies à l’échelle nationale au fil des décennies. Quand l’usage du téléphone s’est répandu, nous étions déjà là. Et si, aujourd’hui, on parle beaucoup d’intelligence artificielle, de cloud ou d’autres technologies de pointe, les usages liés à ces technologies s’appuieront sur nos infrastructures, et notamment le réseau du futur que nous mettons en œuvre dès aujourd’hui. Ces évolutions impliquent aussi d’accompagner nos collaborateurs, pour leur offrir des perspectives, leur garantir leur « employabilité » et une sécurité nécessaire à leur épanouissement.

 

Comment accompagnez-vous les équipes vis-à-vis de ces enjeux ?

Il faut travailler sur l’employabilité des collaborateurs, afin de permettre à chacun de se former, de se rediriger vers d’autres métiers en considérant les évolutions à l’œuvre. Dans cette optique, il faut faire preuve d’anticipation, en prenant en compte les tendances sur une dizaine d’années, tout en étant à l’écoute de chacun. À côté de l’employabilité, il est important d’encourager la mobilité interne, en offrant la possibilité aux équipes de bouger au sein du groupe, de changer de fonction si une personne émet le désir d’évoluer, de découvrir autre chose. Tout cela implique de travailler sur les trois fonctions qui m’occupent, la gestion des ressources humaines, la RSE et la communication. De cette manière, l’entreprise doit veiller à améliorer son attractivité et la rétention des talents. Cela relève de sa responsabilité. En la matière, cependant, elle n’est pas seule. Au niveau de l’écosystème national, il y a lieu aussi de prendre les mesures adéquates pour garantir l’attractivité du Luxembourg. Il faut notamment continuer à renforcer l’image du pays, mieux mettre en évidence ses atouts, à l’instar de son université par exemple, qui offre aujourd’hui des formations de qualité. Le pays et ses entreprises ont beaucoup à offrir. Cependant, il y a aussi des défis majeurs qu’il faut pouvoir relever ensemble notamment dus à la transition digitale : plus il y aura d’intelligence artificielle, plus il faudra de l’intelligence émotionnelle. Mais là on ouvre une autre discussion.

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