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Rendez-vous dans 15 ans…

Jean Diederich revient sur 15 années de développement de la société de l’information et évoque les enjeux à venir.

July 6, 2022

En 2022, ITnation a quinze ans. L’occasion d’inviter nos partenaires et membres de la communauté à jeter un œil dans le rétroviseur et à se projeter vers l’avenir. Jean Diederich, président de l’APSI et partner chez Finegan/Azzana Consulting, revient sur quinze années de développement de la société de l’information et évoque les enjeux à venir.

Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez il y a quinze ans ?

Je travaillais pour une société de conseil en informatique, d’une part sur des projets au niveau des institutions européennes, d’autre part sur des enjeux transformations relatives au domaine du paiement. Autour de ce dernier sujet, beaucoup de choses ont évolué ces 15 dernières années. Ces évolutions ont souvent été le point de départ de réflexions sur ce que pouvait faire le Luxembourg pour s’inscrire pleinement au cœur d’une économie numérique européenne. Si je fais un retour en arrière, sur le domaine du paiement en particulier, on peut évoquer l’introduction de la première directive liée aux services de paiement, la PSD, il y a 15 ans, en 2007, et qui avait pour objectif de d’harmoniser les règles entre acteurs facilitant la création d’un marché unique du paiement européen. Avec elle, l’Union européenne commençait à s’organiser, avec l’adoption des nouveaux standards ISO20022, ouvrant un nouveau champ de possibilités en matière d’innovation, avec le statut des PIs (Payment Institutions) et le lancement du mouvement « FinTech ». Cette évolution réglementaire a notamment permis à de nouveaux acteurs, issus du monde numérique, d’émerger dans le domaine du paiement réglementé. Depuis, les choses ont encore évolué, avec PSD2, le recours aux APIs, l’accès aux comptes par des tiers, le lent développement de l’OpenBanking… etc…

En quinze ans, quel a été le principal apport du numérique dans votre vie/dans la société ? 

Le numérique a transformé et facilité notre manière d’interagir et de consommer et, dès lors, de proposer des biens et des services qui étaient jusqu’alors très difficilement accessibles ou proposés sans transparence au niveau des prix. Si l’on prend l’industrie musicale, par exemple, elle est essentiellement dématérialisée, les films aussi. On ne parle quasiment plus de CD et DVD.

Le numérique a démocratisé la consommation, créant des liens directs entre institutions et citoyens, le client et le fournisseur, mettant en difficulté les intermédiaires, qui n’ont plus de raison d’être. Aujourd’hui, la transformation numérique des organisations doit avant tout concerner la manière d’entretenir le lien avec le client, le consommateur ou l’entreprise, en proposant une expérience utilisateur de qualité et simple à mettre en œuvre. Au-delà, le numérique offre de nombreuses opportunités, en matière d’évolutivité, pour supporter un développement global du marché unique, un rêve européen.

Quel est votre souvenir professionnel le plus mémorable de ces quinze dernières années ?

Les expériences qui m’ont le plus marqué concernent l’accompagnement d’acteurs sur des changements majeurs à l’échelle nationale et internationale. Je pense notamment à l’introduction de SEPA ou de SEPA Direct Debit, pour lequel j’ai accompagné l’ABBL et plusieurs banques, ainsi que d’autres entités, dans la perspective de leur permettre de tirer profit de ces évolutions technologiques, d’opérer une réelle transformation digitale et profiter des nouvelles règles pour améliorer son business model. Un des enjeux, le plus souvent, est de faire prendre conscience aux acteurs que la transformation numérique va au-delà de la dématérialisation du papier et des données non-structurées, qu’il faut aller plus en profondeur pour aller chercher un avantage compétitif vis-à-vis des forces en présence sur le marché et repenser complètement les processus et la chaine de valeur. C’est toujours un défi au Luxembourg, et ce 15 ans après.

Comment vous imaginez-vous le marché luxembourgeois du numérique dans 15 ans ? 

Je pense que nous allons au-devant de défis importants, qui ne seront pas si faciles à gérer.

Toute l’économie, et la société en général, dépend de plus en plus du numérique. Or, les acteurs qui font du digital, qui proposent des solutions, ne sont plus forcément au Luxembourg et ont du mal à considérer des spécificités luxembourgeoises. Nous consommons essentiellement des solutions et des ressources qui viennent d’ailleurs, ne fût-ce qu’au niveau du cloud, ou la majorité des services sont américains. Cela induit une incompatibilité réglementaires par rapport aux données (voir Schrems II). Cela peut s’avérer problématique à de nombreux niveaux et exige de mener une réflexion profonde sur ce que l’on veut faire au Luxembourg dans ce domaine, afin de ne pas se contenter de n’être qu’un simple consommateur qui dépense. Il y a lieu de nourrir de nouvelles ambitions, visant à proposer des solutions numériques que l’on pourra créer au Luxembourg, pour le marché local, mais aussi au-delàs de nos frontières. Le Luxembourg doit se réveiller et devenir un acteur qui produit du numérique à haute valeur ajouté. Cela ne se limite pas à de l’infrastructure importé de pays tiers en tant que simple consommateur.

Nous devons avoir la volonté de faire du numérique qui s’exporte au-delà des frontières, dans le domaine de la fintech, regtech, govtech, … en soutenant nos start-ups, qu’ils créent de la substance informatiques à Luxembourg, en développant des solutions informatiques « Made in Luxembourg ».

Je pense aussi que l’informatique va se complexifier avec des solutions DLT/Blockchain qui vont amener une nouvelle vision de notre société, voire le Métaverse qui nous fait passer de la RV à une économie virtuelle avec des paiements, même si ces domaines traversent une certain crise.

Il faut aussi développer plus de compétences, importer plus de jeunes talents, connaissant ces nouvelles technologies. Il est essentiel aussi que le pays se digitalise davantage, aussi bien au niveau des administrations (le G) que des entreprises (le B). Le numérique, à ce titre, est le seul moyen pour le Luxembourg de se préparer à un pays à un million d’habitants, et il faut prendre en compte dans ce contexte le prix à payer pour la non digitalisation de notre pays. Combien cela va-t-il nous coûter dans le futur ?

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