HUMAN
Quelle place pour le travail dans un monde dirigé par l’IA ?
L’intelligence artificielle (IA) fait désormais partie intégrante de notre quotidien. Lorsque vous consultez vos réseaux sociaux, utilisez des applications de navigation comme Waze, ou effectuez une recherche sur Google, l’IA est déjà omniprésente. Malgré tout, il subsiste une perception négative générale de ces évolutions technologiques : la peur que l’IA nous remplace dans notre vie professionnelle et, plus grave encore, conduise à la perte de nos droits les plus fondamentaux. Serons-nous tous un jour remplacés par l’intelligence artificielle ? Nos métiers sont-ils en danger ? Difficile de se faire un avis très précis sur la question.
December 7, 2023
Les machines intelligentes sont censées travailler pour nous, mais certains signes indiquent déjà que nous finirons par travailler pour elles. À quoi ressemblera le travail du futur et votre rôle existera-t-il encore ?
L’intelligence artificielle (IA) fait désormais partie intégrante de notre quotidien. Lorsque vous consultez vos réseaux sociaux, utilisez des applications de navigation comme Waze, ou effectuez une recherche sur Google, l’IA est déjà omniprésente. Malgré tout, il subsiste une perception négative générale de ces évolutions technologiques : la peur que l’IA nous remplace dans notre vie professionnelle et, plus grave encore, conduise à la perte de nos droits les plus fondamentaux. Serons-nous tous un jour remplacés par l’intelligence artificielle ? Nos métiers sont-ils en danger ? Difficile de se faire un avis très précis sur la question.
Une étude récente1 de l’Organisation internationale du travail (OIT) des Nations Unies suggère que l’IA a le potentiel de créer davantage d’emplois qu’elle n’en détruit, ouvrant ainsi de nouvelles opportunités passionnantes sur le marché de l’emploi. L’IA « permettra d’accompagner plutôt que de remplacer certaines activités », estime l’OIT. Au lieu de détruire des emplois, l’IA pourrait entraîner des changements dans la qualité de ceux-ci, sur des aspects tels que l’intensité du travail et l’autonomie. Cette étude souligne notamment que l’IA pourrait ouvrir de nouvelles perspectives et donner lieu à la création de nouveaux métiers…
Le maintien de l’apparence
Dans son livre “The Handover: How We Gave Control of Our Lives to Corporations, States and AIs”, David Runciman, professeur de Sciences Politiques à Cambridge s’intéresse à cette influence de l’intelligence artificielle sur nos vies. Lors des championnats de tennis d’Australie et de l’US Open de 2021, tous les juges de ligne ont été remplacés par des machines. Depuis près de 20 ans déjà, les systèmes Hawk-Eye sont plus performants que la vue humaine. Ils ont été officiellement adoptés pour la première fois en 2006 pour les appels de ligne au tennis, en 2009 pour vérifier les décisions des arbitres au cricket et, plus récemment, pour statuer sur les hors-jeu au football. Pourtant, malgré l’arrivée de cette technologie intelligente, le nombre de personnes employées dans l’arbitrage sportif n’a jamais été aussi élevé. Les matches de football comptent jusqu’à cinq arbitres, auxquels s’ajoutent les équipes chargées d’interpréter les images fournies par le système d’arbitrage vidéo (VAR). Mieux encore, le NBA Replay Center de Secaucus, dans le New Jersey, emploie 25 personnes à temps plein, ainsi qu’une équipe d’arbitres réguliers…
On le voit, l’efficacité n’est pas la principale compétence recherchée par les organisations qui emploient des arbitres. Elles sont également très sensibles à l’apparence, et souhaitent notamment que leur sport donne le sentiment d’être toujours une activité centrée sur l’homme. La technologie intelligente peut faire beaucoup de choses, mais en l’absence de robots humanoïdes convaincants, elle ne peut pas vraiment se substituer à l’homme. Il faut donc que des personnes réelles s’interposent entre les machines et ceux qui reçoivent leurs jugements. Il en résulte un surcroît de travail pour tous.
Quels sont les métiers menacés ?
Il reste étonnamment difficile de savoir quels emplois sont susceptibles de disparaître avec l’arrivée de l’IA, même si nous pouvons être sûrs que la portée et la nature des emplois changeront. De nombreuses études sur les risques de l’automatisation, comme celle de Frey et Osborne, choisissent de traiter le travail comme une série de tâches, qui peuvent ensuite être mesurées en fonction de leur aptitude à être effectuées par des machines. Cela suppose que les obstacles au remplacement de l’homme sont simplement les limites actuelles de la technologie. Les robots sont doués pour les tâches répétitives, même lorsqu’elles sont très complexes, ainsi que pour le traitement de données de plus en plus volumineuses, mais ils ont souvent du mal avec les formes simples d’interaction humaine. Si votre travail implique de la créativité, un jugement esthétique, des mouvements vraiment fluides ou une sensibilité sociale, vous ne risquez rien pour l’instant. Les robots peuvent danser, mais ils ont encore besoin de chorégraphes humains pour être convaincants.
La plupart des emplois continuent d’être occupés par des personnes, parce qu’elles sont dirigées par des humains, qui privilégient encore et avant tout les relations interpersonnelles. Si ce n’était pas le cas, les machines sembleraient diriger l’entreprise, ce qui apparaît comme dangereux dans un monde où les gens comptent encore.
Faut-il donner la priorité aux machines ?
Bien entendu, l’apparence des choses n’est pas tout. Pour certaines dimensions, au niveau de chaque organisation, celle-ci n’a pas tant d’importance. C’est notamment le cas dans les coulisses ou dans les salles de réunion que le public n’a jamais l’occasion de voir. Les connaissances techniques qui sous-tendent l’exécution des tâches qui n’implique pas de contact avec le public sont susceptibles de constituer une base de plus en plus précaire pour un emploi fiable. C’est le cas de nombreuses professions, dont la comptabilité, le conseil et le droit. Il y aura toujours beaucoup de travail pour les personnes qui sont en relation directe avec les clients. Mais la collecte de données, le traitement de l’information et la recherche de précédents peuvent désormais être effectués de manière plus fiable par des machines.
Au final, dans le monde du travail, il s’agit avant tout de personnes, d’organisations, de machines – dans cet ordre. Mais cet ordre pourrait-il changer ? Les organisations pourraient-elles en venir à donner la priorité aux machines ? Les machines pourraient-elles en venir à prendre les décisions les plus importantes au nom des organisations ? L’histoire offre un guide partiel de ce qui pourrait se produire. Les craintes de voir l’automatisation supplanter les travailleurs humains sont aussi anciennes que l’idée même du travail. La révolution industrielle a bouleversé notre rapport au travail et détruit des modes de vie entiers. La transition a été difficile pour ceux qui ont dû passer d’un mode de subsistance à un autre. Pourtant, le résultat final a été une augmentation du nombre d’emplois, et non une diminution. Ce n’est pas une grande consolation pour les personnes qui perdent leur emploi de s’entendre dire qu’il y aura bientôt de toutes nouvelles façons de gagner sa vie. Mais il faut bien accepter que ce sera probablement le cas…