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Made in Lux : Our Choice, circular fashion

« Our Choice » est une start-up luxembourgeoise créée en 2020 qui commercialise les premières sneakers circulaires au monde. Rencontre avec Filip Westerlund, le jeune entrepreneur suédois à la base du projet.

September 27, 2022

Des chaussures sans aucun plastique, composées de matériaux nobles, conçues pour durer et être facilement réparées. C’est ce que propose « Our Choice », start-up luxembourgeoise créée en 2020 qui commercialise les premières sneakers circulaires au monde. Rencontre avec Filip Westerlund, le jeune entrepreneur suédois à la base du projet, dont l’ambition est d’inciter de nombreux acteurs à prendre la voie de la durabilité.

Comment est née l’idée de Our Choice ?

Je suis arrivé à Luxembourg en 2019, pour effectuer un master en psychologie. Pendant mes vacances scolaires, j’avais pris l’habitude de retourner en Suède, dans ma ville d’origine, située sur la côte ouest. Là, nous allons régulièrement ramasser les déchets venus des îles britanniques, qui sont naturellement poussés sur nos plages par les courants marins. Une grande quantité de plastique se retrouve donc sur ces côtes et, alors que je les nettoyais, je me suis rendu compte de la contradiction qu’il y avait à éliminer du plastique d’un côté, alors que, de l’autre, on en porte de la tête au pied. A ce moment-là, je faisais déjà attention à ce que je portais. Mes sneakers, notamment, étaient censées être « écologiques ». Mais en découpant une vieille paire, j’ai constaté qu’en fait, elles contenaient elles aussi beaucoup de plastique. Quand on sait que 25 milliards de sneakers sont produites chaque année, et que leur durée de vie moyenne est de 2 à 12 mois, on se dit que cela fait donc beaucoup de plastique qui risque de finir dans la nature. Ce problème a plusieurs causes : notre propension à vouloir acheter régulièrement de nouveaux biens, d’un côté, et la volonté de l’industrie de nous en faire acheter un maximum de l’autre. Pour ma part, je me suis dit que ce serait bien de vendre moins, mais de vendre un produit réellement durable…

Entre l’idée et la création d’une entreprise qui produit réellement des biens, il y a toutefois un monde. Comment êtes-vous parvenu à vos fins, sachant que vous étiez alors toujours étudiant ?

Cela demande beaucoup de travail, de la recherche, une grande planification des choses. Mais c’est dans ma nature de vouloir agir, créer quelque chose. J’ai pris pas mal de temps pour lancer des contacts, entrer en relation avec des fabricants, trouver les bons matériaux et créer le modèle de la chaussure. Avec les quelques fonds propres dont je disposais, j’ai pu produire quelques échantillons. Sur cette base, nous avons lancé une campagne de crowdfunding. En l’espace de 15 heures, nous avions atteint la somme espérée. Nous pouvions dès lors nous lancer dans une plus large production, sachant que nous produisons uniquement lorsque la chaussure est vendue, pour éviter tout gaspillage. Cela a été particulièrement agréable de constater que notre idée était suivie et validée par d’autres gens, que d’autres personnes étaient prêtes à nous suivre.

Comment vous êtes-vous assuré du caractère durable des matériaux utilisés et de la manufacture qui produit vos chaussures ?

Encore une fois, ça a demandé beaucoup de recherches, de voyages et de discussions. Mais j’ai finalement trouvé une usine au Portugal qui était prête à travailler avec mes matériaux, et capable de réaliser le modèle proposé. L’origine des matériaux – cuir de veau italien, caoutchouc naturel, coton – est quant à elle certifiée par des organismes indépendants. Mais l’idée, au-delà des matériaux, était également de concevoir une chaussure qui puisse durer longtemps et être réparée en cas de besoin, chose impossible avec des sneakers classiques. Nous avons donc dessiné un modèle composé de trois morceaux de cuir cousus de façon très solide, et d’une semelle en caoutchouc elle aussi solidement cousue. Une languette à l’arrière de la chaussure permet de ne pas la déformer à force de l’enfiler. Si notre sneaker s’abime – si la semelle se décolle, par exemple – elle peut nous être renvoyée. Nous recyclons alors la partie défectueuse et la remplaçons avant de renvoyer le produit à son propriétaire. Nous veillons également, en choisissant nos partenaires, à ce que le recyclage de chaque élément soit réalisé correctement.

Un élément décisif pour un business comme le vôtre est d’établir le bon prix pour un bien qui ne sera pas remplacé de sitôt. Comment avez-vous procédé ?

Il faut savoir que le prix de la plupart des sneakers qu’on trouve dans le commerce est composé en bonne partie de la marge prise par le commerçant. Le coût des matériaux, en lui-même, ne représente presque rien, puisqu’il s’agit d’éléments de piètre qualité. Chez Our Choice, nous faisons payer le prix de la qualité, tout en dégageant une marge qui nous permet de vivre, c’est- à-dire 230 euros la paire. En même temps, on peut garder ces chaussures durant 7 ans, voire plus. Ce n’est donc pas un mauvais calcul. D’ailleurs, alors que tout le monde nous disait qu’il serait impossible de vendre des sneakers à plus de 79 euros, on voit que cela fonctionne. Jusqu’ici, nous avons vendu pour 70.000 euros de produits. Nous espérons que notre démarche inspire d’autres grands acteurs de la mode.

« À un moment, je me suis dit qu’il serait mieux de vendre moins, mais de vendre un produit réellement durable. »

Pourquoi avoir choisi Luxembourg pour installer votre société ?

Cela a vraiment été un choix intuitif. J’ai eu cette idée ici, durant mes études, et j’ai tout de suite reçu un soutien important de l’Université du Luxembourg, qui m’a accueilli dans son incubateur. Luxembourg est un véritable hub européen, qui permet de rejoindre rapidement Paris, Londres ou Berlin. C’est aussi un environnement très international, avec une « scène » start-up foisonnante. On sent qu’on est au début de quelque chose ici, notamment pour tout ce qui concerne la durabilité. Et c’est particulièrement stimulant de participer à la construction de cet écosystème.

Comptez-vous vous en tenir à la production de sneakers ou d’autres produits sont-ils en cours de développement ?

Nous proposons déjà des pochettes pour cartes de banque en peau de saumon et en cuir de veau. Et nous travaillons à la conception d’une paire de lunettes de soleil. Mais un autre projet d’envergure est la mise sur pied d’une plateforme d’e-commerce circulaire. Notre volonté est de proposer nos produits sur cette plateforme, mais aussi d’en donner l’accès à une série de partenaires triés sur le volet, qui partagent nos valeurs. L’idée est aussi d’offrir, pour chaque produit vendu, un « jumeau digital » qui reprenne ses caractéristiques et permette d’en assurer le suivi, la traçabilité des matériaux, les réparations effectuées, etc. A travers cette plateforme, chacun de nos partenaires pourra augmenter ses revenus – notamment en réduisant ses coûts marketing – en échange d’une commission sur ses ventes versée à Our Choice. Le projet est en cours de développement et on devrait pouvoir annoncer quelque chose à ce propos dans le courant du mois de juin ou juillet.

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