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Diversité et recrutement, un exercice d’équilibriste

Si les entreprises sont conscientes de l’intérêt d’intégrer plus de diversité au sein de leurs équipes, le recrutement volontaire de profils aux genres, origines ou situations physiques et mentales différents n’est pas sans poser des difficultés. De la promotion de la diversité à la discrimination, il n’y a en effet qu’un pas, qui peut rapidement être franchi.

February 21, 2023

L’article L.251 du Code du Travail luxembourgeois consacre le principe de non-discrimination dans le monde du travail. Il interdit « toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, l’appartenance ou non appartenance, vraie ou supposée, à ‘une nationalité’, une race ou ethnie ». Cette disposition s’applique à tous les salariés, qu’il s’agisse « des conditions d’accès à l’emploi, des activités non salariées ou du travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ». Le Code pénal complète ce dispositif en y ajoutant les critères de l’origine, de la couleur de peau, des mœurs, de la nation, des activités syndicales et de l’état de santé.

Les entreprises ont donc bien l’interdiction de discriminer les personnes qui intègrent leur processus de recrutement en fonction de l’un des critères énoncés ci-dessous, sans pour autant avoir l’obligation de promouvoir la diversité. Mais au-delà de ce que dit la loi, force est de constater que les acteurs du tissu économique luxembourgeois ont volontairement pris les choses en main pour favoriser une forme de diversité au sein de leurs organisations. Et ce n’est pas seulement une question d’image et de politique RSE. « Les choses ont vraiment évolué à ce sujet au cours des dernières années. On voit que, si les entreprises se limitaient encore, il y a quelque temps, à respecter les prescrits légaux, elles promeuvent aujourd’hui une diversité qui – c’est désormais prouvé – renforce les performances, la créativité, et la capacité de rétention des sociétés », estime Sonia Koulikoff, Manager – Recruitment au sein de DO Recruitment Advisors.

 

Des atouts prouvés

Il est vrai que de nombreuses études se sont penchées sur l’impact d’une plus grande diversité sur l’entreprise. En 2020, une étude menée par Deloitte a par exemple démontré que les entreprises pratiquant une politique inclusive génèrent jusqu’à 30 % de chiffre d’affaires en plus et parviennent à attirer davantage de talents, un atout majeur partout en Europe et surtout au Luxembourg. La diversité rend les entreprises plus innovantes, capables de comprendre plus finement les besoins de clients variés, et leur offre en cela un véritable avantage concurrentiel.

Le constat étant posé, on comprend que les organisations cherchent à intégrer plus de diversité au sein de leurs équipes. Mais il reste à savoir comment faire pour y parvenir. « De nombreuses entreprises mettent en place des comités de diversité et d’inclusion qui approuvent les recrutements, explique Anaïs Raso, Senior Consultant chez DO Recruitment. De notre côté, toutefois, nous ne pouvons évidemment pas favoriser un profil ou un autre en fonction de son genre, par exemple. Il est arrivé qu’on nous demande explicitement de trouver une femme plutôt qu’un homme pour un poste. Mais notre métier est de trouver les meilleures compétences pour les besoins du client, en ne discriminant aucun profil en fonction d’un critère de diversité. Au final, c’est le client qui fera son choix. »

« … notre métier est de trouver les meilleures compétences pour les besoins du client, en ne discriminant aucun profil en fonction d’un critère de diversité … »

Inclure sans discriminer

On comprend donc bien la difficulté à laquelle sont confrontés les recruteurs qui, en suivant des consignes trop précises, finiraient par discriminer certains profils en cherchant à servir les intentions – peut être nobles – de l’organisation. C’est sans doute aussi ce qui explique la réticence du législateur à établir des règles précises en matière de promotion de la diversité en entreprise. La recherche volontaire de certains profils se fait toujours au détriment d’autres, et peut également pâtir à l’entreprise, dont le premier critère de sélection d’un candidat ne sera pas ses compétences.

Si l’on excepte la mention de l’ouverture à la diversité qu’on peut faire figurer sur toute offre d’emploi, la promotion de la diversité en entreprise doit donc se faire, pour ainsi dire, de façon passive. Il s’agit plutôt, finalement, de veiller au respect de l’égalité de traitement, quelle que soit la personne qui postule ou travaille au sein d’une entreprise. A ce niveau, il faut souligner qu’il reste du chemin à parcourir par rapport à certaines formes de diversité. « Aujourd’hui, la question de la diversité tourne beaucoup autour du genre. C’est une bonne chose, mais on voit que les discriminations par rapport à l’âge, par exemple, sont moins prises en compte. Les travailleurs d’un certain âge constituent pourtant une ressource précieuse en entreprise, et plus encore en période de pénurie de talents », estime Anaïs Raso.

Le meilleur accélérateur de diversité en entreprise est d’ailleurs peut-être celui-là : le manque de ressources humaines auquel sont confrontées les organisations dans toute l’Europe. Dans un pays comme le Luxembourg, multiculturel, progressiste, et devant impérativement trouver de nouvelles forces vives, on peut espérer que la diversification des équipes s’intensifie au cours des prochaines années, de façon naturelle et harmonieuse. Il faudra toutefois rester vigilant, en veillant à assurer la meilleure inclusion possible pour des profils qui sont aujourd’hui toujours rares en entreprise : travailleurs plus âgés, porteurs d’un handicap ou membres de la communauté LGBTIQ+, par exemple.

 

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