CEO MEETS CIO
CEO meets CIO: Entretien avec Jeffrey Dentzer & Olivier Ramlot (BIL)
Comment la technologie sert-elle l’activité d’une organisation et son développement ? Comment le métier et l’IT collaborent-ils pour générer de la valeur ? Pour répondre à ces questions, nous avons été à la rencontre de Jeffrey Dentzer, CEO de la BIL, et Olivier Ramlot, le CIO d’une banque qui a connu une transformation majeure au cours de ces derniers mois.
June 11, 2024
Comment la technologie sert-elle l’activité d’une banque comme la BIL ?
Olivier Ramlot, CIO : la technologie n’est pas une fin en soi. Elle doit permettre à l’entreprise d’atteindre ses objectifs et d’augmenter son efficacité. Elle doit également contribuer à l’amélioration de l’expérience client, un enjeu très important pour une banque. A la BIL, nous venons de changer de Core Banking System, auquel nous avons ajouté un CRM, Salesforce en l’occurrence, qui doit nous aider à mieux accompagner nos clients au quotidien. Pour être complet, je dirais que l’IT sert aussi à améliorer la flexibilité, l’agilité, la manière dont on travaille ensemble au sein de l’entreprise.
Jeffrey Dentzer, CEO : L’IT est un sujet important pour nous. Notre métier repose sur l’humain et le digital. Les dimensions physique et digitale de nos métiers, ce qu’on appelle le « phygital », doivent fonctionner main dans la main, de la manière la plus complémentaire possible.
Dans le secteur bancaire, la technologie occupe une place essentielle. Par exemple, tout ce qui concerne les paiements, ou encore la gestion de compte repose sur la technologie. Pour nos clients, ces services doivent impérativement fonctionner et être performants. Pour les opérations du quotidien, ils souhaitent opérer avec plus d’autonomie. La technologie doit nous aider à donner à nos clients cette autonomie, en s’appuyant sur des services facilement accessibles, efficaces et fonctionnels, sans avoir à se déplacer en agence ou à contacter un conseiller.
En parallèle, la relation humaine reste essentielle. Notre rôle est d’accompagner nos clients pour des actes essentiels, dans leurs investissements, obtenir des financements pour leurs projets, régler un dossier de succession, et pour cela rien ne remplace la discussion et l’échange entre nos conseillers et nos clients.
Comment cette technologie peut-elle maintenant servir votre développement ?
Olivier Ramlot : C’est ici que la mise en production de notre nouveau Core Banking System prend tout son sens. Le développement de nos activités ne pouvait se concrétiser qu’au départ d’une nouvelle plateforme IT. Il ne s’agit pas de changer pour changer. C’était devenu une nécessité. L’ancien système montrait ses limites. Nous étions par exemple limités dans l’exécution de certaines opérations, ou même dans l’acceptation de nouveaux clients. Ce qui devenait réellement problématique.
Jefffey Dentzer : Le monde va de plus en plus vite. Les banques ont aujourd’hui vocation à être accessibles 24h/24 et 7j/7. Pour donner une image, l’ancien core banking system était devenu l’un des plus anciens employés de la banque, avec 35 ans de bons et loyaux services. La technologie a beaucoup évolué, il devenait difficile d’être à jour sur tous les sujets. Le système ne nous permettait plus de faire ce que nous souhaitions en termes de nouveaux services, de volume d’activités, il devenait difficile de se projeter sereinement dans l’avenir sans un changement majeur. Nous opérons désormais sur une plateforme beaucoup plus résistante, résiliente et évolutive.
Olivier Ramlot : D’un point de vue IT, le fait d’installer un package bancaire complet nous permet d’être plus réactifs et de répondre plus rapidement aux demandes du marché. Cela nous permet également de bénéficier des développements réalisés à l’échelle européenne et mondiale, d’installer rapidement certains modules et de pouvoir mettre en place de nouvelles fonctionnalités sans attendre des mois. Aujourd’hui, on ne peut plus se permettre d’envisager des projets de développement qui impliqueront, pour nos équipes commerciales, de devoir attendre un an et demi pour bénéficier d’une fonctionnalité. Il faut pouvoir fournir des solutions le plus rapidement possible. Notre nouvel environnement nous permet d’être beaucoup plus réactif.
Jeffrey Dentzer : La robustesse du système, le renforcement des processus transactionnels et opérationnels, doivent nous permettre de gagner du temps et de concentrer davantage nos efforts sur des sujets créateurs de valeur. Si, par exemple, nous devons passer du temps avec un client parce que son transfert n’a pas été exécuté, puis passer du temps à analyser et solutionner le problème, c’est autant de temps qui n’est pas passé dans le conseil et l’accompagnement bancaire, notre véritable valeur ajoutée. En minimisant le risque de problème opérationnel, nous pouvons mieux soutenir nos clients à toutes les étapes importantes de leur vie ou de leur projet.
Comment les équipes métier et IT collaborent-elles ensemble au sein de la BIL ?
Olivier Ramlot : Très clairement, ce changement de Core Banking System nous a permis de mieux fonctionner ensemble, de nous rapprocher. Ce projet s’est étalé sur plusieurs années avec, il faut le dire, des moments critiques à traverser. Dans ces périodes difficiles, les métiers et l’IT se sont réunis dans une même salle pour trouver ensemble des solutions. Les équipes se sont physiquement installées les unes à coté des autres. Cette migration vers un nouveau package IT s’est aussi accompagnée d’une nouvelle organisation. Dans ce cadre, nous avons mis en place des « fusion teams », des équipes rassemblant l’IT et le business, avec un product owner côté business qui donne les priorités et objectifs tandis que l’IT veille à apporter la meilleure solution pour y répondre. Nous avons également créé un nouvel organe, le Strategic Delivery Commitee (SDC), qui définit au niveau de la banque tous les projets stratégiques à mener et qui, là encore, réunit business et IT. Ensemble, ils ont pour mission de définir quelles sont les priorités de la banque, de s’assurer de la cohérence globale des actions menées à tous les étages de l’entreprise pour atteindre les objectifs fixés.
Jeffrey Dentzer : La collaboration est maintenant presque naturelle. Au travers de cet exercice imposé qu’était le changement de notre Core Banking System, nous avons appris à travailler ensemble de manière efficace et constructive. Ces longues journées, et parfois ces longs week-ends, à travailler à la résolution des problèmes que nous rencontrions tout au long du développement nous ont aidés à renforcer cette connexion entre IT et métier.
Dans l’ancien monde, la tendance était au fonctionnement en silo. Si je forcis le trait, le business venait avec ses doléances et l’IT expliquait que cela allait être compliqué. S’installait alors un dialogue de sourds entre les uns et les autres. L’IT était aussi trop souvent vu comme un centre de coûts. Aujourd’hui, tout a changé et l’on peut s’en réjouir. L’IT dispose d’une meilleure compréhension de la stratégie de la banque et de ce que font les équipes commerciales pour les clients. A l’autre bout de la chaîne, le business a une meilleure vue sur les contraintes qui entourent ces sujets IT. La stratégie est mieux comprise par tout le monde. Il ne faut pas perdre de vue que nous sommes avant tout une banque et pas une entreprise informatique. Même si ces trois dernières années, on aurait pu penser l’inverse. Nous devons désormais nous reconnecter avec notre cœur de métier. Nous sommes avant tout des banquiers au service de nos clients.
Olivier Ramlot : A ce niveau, je souhaiterais mettre l’accent sur l’importance de créer un cercle vertueux. Le business a ses besoins et l’IT doit les adresser, mais l’IT doit aussi venir avec des propositions qu’elle peut ensuite faire valider par le business. Le business n’a pas toujours conscience des possibilités qu’offre la technologie. Nous avons mis en place une équipe dédiée à l’innovation, qui s’intéresse à tous les sujets du moment, comme l’IA générative par exemple. L’enjeu est de pouvoir expliquer aux métiers ce qu’apportent ces nouvelles technologies, pour que le métier puisse les comprendre et imaginer des applications concrètes. Nous ne voulons de la technologie pour la technologie, mais nous devons éveiller les consciences sur les possibilités offertes. Je dis toujours que le business est responsable du « what » et l’IT du « how ». C’est important de garder cela à l’esprit tant notre paysage IT est complexe. Quand un métier exprime un besoin, nous devons partir de cette vision globale de notre environnement IT, vérifier que des applicatifs en place ne permettent pas, déjà, de répondre à la demande. L’architecture d’entreprise est très importante. Maintenant, chaque demande passe par le SDC et une validation préalable est nécessaire pour en vérifier la cohérence.
Une stratégie clairement définie et partagée, une organisation et une clarification des rôles sont donc nécessaires pour réussir ?
Olivier Ramlot : Toute transformation doit s’appuyer sur une gouvernance forte. La réussite s’explique aussi par le fait que la responsabilité des applications IT est dans les mains du business. Dans cette organisation, avec des équipes fusionnées, le métier, mieux préparé, peut lui-même se rendre compte qu’il est nécessaire d’investir dans l’amélioration d’un outil ou dans sa sécurisation. Il s’agit de tâches invisibles pour les utilisateurs, mais tellement cruciales par les temps qui courent. En matière de cybersécurité, par exemple, nous ne pouvons plus nous permettre de travailler avec des outils trop vieux, mal sécurisés. Comprendre l’autre permet de mieux gérer les différents sujets.