CEO MEETS CIO

” Dans notre approche de l’assurance, le digital devient un service à part entière “

Depuis plusieurs années, La Mondiale Europartner (LMEP) investit massivement dans la transformation digitale de son activité dans l’optique de soutenir sa croissance, d’améliorer sa rentabilité et de renforcer l’excellence de ses services. Loïc Le Foll, Membre du Comex Groupe en charge de l’Épargne Patrimoniale, et Pascal Bughin, Directeur de la transformation, de l’IT et du digital de LMEP, évoquent comment le numérique contribue au développement international de la compagnie.

February 4, 2024

Quels sont vos principaux enjeux business ? Comment le numérique y contribue-t-il ?

Loïc Le Foll : Aujourd’hui, nos développements sont orientés autour trois principaux objectifs : la croissance, la rentabilité et l’excellence du service. Le digital est un levier majeur contribuant à l’atteinte de ces objectifs. Il favorise la croissance de nos activités en nous permettant de consolider nos parts de marché et ce notamment en renforçant nos relations avec nos partenaires. Notre métier est le B2B2C. Nous servons nos partenaires distributeurs ainsi que leurs clients qui sont nos assurés. Nous mettons à leur disposition de nouveaux services numériques correspondant à leurs besoins. La technologie nous permet aussi d’atteindre de nouvelles cibles, en l’occurrence les membres de la génération « milléniale », ou d’aborder de nouveaux modes de distribution, via les néo-courtiers. En matière de rentabilité, le numérique est un vecteur d’amélioration des performances des équipes. Nous explorons les possibilités d’automatiser un certain nombre de tâches administratives, à faible valeur ajoutée, pour permettre à nos équipes de se concentrer sur d’autres fonctions. In fine, nous devons pouvoir gérer des volumes de transactions ou d’encours plus importants avec, potentiellement, la même équipe.

Comme troisième enjeu, vous évoquiez aussi l’excellence du service…

Loïc Le Foll : Dans nos métiers, nous servons une clientèle fortunée, apportons des réponses à des enjeux de structuration ou de planification patrimoniale. Pour ces personnes, la notion de service est très importante. L’idée n’est pas de tout automatiser grâce au numérique. Ce n’est pas ce que cherchent nos clients. Nous devons maintenir une approche personnalisée vis-à-vis de chacun d’eux. Il s’agit de trouver un juste équilibre, en veillant à ce que le digital contribue à obtenir des gains d’efficience tout en soutenant la relation. Il doit être vecteur de confiance, en apportant des garanties lorsque l’on propose au client de souscrire numériquement à un contrat ou à travers l’établissement de rapport de qualité.

Une fois que l’on a pris conscience de l’importance du digital, comme levier de développement du business, comment appréhende-t-on la transformation à mener ?

Pascal Bughin : La prise de conscience, c’est le point de départ. Nous étions convaincus de l’orientation à prendre. C’est qui nous a poussés à créer la direction « Transformation, IT et Digital », dont j’ai la responsabilité actuellement. Nous avons mis en place une équipe dédiée à la transformation du business, grâce aux moyens digitaux, qui est au service des partenaires, des clients et de l’interne. Pour compléter ce qu’évoquait Loïc, il s’agit d’impliquer le métier au cœur de cette transformation. Il ne s’agit pas uniquement de numériser des processus existants, mais de repenser ceux-ci à l’aune des ambitions poursuivies et de l’évolution des attentes des personnes que l’on sert.

Loïc Le Foll : Nous nous inscrivons dans une approche de numérisation des processus depuis plusieurs années déjà. Cependant, l’année 2020, avec la crise sanitaire, marque un tournant dans la manière avec laquelle nous avons appréhendé le numérique. Le confinement nous a poussé à accélérer notre digitalisation. Ainsi de nombreux processus ou opérations ne pouvaient plus se faire en format papier. Pour servir nos partenaires et leurs clients au mieux de leur intérêt nous avons engagé de nombreux projets de digitalisation que nous avons finalisé dans des délais relativement courts. Bien sûr, ceci s’est traduit par un coût important mais notre priorité a toujours été la satisfaction de nos partenaires. Et justement compte tenu de leurs réactions extrêmement positives, nous avons décidé de poursuivre notre digitalisation au même rythme.

Pascal Bughin : L’un des défis liés à cette transformation réside dans le fait que nous travaillons en architecture ouverte et que nous avons, à ce titre, besoin de nous interfacer avec nos divers partenaires. En la matière, il n’existe pas de standards. Les stratégies de nos distributeurs vont du développement de leur propre solution à l’utilisation des plateformes mises à disposition par les assureurs en passant par celles proposées par des fournisseurs externes. La volonté a été d’accompagner leur choix en répondant à leurs besoins via une stratégie digitale ouverte et modulaire.

À ce titre, vous agissez aussi comme un catalyseur de la transformation digitale de tout un écosystème…

Pascal Bughin : Dans certains cas, nous avons emmené des partenaires sur la voie de la digitalisation, en leur proposant des solutions qu’ils n’avaient pas encore envisagé d’adopter. Toutefois, il est important de comprendre que nous n’avons pas imaginé ce plan de transformation digitale seuls dans notre coin. Au contraire, nous sommes allés voir nos partenaires, leur avons expliqué nos projets. Nous les avons aussi écoutés et pris le temps de comprendre leurs besoins. C’est après ces échanges que nous avons décidé d’investir, d’une part, dans une solution clé en main qu’ils pourraient utiliser rapidement et d’autre part, dans un catalogue d’API qui permet d’interfacer notre plateforme avec leurs systèmes d’information.

Nous veillons en permanence à ce que nos développements répondent à un besoin exprimé par nos partenaires ou à un enjeu métier bien identifié. Ces éléments sont ensuite évalués en considérant les trois objectifs énoncés par Loïc et la satisfaction de nos partenaires. Nos feuilles de route ne dépendent plus uniquement de l’IT, mais concernent l’ensemble de la compagnie. Elles sont portées par l’ensemble des directions. In fine, les employés s’y retrouvent davantage.

Comment, dans cette démarche, business et IT travaillent-ils ensemble ?

Pascal Bughin : L’idée défendue par Loïc, depuis le début, réside dans la mise en œuvre de partenariats, au niveau des équipes commerciales, puis opérationnelles et maintenant entre les équipes en charge de la transformation digitale. Très concrètement, cela se traduit dans le fait que les équipes en charge du numérique vont rencontrer les partenaires pour discuter des opportunités de générer de la valeur commune à travers les projets que l’on peut développer ensemble. Cela nous permet aussi de rencontrer les équipes digitales de nos partenaires, ce qui a le mérite de faciliter les échanges et la compréhension des enjeux de chacun. Dans cette optique, nos différentes équipes travaillent en toute transparence, avec un échange d’informations efficient. Le digital devient un vecteur de développement commercial. Si bien que lorsque nous lançons un nouveau parcours ou une nouvelle API, il nous est plus facile d’accompagner les distributeurs dans l’intégration des nouvelles possibilités.

Le digital devient donc un service ou un produit à part entière…

Loïc Le Foll : Tout à fait. Et il est mis en avant comme tel. Au cœur de notre offre, nous avons évidemment et, avant tout, des produits d’assurance qui répondent aux attentes des clients, mais aussi un ensemble de services. Il y a, par exemple, un service juridique, qui permet de s’assurer que les solutions que l’on met en place sont conformes à la réglementation. Dans le contexte actuel, le digital devient un service à part entière. Il s’agit d’un facteur essentiel du business.

Sans le digital, vous vous couperiez de certains marchés ?

Loïc Le Foll : Nous nous couperions de certains partenaires car le mouvement de transformation digitale concerne tous les acteurs du marché. Nous devons donc veiller à avancer ensemble sur cette voie, pour mieux servir nos clients et continuer à croître. Nous devons nous aligner du mieux possible. Pascal et ses équipes, en allant discuter avec les responsables du digital chez nos partenaires, jouent un rôle essentiel dans ce sens. De plus, comme évoqué, sans le digital nous ne pourrions pas activer de nouveaux leviers de croissance, aborder de nouveaux marchés. On aurait plus de difficultés à s’adresser à des clients de la nouvelle génération, qui ne comprendraient pas que les informations, données, transactions liées à leur contrat ne puissent pas être consultées en ligne.

L’assurance-vie n’est toutefois pas un produit auquel on souscrit ou avec lequel on interagit tous les jours…

Loïc Le Foll : Effectivement, on ne souscrit pas à un produit d’assurance-vie comme on achète un bien de consommation en ligne. Nos clients se tournent vers de telles solutions lorsqu’ils se retrouvent à la tête d’un patrimoine financier important, à la suite d’un héritage ou de la cession d’une société, par exemple. Dans une vie, cela n’arrive pas tous les jours. Par contre, quotidiennement, il y a des gens qui héritent, qui vendent leur entreprise et qui peuvent avoir besoin d’une solution comme celles que nous proposons. Ce n’est pas une activité anecdotique. Chaque année, en étant présents sur seulement deux marchés, la France et l’Italie, nous réalisons un chiffre d’affaires de 2,5 milliards d’euros de collecte pour 20 milliards d’encours sous gestion. Et nous avons d’importantes ambitions de développement pour les années à venir. Le digital doit nous aider à appréhender cette croissance de l’activité.

Pascal Bughin : D’autre part, le digital vient supporter le partenaire dans la distribution de nos produits. Un contrat d’assurance-vie reste quelque chose de complexe. Lors de la souscription ou d’une transaction, il est nécessaire de passer à travers 80 ou 100 pages de documents d’informations ou de questions qu’il faut poser au client. Grâce au digital, au fur et à mesure du parcours, on informe le client uniquement sur les éléments qui sont pertinents par rapport à sa situation. On contribue grandement à améliorer l’expérience, à faciliter la souscription en garantissant le respect des règles de conformité. Le document émis à la fin du parcours est beaucoup plus clair et contribue à plus de transparence vis-à-vis du client.

À vos yeux, quels ont été ou sont les plus grands défis de cette transformation ?

Pascal Bughin : Le premier a été de s’aligner avec nos partenaires. Nous évoluons dans un monde, celui de la gestion patrimoniale, où la transformation digitale n’est pas aussi avancée que dans d’autres secteurs. Il y a des habitudes de travail qui ont dû, ou qui doivent encore, évoluer. Cette logique de partenariat, envisagée dès le départ par Loïc, a permis de lever certains freins. En interne aussi, il a fallu adopter de nouvelles façons de travailler. À ce niveau, l’informatique, en raison de sa proximité avec l’écosystème numérique, a été porteuse du changement. Les professionnels du numérique, il y a quelques années, ont été bousculés par l’émergence de nouveaux acteurs dans le domaine de la Fintech, de la Regtech, de l’Insurtech. Ceux-ci ont apporté de nouvelles approches, plus agiles, avec des déploiements plus réguliers, des développements qui se concentrent sur des fonctionnalités précises à forte valeur ajoutée. Nous avons pu étendre ces approches à l’ensemble de l’organisation.

On s’est, en outre, rendu compte que cela répondait aux aspirations des collaborateurs dans la mesure où cette manière de travailler leur permet de mieux comprendre ce à quoi ils contribuent.

Loïc Le Foll : L’un des autres grands défis réside dans le manque de standardisation. Tout le monde parle de digital, mais les standards en la matière restent rares. Rien que sur la signature électronique, pour donner un exemple, les prestataires spécialisés ou les niveaux de signature utilisés diffèrent d’une banque à l’autre. Cela rend la digitalisation beaucoup plus compliquée. Pour nous, qui devons nous adapter aux choix de nos partenaires, cela représente des coûts supplémentaires non négligeables. Enfin, le coût est un autre challenge important. La collaboration avec les fintechs, pour compléter ce que disait Pascal, a permis à bien des égards d’accélérer notre digitalisation. Nous avons, pu capitaliser sur l’expertise et les solutions de Finologee par exemple, mais il y en a d’autres. À ce titre, nous avons mis en place des structures pour soutenir l’émergence de ces acteurs innovants, qui peuvent nous aider à avancer plus efficacement.

Vous évoquez des coûts importants. Est-ce que les services digitaux que vous développez sont valorisés d’une manière ou d’une autre ?

Loïc Le Foll : Aujourd’hui, nous ne valorisons pas vraiment ces services digitaux en tant que tels. Ils sont proposés à nos partenaires et, à travers eux, à leurs clients de manière gratuite. Cela correspond à une pratique de marché. Si cela venait à évoluer, nous aviserions. Toutefois, les services digitaux proposés sont relativement basiques. Ils soutiennent les transactions, s’inscrivent dans une approche de dématérialisation. Demain, il est possible que nous envisagions des services plus sophistiqués, en matière de valorisation des données par exemple, qui pourraient alors éventuellement être valorisés différemment.

Pascal Bughin : Ces développements sont des investissements. Ils contribuent à la fidélisation de nos partenaires stratégiques, nous permettent d’envisager l’avenir ensemble, de continuer à grandir.

Le retour sur investissement s’opère-t-il au niveau d’une réduction des coûts opérationnels ?

Loïc Le Foll : Actuellement, étant dans une dynamique de croissance, nos coûts opérationnels ne diminuent pas. Nos effectifs n’ont pas été réduits à la suite de cette transformation digitale. Mais nous savons, par expérience, que le digital permet d’accroître significativement la productivité. Ainsi sur les 7 dernières années, nous avons doublé nos encours gérés, qui sont passés de 10 à 20 milliards, et ce, avec un effectif qui a légèrement diminué.

Watch video

In the same category