CEO MEETS CIO
CEO meets CIO : Entretien avec Erik Von Scholz & Mustafa Öztürk (Enovos)
La technologie est un allié indispensable de la transition énergétique. Au sein d’Enovos, elle est mise en œuvre pour accompagner les consommateurs, qui deviennent de plus en plus des producteurs d’énergie, dans ce monde qui change. L’un des enjeux, nous expliquent Erik von Scholz, CEO d’Enovos, et Mustafa Öztürk, son CIO, est de parvenir à proposer une expérience améliorée aux clients.
January 30, 2025
Quelle est l’importance de la technologie numérique au sein d’une organisation comme Enovos ?
Erik Von Scholz : Depuis quelques années, on observe que la technologie a vraiment pris une place centrale. Plus qu’importante, elle est devenue l’un des principaux sujets de discussion pour plusieurs raisons. La crise du Covid, l’explosion des prix de l’énergie à la suite de l’entame du conflit en Ukraine, mais aussi la nécessité d’opérer une transition énergétique majeure, l’accélération des développements technologiques liée à l’intelligence artificielle… Nous sommes confrontés à des défis importants, nous obligeant à nous adapter toujours plus vite, pour résoudre un ensemble de défis à court terme, mais aussi pouvoir accompagner nos clients sur le long terme, faire évoluer nos modèles alors que la manière de consommer et de produire l’énergie change durablement. Dans ce contexte, face à ces défis, la technologie est une alliée indispensable. Il nous appartient de tirer profit des possibilités offertes par le numérique, comme l’intelligence artificielle par exemple, pour mieux accompagner les dynamiques qui animent le marché de l’énergie.
En tant que CIO, comment avez-vous vu évoluer la place de la technologie ?
Mustafa Öztürk : Je rejoins ce qu’a évoqué Erik. Les évolutions réglementaires et les transformations à l’œuvre au niveau du marché nous obligent à repenser nos modèles, nos produits et services en intégrant les nouvelles possibilités qu’offre la technologie. Cependant, cette transformation ne peut être correctement menée que si nous disposons des bonnes fondations. C’est dans cette optique que, il y a quatre ans, nous avons décidé de refondre notre environnement informatique, avec une migration complète vers le cloud. Aujourd’hui, cette transformation nous permet d’accéder beaucoup plus facilement aux nouvelles technologies, pour notamment accélérer le développement de nouveaux produits et services à destination des clients, mais aussi renforcer la capacité de nos équipes à innover et à les accompagner dans la transition énergétique.
Vous évoquez de nouveaux produits et services. Comment cela se traduit-il concrètement ?
Erik Von Sscholz : L’un des grands enjeux est de permettre à nos clients, qui ne sont plus uniquement des consommateurs, mais aussi des producteurs, de contribuer directement à la transition énergétique et d’en tirer les avantages. Il faut pour cela pouvoir leur proposer une nouvelle expérience. L’application mobile que nous mettons désormais à leur disposition leur permet de mieux comprendre leur consommation d’énergie. Le marché de l’énergie est de plus en plus complexe, avec une production de plus en plus décentralisée, des habitudes de consommation qui évoluent. L’un des enjeux est de permettre à chacun de consommer au moment où il produit son énergie, à injecter l’énergie au meilleur moment, quand les prix sont intéressants, ou s’approvisionner en énergie extérieure lorsque ceux-ci sont bas. Cependant, personne n’a envie de passer son temps à analyser les prix, à s’inquiéter du moment où il produit ou consomme. En recourant au numérique et à l’automatisation, il s’agit de leur faciliter la vie.
Mustafa Öztürk : L’application doit permettre à chaque client de mieux gérer son énergie. C’est à travers elle que nous pouvons proposer de nouveaux services. Nous travaillons sur des fonctionnalités innovantes, permettant par exemple à des clients de partager l’énergie produite au niveau d’une communauté bien déterminée ou encore d’optimiser les coûts de recharge de leur véhicule électrique. Nous voulons leur permettre d’accéder à des indicateurs utiles, garantissant une plus grande transparence liée à leur consommation et aux coûts de l’énergie, contribuant par la même occasion à l’évolution des usages. À travers l’application, on peut aussi proposer un ensemble de fonctionnalités permettant de contrôler des systèmes d’énergie à distance, comme des installations photovoltaïques et des bornes de charge.
Au cœur de cette transition, énergétique et numérique, n’est-ce pas votre rôle de fournisseur d’énergie qui évolue ?
Erik Von Sscholz : Au cœur de cet écosystème, nous sommes amenés à nous positionner comme un fournisseur de solutions liées à l’énergie, et non plus un simple fournisseur d’énergie. Notre rôle est de réduire la complexité inhérente à cet environnement, au marché de l’énergie, de simplifier la vie du client. Il s’agit de donner davantage de contrôle à l’utilisateur prosumer sans que cela implique pour autant qu’il devienne trader. L’idée, c’est de lui permettre de mieux gérer son électricité, d’optimiser son budget. C’est là que s’exprime notre valeur ajoutée. À ce titre, nous devenons de plus en plus une entreprise technologique.
La technologie doit aussi nous permettre d’améliorer les interactions entre nos équipes et nos clients, de pouvoir proposer des expériences personnalisées en fonction des attentes de chacun. Il s’agit de donner à nos agents les bons outils, leur permettant de mieux conseiller les clients et les accompagner. Disposer d’une meilleure compréhension du client est essentiel.
L’analyse des données, l’intelligence artificielle doit aussi nous permettre d’améliorer nos modèles, pour mieux anticiper l’évolution de la production et de la consommation, ainsi que celle des prix.
Comment la technologie se place-t-elle au service de la création de valeur ? Quels sont les enjeux en la matière ?
Mustafa Öztürk : L’innovation est intimement liée à la technologie. Aujourd’hui, le recours au cloud nous permet de répondre plus efficacement aux demandes du business et, in fine, de nos clients. L’informatique se met davantage au service de la création de valeur, en étant au plus près du métier, pouvant répondre avec beaucoup plus d’agilité à la demande. Par le passé, on passait par exemple beaucoup de temps à dimensionner l’infrastructure en fonction de l’évolution des besoins. Désormais, grâce aux technologies cloud, à la refonte de l’environnement système que nous avons menée, tout cela évolue de manière dynamique.
L’enjeu est de tirer parti des solutions cloud auxquelles nous pouvons désormais beaucoup plus facilement accéder. Nous avons par exemple lancé plusieurs projets axés sur l’IA, qui s’appuient sur les grands modèles de langage (LLM), directement disponibles depuis le cloud.
Si la technologie est indispensable à une démarche d’innovation, cette dernière émane aussi de nos collaborateurs, de leur capacité à intégrer les solutions numériques au niveau des opérations ou encore de l’offre. Ce sont eux qui doivent pouvoir s’en emparer, envisagent de nouveaux cas d’usage. L’innovation fait aussi appel aux clients, en les impliquant davantage dans les réflexions, dans les groupes de discussion, dès la phase de conception d’un nouveau projet. Cela est aussi facilité par le recours à la technologie.
Comment IT et Business collaborent-ils ensemble ? Comment parvenez-vous à aligner leurs objectifs ?
Erik Von Sscholz : Le numérique est désormais omniprésent dans notre organisation. Chaque projet revêt une dimension technologique. Pour bien appréhender les enjeux, nous avons donc besoin de plus de compétences technologiques, mais aussi de renforcer l’appétit de l’ensemble des collaborateurs pour latechnologie et les opportunités qu’elle offre.
Nous avons besoin d’architectes, d’analystes, de spécialistes de la donnée, d’ingénieurs. Nos métiers évoluent. Il faut amener des talents informatiques dans chaque département. L’alignement des objectifs s’effectue à travers la mise en place d’équipes pluridisciplinaires.
Nous devons nous concentrer sur le développement de nouvelles compétences à tous les niveaux de l’organisation, permettre à nos collaborateurs de maîtriser les enjeux, les inviter à s’ouvrir à de nouvelles expériences. Il faut entretenir, à tous les niveaux, une culture de l’innovation. C’est un état d’esprit nouveau qu’il faut promouvoir.
Comment cela se traduit-il au niveau organisationnel et opérationnel ?
Mustafa Öztürk : Nous avons défini un modèle facilitant la collaboration entre les services informatiques et le business. La transformation numérique ne relève pas du département informatique seul. Elle s’organise au départ des équipes. Par contre, nous gardons la main sur des enjeux transversaux, comme la cybersécurité, la gouvernance des données, ou le développement logiciel, s’il revêt un caractère critique.
Nous avons donc mis en œuvre un modèle d’organisation décentralisé, avec des politiques et des procédures claires qui régissent le développement, les opérations, la sécurité, etc. Ce sont ces éléments qui définissent le cadre de la collaboration. Les unités opérationnelles jouissent d’un certain niveau d’autonomie pour développer leurs propres solutions, en appliquant ces lignes directrices. L’exécution des projets se fait en étroite collaboration entre l’informatique et l’entreprise.
En outre, pour les données, nous avons défini un modèle opérationnel cible dans lequel les opérations informatiques centrales collaborent avec des analystes de données et des data scientists décentralisés. Grâce à une gouvernance solide, nous permettons un développement agile des solutions numériques, ce qui garantit la flexibilité et l’innovation tout en maintenant le contrôle.
Quels sont les principaux défis liés à la transformation numérique pour l’avenir ?
Mustafa Öztürk : L’un des principaux défis est d’amener nos collaborateurs à tirer parti de la technologie, à explorer de nouvelles possibilités, en plaçant le client au cœur de la réflexion, avec la volonté lui procurer une expérience enrichie. Nous devons donc donner à nos collaborateurs les possibilités de mieux exploiter les données et les nouvelles technologies, à commencer par l’intelligence artificielle. C’est un projet de transformation de longue haleine, que nous avons entamé. Dès aujourd’hui, on voit émerger de nouveaux cas d’usage, qui émanent directement de nos équipes.
Enfin, en tant qu’acteur régulé, nous devons garantir en permanence un très haut niveau de sécurité, de disponibilité et de protection des données.
Concernant les défis à venir, quelle est la perception du dirigeant ?
Erik Von Sscholz : Les défis sont nombreux. Nous sommes au cœur d’une transformation d’envergure qui nous amène à apporter des propositions de valeur à nos clients autour de la gestion de flux d’énergie – production comme consommation, mobilité électrique, stockage -, et la technologie. Cette multidisciplinarité apporte une certaine complexité, mais doit impérativement être rendue simple, intéressante et utile pour nos clients. L’orientation client constitue donc à tous niveaux une de nos priorités stratégiques. Et comment parler de défis futurs sans mentionner la crise climatique, qui amène deux autres de nos priorités : le développement continu de nos capacités de production d’énergie renouvelable, et nos efforts dans les domaines de l’efficacité énergétique. Enfin, tout ceci ne pourrait se faire sans le renforcement de la capacité de notre entreprise à s’adapter à un environnement évoluant rapidement. C’est essentiel si nous voulons soutenir la transition énergétique activement tout en amenant une valeur ajoutée tangible à nos clients.