A l’occasion de ses 15 ans, ITnation a invité les professionnels du numérique au Luxembourg à jeter un coup d’œil dans le rétroviseur, pour parler du chemin parcouru, et à nous faire part de leur vision du numérique pour les 15 prochaines années. Patrick Houtsch, directeur de CTIE, évoque la transformation de l’administration et le rôle clé du numérique dans la gestion de la pandémie. 

Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez il y a quinze ans? 

Il y a quinze ans, je travaillais, tout comme aujourd’hui, pour le Centre des technologies de l’information de l’État, qui s’appelait à cette époque Centre informatique de l’État. 

Pour préparer notre interview, j’ai feuilleté dans les anciens rapports d’activité et je dois dire que cela m’a rendu un peu nostalgique. Nous étions 137 personnes au CIE qui était organisé en 6 divisions, en 2007. C’était une grande famille. Aujourd’hui je suis responsable pour plus de 500 agents étatiques dans 10 divisions qui gèrent nos multiples missions en tant que prestataire de services IT de l’État. Notre administration et son évolution témoignent donc elles-mêmes de l’ampleur que la digitalisation a pris les dernières 15 années dans la société et donc aussi dans l’administration publique.  

En quinze ans, quel a été le principal apport du numérique dans votre vie/dans la société ? 

Je suis persuadé que le numérique a surtout changé notre manière de communiquer avec nos familles, nos amis, nos collègues mais également avec nos concitoyens et même de parfaits inconnus. Notre communication est devenue plus rapide, multicanale et surtout indépendante du lieu où nous nous trouvons.  

Ce changement, je pense que nous pouvons l’attacher à deux évolutions majeures. Il y a premièrement l’établissement du web 2.0, la démocratisation du web, qui s’est vraiment concrétisée il y a plus ou moins 15 ans. Les internautes ne se sont plus contentés de consommer des contenus en ligne. Tout un chacun a eu la possibilité d’être son propre auteur, photographe ou régisseur et de partager facilement les expériences vécues avec ses amis ou sa communauté en ligne. Tout ceci s’est bien sûr accéléré avec une deuxième (r)évolution : l’avènement des smartphones, à ce moment où les téléphones mobiles ont évolué vers des vrais ordinateurs de poche, connectés et avec caméras. 

Depuis, notre communication a profondément changé : nous nous trouvons en communication permanente, nous échangeons des informations, des photos et des vidéos. De la même manière, nous souhaitons pouvoir consommer toute sorte de services, indépendamment de l’heure et du lieu où nous nous trouvons. C’est d’ailleurs aussi ce que les citoyens attendent d’un gouvernement moderne : entrer en contact avec l’administration publique à travers des services en ligne, à forte valeur ajoutée, disponibles à tout moment et depuis n’importe où. 

Quel est votre souvenir professionnel le plus mémorable de ces quinze dernières années ?

Aucun évènement ne m’a marqué autant que l’effet de la pandémie sur notre société et le rôle du CTIE dans la gestion de la crise. Je me rappellerai toujours de cette phase aigüe au début de la crise pendant laquelle tous les collaborateurs du CTIE ont travaillé jour et nuit pour équiper les agents de l’État avec le matériel, les logiciels et les applications nécessaires pour que ceux-ci puissent travailler en sécurité tout en restant disponibles pour les citoyens et entreprises qui n’ont jamais eu autant besoin d’une administration publique fonctionnelle, accessible et efficace. 

Du jour au lendemeain, nous nous sommes rendu compte du l’importance de l’informatique au cœur de notre société et, au niveau de l’administration, du rôle que le CTIE allait devoir jouer dans la gestion de cette crise sanitaire. Tout le monde était impliqué et je suis très fier de ces équipes et des efforts qu’elles ont déployés non seulement au début de la crise et durant toute la pandémie, à chaque fois que la situation le demandait. Que l’on parle de la mise en place des applications nécessaires pour les vaccinations ou le développement de l’app CovidCheck, pour ne citer que deux projets clés, chacun a répondu présent. 

Comment imaginez-vous le marché luxembourgeois du numérique dans 15 ans? 

Certaines nouvelles technologies sont actuellement à la mode. Chacun veut faire du big data, de l’intelligence articifielle et de l’IoT. Si aucune de ces technologies ne semble s’imposer radicalement, on ne constate pas de profond big bang autour d’une ou l’autre, je reste convaincu qu’elles vont profondément influencer les services IT de demain. On le voit déjà avec la science des données, qui a fait doucement son apparition dans l’administration publique pendant les dernières années. Aujourd’hui, de plus en plus d’administrations sont à la recherche de data scientists. Utilisées avec précaution, en veillant au respect de la protection des données, ces trois technos ont le potentiel de largement contribuer à la simplification administrative. Grâce à l’automatisation et l’interconnexion des back offices, nous allons aussi voir une nouvelle génération de services publics en ligne émerger. Ils proposeront des approches davantage personnalisées à la situation de vie de l’utilisateur, avec plus de proactivité. Autrement dit, contrairement à aujourd’hui ce sera plutôt l’État qui sera à l’initiative pour solliciter une interaction du citoyen quand il aura besoin d’informations supplémentaires.