HUMAN

Recrutement : atouts et limites de l’Intelligence Artificielle

L’intelligence artificielle s’immisce de façon subreptice dans nos vies, et le monde du travail n’échappe pas à la règle. Une multitude de métiers évoluent ou vont évoluer dans les années à venir, soutenus (ou desservis) par la technologie. Dans le domaine des ressources humaines, c’est notamment le métier de recruteur qui voit ses fonctions changer à grande vitesse.

June 26, 2024

La majorité des responsables des ressources humaines déclarent qu’il est devenu plus difficile de recruter que par le passé. Aujourd’hui, pour attirer des talents, il faut se démarquer de la concurrence grâce à une marque employeur forte pour attirer l’attention. Il faut aussi pouvoir transformer ses collaborateurs en ambassadeurs de l’entreprise, pour qu’ils deviennent eux-mêmes un vecteur de recrutement. Il faut aussi faire preuve de créativité. Il n’est donc pas surprenant que l’intelligence artificielle (IA) ait trouvé sa place dans le processus de recrutement.

C’est un fait, les recruteurs commencent à adopter les nouvelles technologies pour mieux recruter. Dans ce domaine, la vocation de l’IA est de faciliter et d’automatiser certaines actions, comme le pré-screening des candidats sur base de critères de sélection prédéfinis. Le recruteur gagne du temps, est plus efficace et peut se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée.

À une époque où les entreprises sont confrontées à l’incertitude, réduisent leurs effectifs et doivent optimiser leur budget, les promesses associées à l’IA sont attrayantes, mais il est important de prendre du recul et de bien réfléchir à son rôle, en particulier dans le cadre des entretiens d’embauche.

Faciliter le sourcing

Les avantages de l’intelligence artificielle sont nombreux. Alors qu’identifier et présélectionner les bons candidats prend du temps et de l’énergie, les logiciels de recrutement prédictifs identifient puis analysent des milliers de CV contenus dans des bases de données, telles que LinkedIn par exemple. Ces logiciels se basent sur des algorithmes de filtrage. Le plus souvent, il s’agit de « tendances communes » repérées chez des employés au parcours intéressant comme les emplois antérieurs occupés, les diplômes obtenus, etc.

L’IA peut ensuite aider à identifier les talents en adéquation avec le poste. Cette étape, qui suit celle du sourcing, permet d’aller plus loin et de calculer, parmi les CV présélectionnés, ceux qui collent le plus avec une annonce sur la base de mots- clés concernant les compétences, la personnalité, les centres d’intérêt du candidat, etc. Certains algorithmes sont même capables d’évaluer l’adéquation du candidat avec la culture de l’entreprise.

« Selon une étude de la Harvard business review, un recruteur qui suit un algorithme plutôt que son instinct, augmenterait de 25 % ses chances de choisir le bon candidat… »

Des entretiens robotisés

Toutefois, l’un des grands problèmes liés au fait de s’appuyer uniquement sur l’IA pour les entretiens est qu’il manque la touche humaine. Certes, l’IA peut calculer des chiffres et analyser des données plus rapidement que n’importe quel humain. Mais elle n’est pas à la hauteur lorsqu’il s’agit de comprendre les subtilités de l’interaction humaine.

Aujourd’hui, des logiciels, programmés pour simuler une conversation en langage naturel, proposent une analyse des candidats avec lesquels ils « discutent » en ligne. Ces chatbots permettent de faire une première détection des candidats potentiels pour un poste donné. Aux Etats-Unis, un sondage de Resume Builder publié l’été dernier a révélé qu’en 2024, quatre entreprises sur dix utiliseraient l’IA pour « discuter avec » les candidats lors des entretiens. Parmi ces entreprises, 15% ont déclaré que les décisions d’embauche seraient prises sans aucune intervention humaine…

Prenons l’exemple d’un cas récent mis en lumière par le quotidien The Guardian. L’article détaille l’expérience d’un demandeur d’emploi, nommé Ty, qui décroche un entretien téléphonique avec une société financière. Au départ, Ty a supposé que le recruteur, qui s’est présenté comme Jaime, était humain. Mais les choses ont pris une tournure plus robotique. « La voix ressemblait à celle de Siri. C’était bizarre », a déclaré le jeune homme de 29 ans. Ty a réalisé que son interlocuteur était un système d’IA, et avec une habitude plutôt impolie. Jaime a posé à Ty toutes les bonnes questions : quel est votre style de management ? Etes-vous un bon candidat pour ce poste ?, etc. Mais elle ne laissait pas Ty répondre pleinement. « Après m’avoir coupé la parole, l’IA répondait : « Super ! Ça sonne

bien ! Parfait ! » Puis elle passait à la question suivante, a poursuivi Ty. Après la troisième ou quatrième question, l’IA s’est simplement arrêtée après une courte pause et m’a dit que l’entretien était terminé et que quelqu’un de l’équipe me contacterait plus tard. »

Un recrutement à double sens

Force est de constater que cela ne ressemble guère à une conversation engageante qui, comme le savent les responsables du recrutement, peut déboucher sur un placement réussi. Et c’est là que réside le problème. Les entretiens d’embauche ne servent pas uniquement à évaluer les candidats. Ils permettent également à ces derniers de se faire une idée de la culture et de l’environnement de l’entreprise. L’IA n’est donc tout simplement pas en mesure de fournir le même niveau de compréhension et d’engagement qu’un humain.

Si l’IA est excellente pour évaluer les compétences techniques, elle passe souvent à côté de qualités « soft » telles que la créativité, la capacité d’adaptation et l’adéquation culturelle. Ces qualités sont pourtant essentielles pour une bonne intégration dans l’entreprise. Elles sont toutefois plus difficiles à quantifier. Les recruteurs humains apportent une compréhension intuitive que l’IA peine à reproduire. Les questions éthiques entrent également en ligne de compte. Les candidats peuvent se sentir mal à l’aise lorsqu’ils communiquent des informations personnelles à des systèmes d’IA, surtout s’ils ne sont pas sûrs de l’usage qui en sera fait. L’instauration de la confiance et de la transparence est cruciale dans le recrutement, et les algorithmes opaques de l’IA peuvent saper cette confiance, ce qui risque de voir les candidats qualifiés aller voir ailleurs.

Il est aussi important de se rappeler que les entretiens d’embauche sont à double sens. Les candidats jaugent les employeurs potentiels tout autant que les employeurs les évaluent. Ils ne cherchent pas seulement un chèque de paie. Ils recherchent un but, un épanouissement et un alignement avec les valeurs de l’entreprise. Les recruteurs humains excellent dans l’art de transmettre ces éléments intangibles, ce que l’IA n’est pas encore en mesure de faire. L’élément humain est irremplaçable pour favoriser des liens authentiques et une compréhension mutuelle entre les candidats et les employeurs.

Watch video

In the same category