DIGITAL BUSINESS
« Uberisation » : les taxis peuvent-ils raisonnablement lutter ?
A l’image des taxis français, peut-on raisonnablement s’opposer au phénomène d’uberisation porté par de nouveaux acteurs technologiques ?
June 29, 2015
A l’image des taxis français, peut-on raisonnablement s’opposer au phénomène d’uberisation porté par de nouveaux acteurs technologiques ? Mieux vaut embrasser les enjeux de la digitalisation, tant d’un point de vue réglementaire que business, pour faire profiter à la clientèle d’une expérience optimale. Aucun secteur n’est épargné, pas même la finance traditionnelle.
Par Sébastien Lambotte
Le spectacle qu’offrent en ce moment les taxis français en réaction à la montée en puissance d’un service comme Uber ou Uberpop soulève sarcasmes, dépit, colère, mais il pose surtout de nombreuses questions. Faut-il condamner les taxis parisiens qui défendent avec ardeur leur profession ? Ce serait sans doute aller vite en besogne. Il est vrai que leur sympathie légendaire et le niveau parfois déplorable du service offert ne jouent pas en leur faveur. D’autre part, le concept d’économie collaborative a le vent en poupe et la facilité d’utilisation de ces nouveaux services portés par la technologie a tout pour séduire.
La complainte du taxi d’abord
Le phénomène d’« uberisation » s’étend progressivement à toutes les sphères d’activité. Et la complainte des taxis précède sans doute un fort mouvement des professionnels de l’Horesca, qui se voient concurrencer par des acteurs comme Airbnb sur leur secteur. Cette complainte est, du moins en grande partie, justifiée. La profession de taxi en France est hautement réglementée et de ce fait soumise à des coûts importants (notamment celui de la licence), que les Voitures de Tourisme avec Chauffeur (VTC) et les chauffeurs d’Uber ne doivent pas assumer.
Et demain… la finance ?
Au Luxembourg, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle avec le secteur financier. Si le phénomène d’ « uberisation » y paraît moins perceptible, il inquiète et soulève de nouvelles questions. La finance traditionnelle est portée par des acteurs qui sont eux aussi soumis à une pression réglementaire forte, entrainant des coûts de compliance qui plombent largement leur capacité d’investissement. Eux aussi sont soumis à une nouvelle concurrence. Elle émane, par exemple, des enseignes commerciales ou de distributeurs, qu’ils soient technologiques ou non. Ceux-ci proposent en ligne directe des produits de financement ou leurs propres solutions de paiement avec des avantages liés à leur utilisation pour le client fidèle.
D’autre part, on voit émerger de nouveaux acteurs technologiques, dits FinTech, et ils sont nombreux au Luxembourg. Ils développent des applications de paiement, mobiles ou non, ou encore de financement peer to peer, avec des business modèles attachés à leur technologie. Ils s’appuient le plus souvent sur les process mis en place par les acteurs de la finance traditionnelle sans avoir à supporter la même chape de plomb réglementaire. Alors que les gestionnaires de fortune doivent, plus que jamais, s’assurer de la provenance des actifs de leurs clients et de leur destination, de la capacité de l’investisseur à appréhender les risques liés à ses investissements, on voit apparaître des plateformes de type social media permettant à des quidams de répliquer des politiques d’investissement en quelques clics.
Lutter ? Gare à l’effet boomerang
Pas de doute, les lignes bougent. Les nouvelles possibilités offertes par la technologie font évoluer le business. Alors, comment réagir ? Faut-il lutter ? Il est vrai que l’on voit mal, aujourd’hui, les banquiers descendre dans la rue à l’image des taxis. C’est d’autant plus vain que, comme on peut le constater, ces mouvements de grogne semblent avoir un effet contreproductif. Cette action, au-delà de son bien-fondé, les dessert allégrement en terme d’image. Et si les taxis parviennent à obtenir quelque garantie des autorités politique, comme l’interdiction d’Uber par arrêté préfectoral à Paris qui fait suite au mouvement, combien de temps faudra-t-il à de nouveaux acteurs pour les contourner ? Comment empêcher les utilisateurs d’adopter de nouveaux usages ?
Nécessité d’un travail législatif profond
On peut donner raison aux taxis, cependant, quand à l’incapacité des états à adapter la législation pour qu’elle puisse répondre à l’économie de demain. Là, il y a un travail de fond à entreprendre, qui n’aura rien d’une sinécure. Les lois devront intégrer une logique « by design », afin d’éviter de devoir procéder à des adaptations pour chaque nouvelle technologie ou business venant bouleverser la donne.
Faire primer l’expérience client
D’autre part, il appartient aux acteurs traditionnels de s’adapter ! Si on peut leur donner raison sur les aspects de concurrence déloyale, on ne peut pas donner tort au citoyen qui privilégie un service de meilleure qualité, plus facile d’utilisation, plus convivial. Les taxis doivent aussi se remettre en question. Leur business model comme le niveau de leurs services doivent aussi être repensés afin de pouvoir proposer une expérience client de qualité à leurs utilisateurs. Sans quoi, par leurs actions, ils ne feront que repousser l’échéance d’une marginalisation de leur offre par de nouveaux entrants. Il en ira de même pour la banque et pour tous les autres secteurs traditionnels de l’économie. Il n’y aura pas d’exception. A l’avenir, il ne faudra plus pouvoir opposer acteurs innovants et traditionnels. La digitalisation, tu l’adoptes, ou on t’oublie.
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