Révolutionner les échanges entre patients et professionnels de la santé

Le Dossier de Soins Partagé (DSP) entre en phase pilote, sous forme de DSP de préfiguration. A terme, cet outil collaboratif, devrait faciliter les échanges entre les professionnels de la santé et améliorer le suivi des patients. Mais avant d’être mise en œuvre, ses promoteurs ont dû relever des défis technologiques de taille, relatifs notamment à la sécurité et à la protection des données, mais aussi à l’interopérabilité des outils des acteurs des soins de santé avec la plateforme eSanté.

August 3, 2015

Le Dossier de Soins Partagé (DSP) entre en phase pilote, sous forme de DSP de préfiguration. A terme, cet outil collaboratif, devrait faciliter les échanges entre les professionnels de la santé et améliorer le suivi des patients. Mais avant d’être mise en œuvre, ses promoteurs ont dû relever des défis technologiques de taille, relatifs notamment à la sécurité et à la protection des données, mais aussi à l’interopérabilité des outils des acteurs des soins de santé avec la plateforme eSanté.

Par Sébastien Lambotte pour l’édition ITnation Mag Printemps 2015

L’Agence eSanté, créée à l’initiative du gouvernement, nourrit un projet ambitieux de fédérer autour d’une même plateforme technologique patients et acteurs des soins de santé au Luxembourg. « L’objectif du plan d’action eSanté, voulu par le gouvernement au travers de la Loi du 17 décembre 2010 portant réforme du système des soins de santé, est d’améliorer la qualité des soins et le suivi des patients, introduit Hervé Barge, directeur général de l’Agence eSanté, qui a vu le jour en 2011 pour mettre en œuvre les actions nécessaires à l’accomplissement des missions définies par les articles 60ter et 60quater de ladite loi. Cela est rendu possible grâce à une plateforme technologique autour de laquelle l’enjeu est de fédérer les acteurs de soins dans leur grande variété afin de mieux échanger, partager les informations relatives à un patient. »
Une meilleure communication entre les acteurs doit permettre une meilleure prise en charge des patients, éviter de nombreux décès liés à une mauvaise information, mais aussi des erreurs ou des hospitalisations inutiles liées par exemple à des diagnostics erronés ou à une mauvaise interprétation de résultats.

Des services construits autour du Dossier de Soins Partagé

« L’enjeu est de fédérer les acteurs de soins dans leur grande variété autour d’une plateforme technologique afin de mieux échanger et partager les informations relatives à un patient » Hervé Barge, Directeur Général – Agence eSanté

La plateforme eSanté offre divers services aux acteurs de la santé, avec notamment des outils métiers qui les concernent directement, une messagerie sécurisée entre professionnels, etc. Le cœur de cette plateforme, cependant, est le « Dossier de Soins Partagé ». « Il s’agit d’un dossier électronique d’échange et de partage de données de santé, entre et pour les professionnels de santé intervenant auprès du patient, poursuit Hervé Barge. Outil collaboratif entre professionnels de santé et à la disposition du patient, il doit permettre une meilleure collecte des infor- mations de santé d’un patient pour favoriser la continuité et la coordination des soins, supporter les échanges entre les profession- nels de santé. Il offre une totale visibilité au patient de l’usage fait de son DSP. »
Les laboratoires Ketterthill, qui représentent la FLLAM (Fédération Luxem- bourgeoise des Laboratoires d’Analyses Médicales), sont l’un des partenaires de l’Agence eSanté participant à la mise en œuvre du DSP. En tant qu’acteurs majeurs du secteur de la santé au Luxembourg, les laboratoires, qui doivent quotidiennement transmettre des résultats d’analyses à des patients ou à des professionnels de la santé, voient un réel intérêt dans l’émergence d’un tel outil. « La plateforme eSanté, et plus particulièrement le DSP, doit nous permettre de travailler de façon plus rapide et plus qualitative, commente Stéphane Gidenne, administrateur délégué des Laboratoires Ketterthill. Avec un dossier partagé, nous évitrons de refaire certaines analyses, d’accélérer la prise en charge dans le cadre d’une hospitalisation par exemple, de mieux cibler les recherches en fonction des antécédents du patient. Nous devrions gagner en efficacité à tous les niveaux. »

Des données extrêmement sensibles à sécuriser

Cette plateforme eSanté, au cœur de laquelle se trouve le DSP, doit évidemment répondre à des exigences très strictes de sécurité et de protection des données. Dans la mesure où elle gèrera des données particulièrement sen- sibles, la plateforme doit répondre à des normes strictes en matière de sécurisation de l’information et de protection de la vie privée. « On parle d’informations cruciales, dont dépendent la vie des patients. Elles doivent donc être disponibles à tout moment. D’autre part, il faut s’assurer que les données resteront protégées, que seules les personnes autorisées pourront en prendre connaissance », explique Hervé Barge. Personne, en effet, ne souhaite que ses données de santé puissent être consultées par des proches ou des inconnus, par son assureur ou son banquier ou même par les autorités publiques. « Des mesures strictes sont donc appliquées, en matière d’accès et d’autorisation. La plateforme, en outre, est hébergée et fonctionnera à partir de data centres de type Tier IV, avec des garanties fortes de disponibilités de la plateforme et de ses différents services », poursuit le directeur général de l’Agence eSanté.
Pour fonctionner, la plateforme eSanté s’appuie sur deux annuaires nationaux. Un premier recense les patients possédant un matricule de sécurité sociale luxembourgeois. « Cet annuaire doit permettre de s’assurer que l’on traite du bon et du même patient, d’éviter des erreurs découlant d’homonymes. Chaque patient disposera de son DSP et autorisera l’accès ou non aux professionnels de santé qui le suivent. Il est donc directement responsabilisé devant sa prise en charge médicale et de soins », poursuit Hervé Barge. Cet annuaire s’appuie sur les données signalétiques du Centre Commun de la Sécurité Sociale, afin de s’assurer de l’identité des patients ou d’éviter des erreurs d’identification. « Si la plateforme s’appuie sur lesdites données fournies par le Centre Commun de la Sécurité Sociale, celui-ci ne pourra pas accéder aux informations du pa- tient », explique Hervé Barge.

Transparence assurée

« La plateforme eSanté doit nous permettre de travailler de façon plus rapide et plus qualitative »
Docteur Stéphane Gidenne, Administrateur Délégué – Laboratoires Ketterthill

Le deuxième annuaire, lui, recense les professionnels de la santé exerçant au Luxembourg. « Pour accéder au DSP d’un patient, il faut être un professionnel reconnu, être en relation thérapeutique avec un patient et avoir obtenu de la part de ce dernier une autorisation d’accès, ajoute le directeur de l’Agence eSanté. Précisons encore que les droits d’accès des professionnels de santé sont définis selon différents profils. C’est le métier du professionnel qui détermine le profil d’utilisation et les droits d’accès à appliquer. » Un biologiste en laboratoire n’accèdera donc pas aux mêmes informations que le médecin généraliste. Par ailleurs, tout accès au DSP est tracé et visible du patient. « La transparence vis-à-vis de l’usage des données est un élément clé de la réussite d’un tel projet », explique Hervé Barge.
Le format des informations transmises est aussi crucial. « Il y a un réel enjeu de gestion de la donnée, au niveau de la qualité de la donnée et aussi de la quantité. Il faudra pouvoir parler le même langage et, de ce fait, parvenir à un niveau de standardisation des informations partagées. Les résultats d’une analyse, par exemple, peuvent se présenter sous forme de texte, de données normées au format XML, mais aussi d’images dans le cadre d’une radiographie, d’un scanner ou encore d’une échographie. Il faut s’assurer que les données ne seront à aucun moment altérées », commente Patrick Njiwoua, Responsable du Service Informatique chez Ketterthill.
« La montée en charge sera donc progressive. Mais il est évident que la réussite de ce projet dépendra de la bonne volonté de chacun. De notre côté, nous avons accepté de partager l’expérience vécue pour l’adaptation de nos systèmes avec d’autres acteurs, notamment les laboratoires membres de la FLLAM. Je pense cependant que, à terme, tout le monde gagnera à l’adopter. » Docteur Stéphane Gidenne, Administrateur Délégué – Laboratoires Ketterthill

Faciliter son adoption

« La plateforme a été développée selon des normes d’interopérabilité internationales. Pour le lancement du DSP de préfiguration, une dizaine de solutions informatiques seront directement compatibles. »

Un outil tel que le DSP ne peut être porteur de résultats que s’il est largement utilisé, et par les professionnels de la santé, ainsi que par les patients eux-mêmes. Son développement a donc été initié en partant des usages des différentes parties prenantes. « Pour avoir contribué au développement de tels outils ailleurs, je sais qu’il est extrêmement difficile d’imposer des modèles et des solutions, poursuit Hervé Barge. Partir des usages permet d’éviter tout rejet. Nous avons donc travaillé directement avec des groupes de médecins et d’acteurs du réseau de la santé, en partant de leurs attentes et de leurs besoins. Il est important que les uns et les autres puissent s’approprier facilement cet outil. D’autre part, il a fallu veiller à ce que la plateforme et ses outils soient interopérables. Elle a donc été développée selon des normes d’interopérabilité internationales. Pour le lancement du DSP de préfiguration, une dizaine de solutions informatiques seront directement compatibles. »
Un travail conséquent a été réalisé en amont du lancement de la plateforme, pour s’assurer qu’elle puisse être adoptée facilement par les acteurs. « L’Agence eSanté fournit les passerelles permettant
de connecter nos systèmes informatiques à la plateforme, poursuit Patrick Njiwoua. De notre côté, la mise en œuvre de l’outil a exigé des modifications au niveau de notre système d’information, afin de nous assurer d’un transfert optimal de l’information, avec cryptage, validation de l’information et accusé de réception.»
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