A l’occasion des 15 ans d’ITnation, nous avons sollicité les membres de la communauté ICT au Luxembourg. Nous leur avons demandé de partager avec nous leur regard sur ce qui a changé durant cette période et d’évoquer l’avenir. Gilles Feith, CEO de Luxair a répondu à nos questions.

Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez il y a 15 ans ?

Fin janvier 2007, j’étais chez Post Luxembourg, au sein de la direction générale. Je m’occupais du secteur Télécom. J’étais notamment impliqué dans la libéralisation du marché du téléphone fixe et mobile. C’est aussi l’époque où l’on signait les premiers accords de partenariat avec d’autres opérateurs étrangers, comme Vodafone par exemple, et l’on faisait beaucoup d’autres choses pour préparer cette Digital Nation en devenir. Les fondements étaient posés. C’est aussi à cette période que j’ai préparé ma sortie de Post, tout simplement parce que je voulais voir d’autres choses. J’ai alors rejoint l’Etat et, en 2010, je suis devenu directeur adjoint du CTIE. C’est là que j’ai pu renouer avec le digital au Luxembourg.

En quinze ans, quel a été le principal apport du numérique dans votre vie ?

Je me qualifie volontiers de « ICT and Tech enthusiast » sur les réseaux. Je suis donc très attentif à tout ce qui se fait à ce niveau. Personnellement, mon principal apport aura été la création de l’ambassade digitale au Luxembourg, qu’on a créé avec l’Estonie. Cette initiative donne une véritable valeur à des données qui sont hébergées à Luxembourg. Cela permet de faire vivre le Luxembourg sur la carte mondiale du digital. Et cela profite à tout le secteur.

Quel est votre souvenir professionnel le plus mémorable de ces quinze dernières années ?

Là encore, la signature et le vote au sein des deux chambres, en Estonie et au Luxembourg, du projet d’ambassade digitale, fait partie de mes meilleurs souvenirs. Nous avons réussi à créer quelque chose qui n’avait jamais vu le jour ailleurs dans le monde. 

Comment imaginez-vous le marché luxembourgeois du numérique dans 15 ans ? 

Pour que le Luxembourg puisse survivre dans le monde du digital, il se doit d’être innovateur, de créer des modèles qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Il serait formidable de faire du Luxembourg le centre de compétences européen de la cybersécurité, de l’identité digitale. De la même manière, pourquoi ne pas imaginer que le Luxembourg devienne le centre de compétences européen de la donnée médicale ? Ces données, autour de l’ADN par exemple, pourraient être stockées de manière sécurisée, avec un haut niveau de protection. Elles pourraient ensuite être utilisées par des chercheurs, notamment dans le domaine de la médecine personnalisée. Nous devons être présents sur ces questions afin de créer un contrepoids sérieux face aux grandes nations. 

Le Luxembourg doit investir. Grâce à sa petite taille et à sa réactivité, il a la capacité de se donner rapidement un cadre légal pour s’engager durablement sur la voie de l’innovation. L’expertise qui s’est créée dans le secteur financier, notamment autour de la protection des données bancaires, peut aujourd’hui servir dans d’autres domaines comme la protection des identités ou de la donnée médicale. Nous devons être des précurseurs en créant une législation autour de ces nouveaux domaines digitaux émergents, et j’y inclus les cryptomonnaies, la propriété intellectuelle, les ambassades digitales, la santé…  

L’objectif devrait être de pouvoir établir de la souveraineté dans le cyberspace. La question de la propriété digitale reste aujourd’hui un sujet compliqué. Je pense qu’il faut commencer à créer un cadre dans lequel le virtuel puisse être attribuable à une certaine propriété, même si les serveurs sont éparpillés à travers le monde et qu’il est difficile de cerner cette propriété virtuelle. Pour certains, cela peut paraître loin, mais c’est certainement plus près que de créer de la propriété dans l’espace… Ce serait un rêve, en tant que Luxembourgeois, de parler d’un pays où la confiance numérique et la capacité numérique sont parmi les meilleures au monde.