TRANSFORMATION & ORGANISATION

Quelle attractivité post-Covid pour le Luxembourg ?

La pandémie de Covid-19 n’a pas sapé l’attractivité des employeurs luxembourgeois auprès des résidents et des frontaliers. Par contre, la mobilité internationale a connu un important ralentissement, les talents préférant travailler depuis leur pays d’origine plutôt que de s’expatrier.

December 3, 2021

L’étude Employer Brand de Randstad a interrogé plus de 1.500 personnes, au Luxembourg et dans la Grande Région, sur les employeurs les plus attractifs dans notre pays. Ce benchmark montre que, malgré le Covid-19, les scores moyens d’attractivité n’ont pas diminué. Au contraire, presque tous les secteurs affichent une hausse et sont plus attrayants que l’année passée.

LES SALAIRES CONTINUENT À PRIMER

Chaque année, l’étude examine en détail les critères qui déterminent l’attractivité des employeurs. Alors qu’en période de crise, la sécurité de l’emploi constitue généralement le facteur clé, nous assistons aujourd’hui à un statu quo. Cela montre qu’il n’y a pas vraiment de sentiment de crise. Dans la liste des critères, la sécurité de l’emploi reste en deuxième position, tout comme en 2019 et 2020. Le salaire et les avantages continuent de déterminer dans une large mesure l’attractivité d’un employeur. Ces critères classiques ne sont pas vraiment concurrencés par de nouveaux liés à la pandémie. Ainsi, le télétravail et les mesures de sécurité liées au Covid se retrouvent dans le milieu du classement.

L’équilibre entre travail et vie privée ainsi qu’une ambiance de travail agréable sont également plébiscités et arrivent en 3e et 4position au classement ; ces deux critères sont surtout recherchés par les femmes.

Avec un taux d’attractivité moyen de 44 %, encore en hausse de deux points par rapport à 2020, le secteur de la logistique et du transport devance encore une fois très largement celui de la finance (26 %). Les entreprises du secteur logistique/transport sont bien perçues en termes de réputation, de santé financière et de sécurité de l’emploi. Trois d’entre elles se classent dans le top 5 des entreprises les plus attractives du pays.

L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR LE MONDE DU TRAVAIL

Bien sûr, l’une des conséquences majeures de la pandémie de Covid-19, qui a eu un impact très important sur la vie des salariés, a été l’instauration à grande échelle du travail à distance. Bien que moins utilisé au Luxembourg que dans les autres pays européens, le télétravail a concerné 50 % des travailleurs du Grand-Duché. La plupart ont pu choisir de travailler à distance ou sur leur lieu de travail habituel. Par contre, 28 % n’ont pas eu la possibilité de travailler à distance du fait de la nature de leur activité et 5 % n’ont pas été autorisés à la faire même si cela aurait été faisable. Le fait de proposer le travail à distance est devenu un critère d’attractivité pour les entreprises ; il se classe en 9e position devant l’offre de formation, la réputation de l’entreprise ou l’utilisation de technologies innovantes.

DES PRÉVISIONS PESSIMISTES DÉMENTIES

Il n’était pas du tout envisagé que les marques d’employeurs luxembourgeoises réaliseraient de telles performances. Sur la base des données de la crise financière de 2009, on tablait plutôt sur une baisse d’attractivité. De plus, étant donné la nature de la crise, il était à craindre que l’impact sur les marques d’employeurs soit encore plus important que lors des récessions précédentes. Mais dès le début de l’année 2021, une partie de ce pessimisme s’était déjà convertie en un optimisme prudent tandis que le taux de chômage repartait à la baisse. D’où l’intérêt de continuer à travailler sur l’employer branding et de ne pas le reléguer au second plan.

Reste à voir quelle sera la réaction des collaborateurs qui ont pu profiter très largement du télétravail depuis le mois de mars 2020 quand on leur demandera de revenir à temps plein au bureau. Beaucoup d’entre eux ont pris de nouvelles habitudes et redécouvert une vie de famille plus facile à organiser quand il ne faut pas perdre 2 heures par jour sur la route…

UNE MOBILITÉ INTERNATIONALE EN BAISSE

Si l’on regarde le marché du travail dans sa globalité, le Covid-19 et ses implications (restrictions des déplacements, télétravail…) ont tout de même considérablement modifié la façon dont les individus envisagent leur mobilité professionnelle. C’est en tout cas ce que révèle la 3e édition de l’étude « Decoding Global Talent » menée par le Boston Consulting Group et Cadremploi auprès de 208.807 talents, issus de 190 pays.

A l’échelle internationale, en 2020, seulement 50 % des personnes interrogées se sont déclarées prêtes à se rendre dans un autre pays pour y travailler. Ce chiffre est en  baisse constante depuis 2014, où 64 % des répondants exprimaient cette volonté. « Le Covid-19 est une nouvelle variable qui rend les gens prudents lorsqu’il s’agit d’envisager une expatriation. Avec l’essor du travail à distance, beaucoup pensent qu’ils peuvent faire progresser leur carrière en travaillant à distance, sans avoir besoin de déménager », explique Fanny Potier, directrice au bureau de Paris du Boston Consulting Group.

En France, la baisse est encore plus significative : 55 % des répondants déclarent vouloir travailler à l’étranger, contre 69 % en 2018. Cette tendance masque néanmoins des différences par secteurs et par générations. Les étudiants (86 %) et les répondants du secteur de la santé et de la médecine (77 %) correspondent aux catégories aspirant le plus à la mobilité. De manière générale, les Français souhaitent notamment travailler dans les pays francophones et/ou proches, comme la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, mais aussi le Canada, l’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni.

« On parle beaucoup de la nécessité de prendre soin de la planète et des clients mais il faut aussi, en miroir, prendre soin des collaborateurs en prêtant attention au bien-être au travail, à l’expérience collaborateur »

VERS UN NOUVEAU TYPE DE MOBILITÉ ?

Le Covid-19 redistribue les cartes de la mobilité professionnelle. En effet, si les talents sont moins enclins à partir à l’étranger, l’enquête montre un enthousiasme pour le modèle consistant à rester dans son pays d’origine tout en travaillant pour un employeur étranger. 57 % des personnes interrogées se disent prêtes à le faire. A l’échelle globale, cette ouverture est particulièrement élevée chez les talents du digital. Il en va de même pour 67 % des personnes travaillant dans l’informatique. « Embaucher des personnes d’autres pays n’est pas une pratique nouvelle pour les employeurs, déclare Pierre Antebi, co-directeur du Réseau The Network et l’un des auteurs du rapport. Mais la tendance au travail à distance permet de le faire à plus grande échelle et d’accroitre le nombre de bons candidats potentiels. Il y a aussi un avantage pour les talents, qui peuvent progresser dans leur carrière sans déraciner leur vie. »

Ce constat a de nombreuses implications en termes de politiques RH et de travail collaboratif. Il faut par exemple réinventer la manière d’intégrer culturellement les collaborateurs car, pour certains, ils seront potentiellement uniquement en travail virtuel ou très loin de leur base d’équipe. De la même manière, dans la durée, il est important de recréer des moments de convivialité virtuels.

REVENIR AU BUREAU, POUR QUOI FAIRE ?

Au final, que les talents soient présents sur place ou travaillent à l’autre bout du monde, le développement de la marque employeur, c’est-à-dire la réputation de l’entreprise, ses valeurs, son organisation, sa capacité à communiquer, notamment en interne, s’impose comme l’un des grands chantiers d’avenir. Aujourd’hui, les jeunes collaborateurs ont une exigence beaucoup plus forte vis-à-vis de leur entreprise. Ils ont dans l’idée de donner du sens à leur vie, à leur consommation et à leur travail. Les candidats potentiels ou les salariés attendent aussi d’être rassurés. La crise a mis indirectement en avant le concept du « care », de la marque protectrice qui prend soin.

Ainsi, dans son dernier ouvrage, « Manager l’expérience client-collaborateurs : vers l’éthique du care », Benoît Meyronin traite de la notion « d’éthique de l’attention à l’autre » ou « éthique du care ». « On parle beaucoup de la nécessité de prendre soin de la planète et des clients mais il faut aussi, en miroir, prendre soin des collaborateurs en prêtant attention au bien-être au travail, à l’expérience collaborateur… ». La pratique du télétravail impose aux entreprises de challenger leur environnement de travail. Au final, la question que se posent nombre de salariés et à laquelle doit répondre l’entreprise est : revenir au bureau d’accord, mais pour quoi faire ?

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