TRANSFORMATION & ORGANISATION
Placer l’IA au cœur de l’organisation
Depuis l’émergence de ChatGPT, l’intelligence artificielle fait l’objet de nombreux débats. Pour les entreprises, cependant, il ne fait plus aucun doute que cette technologie doit trouver sa place au cœur des organisations. Levier d’amélioration des processus opérationnels, soutien aux équipes, vecteur d’innovation, l’intelligence artificielle doit se mettre au service de l’humain et des objectifs de l’entreprise. Cependant, la déployer à l’échelle d’une société soulève aussi de nombreuses questions...
May 14, 2024
L’IA n’est pas un concept nouveau. Loin de là. Elle fait l’objet de nombreux projets de recherche, et alimente l’imaginaire collectif depuis le milieu du siècle dernier. Les concepts et développements autour de l’intelligence artificielle, se heurtant à des limites technologiques, ont stagné pendant de longues périodes. Il semble toutefois que nous soyons entrés dans une nouvelle ère. La facilité avec laquelle on accède aujourd’hui à des ressources informatiques considérables, que ce soit pour stocker de l’information ou pour la traiter, et la quantité de données disponible permettent aujourd’hui d’entrainer des algorithmes puissants.
L’IA prédictive s’est déjà immiscée dans l’entreprise. Des algorithmes de machine learning, par exemple, offrent la possibilité de révéler certains schémas comportementaux en procédant à l’analyse de grands volumes de données. Ce type d’IA, qui s’appuie essentiellement sur des données structurées, permet d’anticiper des pannes et de procéder à des opérations de maintenance prédictive. La technologie est aussi utilisée pour révéler des tentatives de fraude et les contrer, ou encore pour identifier les moments auxquels un client risque de vous quitter (le « churn »).
Ces applications de l’intelligence artificielle en entreprise étaient jusqu’ici seulement accessibles à quelques acteurs avertis. Leur mise en œuvre exigeait de s’appuyer sur des compétences de data scientists, de data analysts et autres mathématiciens… Elle impliquait une maîtrise approfondie de la donnée et de mettre en place une gouvernance, parfois complexe, garantissant la qualité de celle-ci.
Des attentes importantes
Depuis quelques mois, avec l’émergence des intelligences artificielles dites « génératives », dont ChatGPT est l’exemple le plus connu, tout a changé. Les possibilités offertes par cette technologie, capable d’extraire de l’information de masses de données non structurées et de la restituer de manière directement intelligible, ont d’un coup été rendues accessibles à chacun. Il n’est en effet plus nécessaire de disposer de compétences avancées pour utiliser ces algorithmes pré-entrainés. Chacun, ces derniers mois, a pu se mesurer a pu se mesurer à ChatGPT et prendre conscience de ses capacités (et souvent aussi de ses limites).
A l’échelle de l’entreprise, l’émergence de l’IA générative génère de nouvelles attentes. Ayant pu expérimenter ChatGPT et consorts de leur côté, les utilisateurs souhaitent aujourd’hui pouvoir y accéder dans le cadre professionnel. De nouvelles attentes se manifestent, notamment vis-à-vis des équipes IT ou des personnes en charge de la transformation numérique de l’organisation. Du côté des dirigeants, l’arrivée de ces outils suscite à la fois inquiétude et envie. Dans tous les cas, le sujet s’est fait une place dans l’agenda des comités exécutifs. Leurs membres ont conscience qu’ils ne peuvent pas ignorer cette technologie, au risque de se voir distancer par celles et ceux qui entendent bien faire de l’IA un levier d’amélioration de leur compétitivité.
Levier d’efficacité
Reste à déterminer comment la mettre en œuvre au sein de l’entreprise. C’est d’ailleurs le plus souvent au responsable informatique qu’il incombe de répondre à cette question. Le premier défi, en la matière, est d’identifier comment les capacités offertes par la technologie peuvent servir ses objectifs, en soutenant l’efficience opérationnelle, en réduisant les coûts ou en améliorant l’expérience utilisateur.
L’intelligence artificielle, en effet, va permettre de pousser plus loin la logique d’automatisation des processus. Sa capacité à extraire de l’information de données non-structurées, comme des images par exemple, au service d’objectifs bien déterminés, ouvre de nouvelles perspectives intéressantes. Dans le domaine de l’assurance, par exemple, l’IA permet d’établir une expertise à la suite d’un incident sur base de simples photos, sans qu’il ne soit nécessaire de dépêcher quelqu’un sur place. En médecine, l’IA a démontré qu’elle pouvait détecter des cancers de la peau plus vite, avec un taux d’erreur plus faible, que les médecins. Le diagnostic final, si l’on parle de médecine, appartient cependant toujours au praticien.
Faciliter l’exploration des données
Au sein de l’entreprise, elle est appelée à devenir un outil du quotidien des collaborateurs. Demain, des robots conversationnels faciliteront l’accès à l’information, quelle qu’elle soit. L’IA générative est capable de résumer un document de 50 pages en quelques secondes, de rendre directement disponible toute la connaissance que l’entreprise a accumulé sur un sujet donné.
Dans le monde informatique, et du développement, l’IA permet de générer du code automatiquement. Si, en la matière, elle se révèle encore assez imparfaite, elle facilite toutefois grandement la production de la documentation ou encore la réalisation des tests de qualité. Aujourd’hui, on voit des IA suivre les longues discussions des comités exécutifs pour en fournir les minutes en un temps record.
L’IA, enfin, doit aussi contribuer à la création de nouveaux services et outils. Plus particulièrement, elle doit permettre de proposer des solutions personnalisées à chacun.
Des contraintes à considérer
Considérant tous ces enjeux, le premier objectif sera de déterminer les cas d’utilisation sur lesquels travailler. Il appartient aussi aux entreprises de prendre en compte ces nouvelles possibilités et définir un cadre. Car le recours à l’intelligence artificielle n’est pas sans risque. Le plus important, sans nul doute, a trait à la confidentialité des données. S’il faut permettre aux employés d’accéder à ces nouveaux outils, il est impensable que des informations confidentielles, associées à un client ou à une technologie, soient exposées à un moteur d’intelligence artificielle public et qu’elles puissent servir à entrainer ce dernier. Les organisations, dès lors, doivent trouver les moyens de rendre ces outils disponibles tout en garantissant la protection des informations. Le niveau de confidentialité sera notamment déterminant dans le choix de la plateforme et de la solution IA devant permettre d’atteindre les objectifs fixés.
D’autres contraintes existent. Elles peuvent par exemple être de nature réglementaire. Les régulateurs, s’ils ne s’opposent pas forcément au recours à de nouvelles solutions technologiques, ont besoin de comprendre comment elles fonctionnent. Or, avec l’intelligence artificielle, il n’est pas toujours évident d’expliquer comment elle est arrivée à établir le résultat produit. Garantir la qualité de la donnée est un autre enjeu. La pertinence des résultats obtenus dépend grandement de la capacité de l’organisation à entrainer et à alimenter ses moteurs d’intelligence artificielle avec des données fiables.
Au service de l’humain
Si l’IA est une technologie disruptive, il est important de la considérer comme un outil au service de l’humain. Sans les équipes qui vont la mettre en œuvre et l’utiliser, la technologie seule n’a pas beaucoup de valeur. Une intelligence artificielle n’est pas une technologie magique. Pour produire des résultats, elle devra être entrainée et supervisée dans le temps, recevoir du feedback, évoluer en fonction des biais que l’on identifie. C’est donc toute la culture organisationnelle qui doit évoluer avec l’intégration de ces solutions à l’échelle de l’entreprise.
Au cœur de la stratégie de déploiement de l’IA, l’accompagnement du changement est un enjeu clé. Il faut donner à chacun les moyens de rester en maîtrise de la technologie et de l’utiliser à bon escient. A l’avenir, il y a fort à parier que la capacité d’un candidat à utiliser l’IA, à interagir avec, à rédiger des prompts, soit un prérequis pour de nombreux emplois, au même titre qu’il est aujourd’hui demandé de pouvoir jongler avec la suite Office. Dans les années à venir, l’intégration de l’IA impliquera des efforts conséquents de formation, contribuant à permettre à chaque organisation de monter en maturité sur ces sujets.