TRANSFORMATION & ORGANISATION

Placer le numérique au service d’une transformation durable

Certains usages du numérique aggravent plutôt qu'ils ne résolvent bon nombre des crises sociales et environnementales urgentes. Face à ces enjeux, comme nous l’explique Sylvain Chery, CEO d’Agile Partner, il faut réorienter notre approche du numérique, pour la mettre au service d’un développement plus responsable, générant des impacts positifs sur l’environnement et la société.

July 19, 2023

Source : « Digitalization for Sustainability : Digital Reset »

 

Transformation numérique et enjeux en matière de préservation de l’environnement ou de respect des principes de justice sociale ne vont pas toujours de pair. « En effet, les infrastructures informatiques et terminaux numériques, toujours plus nombreux pour soutenir de nouveaux usages, ont besoin de beaucoup d’énergie pour fonctionner, explique Sylvain Chery, CEO d’Agile Partner. Il faut aussi considérer le besoin en minerais et autres matières premières nécessaires à la fabrication de ces équipements. Tout cela génère des émissions de gaz à effet de serre conséquentes et d’autres impacts environnementaux majeurs (épuisements des ressources abiotiques, tension sur l’eau douce, pollutions locales, acidification…). De plus, l’extraction des ressources, la fabrication des appareils et le traitement des déchets s’opèrent souvent dans des conditions de travail difficilement défendables. »

Questionner les usages du numérique

Dans un monde en transition, les questionnements relatifs à un usage responsable du numérique sont de plus en plus présents au cœur des débats. Au Luxembourg, Agile Partner est l’un des premiers acteurs à sensibiliser les organisations à ces enjeux, à la faveur d’une transformation numérique qui soit plus respectueuse de l’environnement et de chacun.

La récente publication du rapport « Digitalization for Sustainability : Digital Reset »[1] apporte un nouvel éclairage sur ces enjeux.

« Les politiques actuelles mettent souvent en parallèle la transition numérique et le développement durable, poursuit Sylvain Chery. Cependant, il n’y a pas lieu de mettre l’un et l’autre sur le même pied. Ce rapport montre notamment que la numérisation, dans sa forme actuelle et courante, aggrave plutôt qu’elle ne résout bon nombre des crises sociales et environnementales urgentes. Si la transformation de nos modèles constitue une fin en soi, répondant aux grands défis auxquels l’humanité est confrontée, le numérique, lui, devrait être considéré comme un moyen, parmi d’autres. »

Quelle transformation numérique, pour quels usages ?

Certains usages du numérique sont délétères tandis que d’autres contribuent effectivement à une économie plus responsable. Il importe dès lors que les acteurs et les dirigeants parviennent à faire la part des choses. « Il ne fait aucun doute que la transformation numérique est un levier majeur, qui doit être placé au service de la transition vers un modèle durable, commente Sylvain Chery. C’est d’autant plus urgent que le numérique s’appuie sur des ressources stratégiques dont on a pris conscience qu’elles n’étaient pas inépuisables. Il faut donc accélérer et élargir la prise de conscience, mais surtout concentrer les efforts de transformation numérique sur les usages qui font le plus de sens. Je suis ainsi convaincu qu’il faut faire preuve de discernement dans les nouveaux usages qui s’appuient sur les dernières tendances de la tech comme l’IA, la Blockchain, l’IoT et la croissance exponentielle des volumes de données. »

Au fil des deux dernières décennies, les avancées technologiques ont considérablement fait évoluer nos usages au quotidien. Si l’on parle moins de disruption qu’il y a quelques années, le numérique a le potentiel de transformer des pans entiers d’activités. La question, dès lors, doit concerner les priorités auxquelles il doit contribuer. « Si, d’une part, les acteurs du numérique doivent veiller à réduire leur empreinte environnementale, notamment par l’éco-conception des matériels et des services numériques, commente Sylvain Chery, il y a aussi lieu de mettre les possibilités offertes par la technologie au service d’activités qui produisent un impact positif sur l’environnement ou sur la société, en favorisant par exemple la circularité, la sobriété et les communs. »

S’orienter vers une approche durable du numérique

Le rapport « Digital Reset », à cette fin, montre comment les technologies numériques peuvent soutenir la quête d’une transformation profonde de la durabilité. Le rapport fournit à l’Union européenne un schéma directeur sur la manière de reconceptualiser la numérisation afin qu’elle contribue avant tout à atteindre la neutralité carbone, l’autonomie des ressources et la résilience économique, tout en soutenant l’équité et en respectant pleinement les droits et la vie privée des citoyens.

Distinguer les bons usages des moins bons n’a rien d’évident. Opérer les bons arbitrages n’est en effet pas simple. Cependant, nous ne ferons pas l’économie d’une réflexion autour de ces enjeux, particulièrement dans les secteurs de l’agriculture, des transports, de l’industrie, de l’énergie, de la construction, et des biens et services de grande consommation. « Il s’agit de se poser les bonnes questions, d’intégrer de nouveaux critères sociétaux et environnementaux au cœur de la gouvernance IT dans l’optique de mieux éclairer les prises de décision. Cela va sans doute entraîner la remise en cause de nombreux business models pour les réorienter dans le sens d’une économie compatible avec les limites planétaires. », poursuit Sylvain Chery.

L’utilisation responsable du numérique, s’il s’envisage aujourd’hui sur base volontaire, pourrait bien s’imposer aux acteurs à court ou moyen termes. « D’une part, les consommateurs sont plus sensibles à ces enjeux. Les acteurs les plus avancés en la matière pourront en faire un levier de différentiation, explique Sylvain Chery, relayant l’idée d’afficher un Ecoscore, à l’image du Nutriscore dans l’alimentation, sur des services numériques. D’autre part, prenant conscience des enjeux, les régulateurs aussi pourraient soutenir davantage les usages responsables du numérique, incitant ou contraignant les acteurs dans cette voie. »

[1] Digitalization for Sustainability (D4S), 2023: Digital Reset. Redirecting Technologies for the Deep Sustainability Transformation. München: oekom. https://doi.org/10.14512/9783987262463

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