Paiements : la transformation post SEPA

En coopération avec l’EFMA et TNS SOFRES, CSC a publié […]

November 17, 2010

En coopération avec l’EFMA et TNS SOFRES, CSC a publié le premier Baromètre Européen des Paiements* qui présente les résultats d’une enquête européenne sur les opinions de décideurs de près de 200 banques et entreprises en Europe.

Cet article s’inspire des résultats de l’enquête et décrit les implications et alternatives possibles en matière de gestion du Système d’Information des Paiements (SIP), prenant en compte les divers changements réglementaires et autres qui sont intervenus ou vont intervenir dans le domaine des paiements.

Les évolutions réglementaires du SEPA et de la DSP sont les catalyseurs d’une transformation historique

Le SEPA et la DSP sont très prometteurs pour les consommateurs, les professionnels, les entreprises et les banques, mais les bénéfices de cette évolution ne seront récoltés que si les acteurs développent vraiment de nouveaux modèles économiques et de nouvelles offres attractives pour tous, tout en s’accommodant d’un contexte qui change fondamentalement.

Christian PEETERS,
Partner chez CSC
Financial Services

En effet, au-delà du SEPA et de la DSP beaucoup d’autres facteurs de changement doivent être pris en compte. Par exemple, les résultats de l’enquête montrent que l’e-commerce s’appuyant sur les paiements électroniques, les paiements par mobile ou sans contact, combinés à de nouveaux comportements des consommateurs, sont considérés par beaucoup d’entreprises et de banques comme plus importants et plus déterminants pour leur rentabilité que les évolutions réglementaires.

L’enquête a mis en lumière que l’adoption des instruments SEPA et du nouveau « SEPA card framework » est très lente jusqu’à présent, et cela bien plus pour les entreprises que les banques. Elle illustre aussi l’énorme défi qui consiste à harmoniser les moyens de paiements de 32 pays et la difficulté de vaincre les barrières économiques, culturelles et les pratiques locales.

Dans ce contexte, il est très hasardeux de construire, développer et calculer de nouveaux modèles économiques, des justifications économiques et le retour sur investissement.

Seul un changement de paradigme permettra l’émergence de nouveaux modèles économiques pour les banques, de gains de productivité pour les entreprises et de nouveaux services attractifs pour les particuliers

Beaucoup d’entreprises ne s’intéressent que peu ou pas, pour l’heure, au SEPA parce qu’elles n’y voient aucun avantage. En effet, le SEPA et la DSP ne traitent pas de dématérialisation et d’amélioration de la productivité. Elles ne croient pas à la baisse des prix annoncés bien au contraire, tout au moins pour l’avenir prévisible. Les banques, bien que obligées en tant qu’acteurs essentiels des marchés de paiement, n’engagent les investissements Sepa que très prudemment dans la mesure où elles constatent, à la fois le manque de motivation de leurs clients entreprises et le manque d’intérêt, d’information, et même la défiance du public vis-à-vis du SEPA.

Il en résulte souvent pour les banques des investissements minima calés sur un strict respect de la conformité réglementaire, tandis que les entreprises retardent les leurs autant que possible. Ceci se vérifie plus en Europe du sud et de l’est qu’en Europe du nord.

Ainsi, les investissements SEPA sont généralement limités à l’adaptation minimale nécessaire et les ajustements sont effectués sur les plateformes existantes. Ceci sans reconnaître que la communauté fait face a de moyens de paiements et des «schemes» réellement nouveaux qui méritent un modèle économique entièrement renouvelé, de nouveaux services et processus de traitement correspondants. Le résultat de ce manque de remise en question des modèles actuels donne naissance à une opinion très répandue suivant laquelle des bénéfices attendus du SEPA ne sont pas réalisables dans sa forme actuelle.

En effet, les bienfaits des évolutions réglementaires ne seront récoltés qu’au prix d’une remise en question plus fondamentale et d’une transformation profonde des modèles économiques et opérationnels actuels.

La transformation sera accompagnée d’une consolidation progressive et d’une forte industrialisation

La mise en œuvre de services de paiements efficaces et rentables nécessitera à l’avenir toujours plus d’investissements et la poursuite de la croissance des coûts totaux de fonctionnement. La rentabilité de ces services dépendra dès lors toujours plus de la consolidation de volumes de taille industrielle de manière à atteindre des coûts unitaires compétitifs et des prix cibles de niveau européen.

En d’autres termes seuls les institutions financières et/ou les « processeurs » de paiements qui seront capables d’accumuler les volumes requis seront compétitifs à terme. Ceci est vrai non seulement pour les « processeurs » de paiements mais aussi pour les «schemes» cartes et les « systèmes de règlement ».

Il est probable que les banques et les entreprises vont converger vers des modèles mutualisés et/ou consolidés qui donneront naissance à des « Centres de Services Partagés » ou à des Usines de Paiements européens et cela pas seulement pour les paiements mais aussi pour l’ensemble des opérations d’encaissement et sur les cartes bancaires.

Nouveaux modes de paiement

Alors que le SEPA et la DSP sont les catalyseurs du changement, l’évolution des modes de paiement doit également être prise en considération. A mesure que les paiements non automatisés et non SEPA décroîtront en volume il faut s’attendre outre une certaine croissance des paiements transfrontières, à une forte augmentation des paiements électroniques et par mobile, des paiements SEPA et des services « à valeur ajoutée » associés à ces derniers.

Cette évolution pose le problème des modèles économiques des banques et des entreprises. Confrontées aux investissements nécessités par la transformation SEPA, les exigences de sécurité accrues et de maîtrise des risques, les banques vont rechercher dans les nouveaux modes de paiement et services, les revenus dont elles ont besoin pour compenser les baisses de revenus qui résulteront de la baisse des prix et du volume réduit des paiements domestiques traditionnels.

Les banques devront également se rendre à l’évidence, les développements e-commerce, e-paiements, paiements par mobile, paiements sans contact entre autres sont des évolutions qui ne résultent pas du SEPA mais qui vont modifier le « mix » de paiements qu’elles vont avoir à traiter. Ceci signifie pour elles que les offres de services actuelles ainsi que les modèles opérationnels et économiques qui les sous-tendent vont progressivement être significativement modifiées ou remplacées à moyen terme.

Les modèles cibles ne sont pas aisés à définir, ceci exige de la part de tous les acteurs, banques et entreprises, une énorme capacité à faire face simultanément aux besoins d’évolution tactique, tout en gardant en perspective les cibles ultimes qu’elles devraient poursuivre.

Conséquences des nouvelles réglementations sur le SIP

Le calendrier de déploiement progressif du SEPA impose la cohabitation entre les anciens instruments de paiement nationaux et les nouveaux instruments et « schemes » jusqu’à ce que des dates de fin, non encore fixées, soient atteintes ; c’est-à-dire une période de transition de durée incertaine. En parallèle, les banques doivent faire des choix en matière de nouveaux protocoles et standards mis en œuvre sur le marché tout en intégrant de nouvelles évolutions technologiques.

Dans un proche avenir – deux à trois ans – le SEPA nécessitera que chacun des joueurs fasse quelques choix fondamentaux – par exemple, concentrateur/producteur de flux de paiements ou acteur de niche, distributeur de produits et services de paiements ou les deux rôles à la fois ; acteur purement domestique, régional ou international – et devront revoir leurs modèles en concordance avec ces choix. A leur tour ceux-ci auront des conséquences en matière de marketing, de développement de produits et de services ainsi que sur les systèmes d’information. Ces conséquences détermineront la pertinence (ou non) de critères d’efficience comme l’agilité, la souplesse, la capacité à traiter des volumes croissants, la couverture géographique, la centralisation et/ou la consolidation,…

Le choix entre une succession d’ajustements tactiques du SIP et un plan directeur de «transformation»

Pour la plupart des banques et des entreprises, la transformation ne consiste qu’à continuer à entretenir les systèmes de paiement actuels tout en réalisant des adaptations à la marge, certains s’engagent dans le développement en parallèle d’un nouveau système d’information pour les instruments SEPA intégrant les évolutions des infrastructures de marchés, les évolutions techniques, et technologiques.

Les systèmes d’informations sont souvent le résultat d’applications hétérogènes mises en œuvre à des moments différents. En général, elles n’ont jamais été régulièrement maintenues car les budgets ont souvent été alloués à des usages de plus haute priorité. C’est pourquoi, souvent, des adaptations même mineures nécessitent la modification de nombreuses parties du portefeuille applicatif (données et traitements). Tout ceci entraîne des délais de mise en œuvre importants et des coûts de développement, d’entretien et de mise en œuvre élevés.

En raison du peu de temps, de budget et de ressources alloués à ces projets, chacun éprouve des difficultés à replacer ceux-ci dans une perspective de plan directeur IT. C’est pourquoi, les évolutions réglementaires ne bénéficient généralement que de budgets minima, en particulier lorsque l‘offre de produits et de services n’a pas encore été (ou ne peut pas être) définies. La conséquence en est souvent une régression du service (par exemple les entreprises se plaignent du fait que les services de « reporting » associés au SCT ne véhiculent pas les informations habituelles et n’exploitent pas ou peu les possibilités offertes par le XML) et des pertes de compétitivité ou d’opportunité. Dans le cadre de la transformation SEPA, cette dégradation du service rendu peut être visible et dommageable.

Impacts sur les modèles économiques et opérationnels

Le choix entre un rôle de producteur et/ou de distributeur est déterminant quant à la nature du système d’information requis. Un acteur qui se limite à un rôle de « Producteur » recherchera spécifiquement des schémas d’industrialisation des processus ; en effet, la capacité à traiter des volumes élevés, à générer des économies d’échelle et à atteindre des coûts unitaires compétitifs à au niveau européen sont des objectif essentiels.

Un acteur qui a choisi d’être uniquement « Distributeur » se concentrera davantage sur l’agilité (time to market) et des processus orientés clients efficaces (B2C) ou sur des services sur mesure, une capacité d’échange avec ses clients industrialisée, la dématérialisation et d’autres services de nature à réduire des coûts administratifs de l’entreprise (B2B).

Transition vers un SIP sécurisé

Comme évoqué ci-dessus, la plupart des acteurs doivent gérer des plateformes anciennes en parallèle avec la future plateforme SEPA au cours de la période de transition. Simultanément ils doivent optimiser au mieux leurs coûts. Il leur est donc nécessaire de trouver un bon équilibre entre le budget de maintenance du portefeuille applicatif existant et le budget finançant le traitement des nouveaux instruments de paiement.

La consolidation des plateformes peut être une source d’économies et le premier pas vers la construction de l’architecture de la plateforme cible, à terme. Les banques, par exemple, peuvent avancer non seulement en consolidant leur ancienne plateforme et leur plateforme SEPA mais aussi en utilisant des solutions «middleware» disponibles pour s’interfacer avec les clients, les infrastructures de marché et les tiers tout en réduisant l’impact du changement sur le cœur de leur système d’information.

Un large éventail d’éditeurs propose des solutions modulaires et transverses qui permettent de réduire la taille de projet et le délai de réalisation. La plupart de ces solutions sont multi-langues, multi-entités, multi-clients et proposent des «workflow» paramétrables.

Simultanément, l’infrastructure des plateformes doit être repensée pour garantir la robustesse, l’évolution de la capacité de traitement en volume et le niveau de sécurité nécessaire pour des échanges de masse internationaux, tandis qu’il est nécessaire de ménager la meilleure interopérabilité possible entre les acteurs et d’adopter des «standards de messages ouverts» au niveau international.

La difficulté à définir le SIP cible requiert agilité et souplesse

Les transformations requises, entre autre pour le SEPA, illustrent également le besoin pour le futur SIP d’être, aux divers stades de son développement, agile et souple. Ces caractéristiques reposent sur la capacité intrinsèque du système d’information à évoluer d’une manière rapide, fiable et a un coût raisonnable. Ceci dépend de la qualité de l’architecture du SI dont les principes directeurs ne doivent pas seulement contribuer à sa capacité à évoluer et à sa pérennité mais aussi à sa faculté de permettre des cycles d’évolutions rapides «time to market» des modèles économiques et opérationnels.

L’intégration de ces objectifs est idéalement réalisée par la conception d’un programme d’ «urbanisation». Un tel programme de rationalisation consiste à unifier et à spécialiser les fonctions du SI (paiements, facturations, etc.) et à identifier clairement les « référentiels ». De plus, le programme, se concentrant sur les besoins métier, devra s’appuyer sur les principes SOA, incluant des systèmes de « publication de services » et d’ « intégration de systèmes d’orchestration ». Ceci pour rendre une synchronisation des évolutions avec les besoins métier plus facile, plus rapide et moins coûteuse.

Clairement, ces dernières priorités sont moins impérieuses que celles qui concernent les évolutions tactiques à court terme. L’engagement d’initiatives de ce type doit avoir passé l’épreuve d’une évaluation économique précise ainsi que le test des principes retenus pour l’architecture du SIP. Leur mise en œuvre peut s’effectuer graduellement en harmonie avec la «feuille de route» globale de la mise en œuvre de la transformation du système d’information.

La transformation rendue nécessaire par le SEPA est à l’évidence, une opportunité unique de mettre en œuvre des projets de type SOA et d’intensifier le programme d’urbanisation du SIP. Il n’est par contre pas souhaitable que les développements tactiques liés au SEPA financent, en termes de retour sur investissement, ces programmes d’urbanisation. Ceci aurait un effet désastreux en retardant davantage des projets urgents qui ont déjà eu des difficultés à être initiés.

Le plan directeur idéal recherche le bon équilibre entre stratégie et tactique

Le plan directeur de transformation traite à la fois les aspects tactiques et stratégiques et les intègre dans un plan de mise en œuvre globale. Les acteurs cherchent à traiter les obligations réglementaires SEPA et leurs échéances à un coût de développement et de mise en œuvre raisonnable tout en proposant des solutions et des offres de services qui correspondent aux besoins compétitifs à court terme.

Simultanément, les acteurs, sur un plan stratégique, doivent engager la construction d’une fondation du SIP, unifié et multi-instruments, conforme aux exigences de la transformation européenne. Le défi est énorme car les acteurs sont censés rechercher ou garantir la non-régression des services fournis aux clients tout en se mettant progressivement en mesure de proposer de nouveaux produits et services.

Deux choix sont possibles : l’approche traditionnelle fondée sur une stratégie d’intégration en deux étapes opposant le court terme (ajustements tactiques) et le long terme (construction du SI cible) d’une part, et d’autre part une approche qui s’appuie sur une organisation agile (participative) et sur des cycles courts, itératifs et répétés de développement.

Etant donné, les incertitudes qui pèsent sur le SIP cible auquel doit mener la transformation en cours, la deuxième alternative pourrait s’avérer plus économique et plus efficace.

Les vrais sujets de l’itinéraire de la transformation sont le «time to market» et la compétitivité

La gestion de la transformation nécessite une profonde compréhension du point de départ, une vision préliminaire suffisante des modèles économiques et opérationnels cibles – qui se clarifieront progressivement et de manière itérative en cours de route – et un premier plan directeur préliminaire de mise en œuvre.

Finalement, il s’agit d’aligner les processus, le système d’information et l’organisation avec les choix métiers qui ont été faits sur la base, il faut l’espérer, d’une compréhension adéquate de l’environnement post-SEPA et des risques et opportunités qu’il comporte. Il est vivement conseillé de conduire cette réflexion le plus possible en amont car le SEPA et la DSP impliquent également la disparition à terme des barrières domestiques et une concurrence exacerbée.

A chaque étape de l’itinéraire, des décisions, à la fois tactiques et stratégiques, devront être prises non seulement sur la base de critères de retour sur investissement, de consommation de ressources, de coûts et de risques mais aussi en gardant à l’esprit le défi qui consiste à réaliser les modèles cibles en assurant les livrables court terme et en maintenant à tout moment la compétitivité à une échelle de plus en plus européenne.

Par Christian PEETERS, Partner chez CSC Financial Services.

*Disponible sur le site www.csc.com/fr

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