DIGITAL BUSINESS
Open-innovation : « La clé d’un partenariat réussi passe avant tout par l’humain »
Il a fallu que Christophe Darreau (AG2R La Mondiale) et Thomas Friederich (EarthLab) aillent à Paris pour se rencontrer. Au cœur de l’Executive Master Spécialisé Digital Humanities, à Science Po, ils ont appris à se connaître et à faire converger grands groupes et start-up. Partageant des cultures différentes, ces acteurs ont tout à gagner à mieux collaborer, dans le respect de chacun.
April 8, 2019
Tous les deux sont des leaders digitaux au Luxembourg. L’un contribue à la transformation digitale d’un groupe international spécialisé dans les produits d’assurance-vie. L’autre est dirigeant d’une start-up prometteuse experte dans l’observation de la terre. Il a fallu qu’ils se rendent à Paris, à Science Po, suivre l’Executive Master Spécialisé Digital Humanities, pour que leurs chemins se croisent.
Deux ressortissants luxembourgeois à Paris
A travers cette formation de deux ans, Christophe Darreau (AG2R La Mondiale) et Thomas Friederich (EarthLab) ont alors exploré les opportunités et possibilités qu’ont les grands groupes et les start-up de mieux collaborer. « Cette promotion de vingt personnes ne comptait que deux étudiants étrangers et, étonnamment, tous les deux venaient du Luxembourg, s’amuse Christophe Darreau. La richesse de ce panel, en outre, résidait dans le fait que les participants venaient tous d’horizons très différents. Certains, comme moi, étaient actifs au sein de grands groupes. D’autres émanaient de toutes petites start-up présentant un fort potentiel, comme EarthLab. Tous, cependant, sont confrontés aux mêmes enjeux liés à la digitalisation de l’économie et à la nécessité d’adapter leurs organisations pour grandir et rester ou devenir toujours plus agiles. »
De la confrontation à la collaboration
Face à ces défis, la formation de deux ans proposée par Science Po a permis d’explorer les nouvelles tendances digitales qui transforment nos sociétés en profondeur. Elle a surtout permis à la diversité d’acteurs présents d’échanger leur point de vue, de partager leurs expériences. « Au fur et à mesure de la formation, notre regard les uns vis-à-vis des autres a considérablement évolué, commente Thomas Friederich. Au départ, on ne peut que constater les différences, la distance qui sépare les start-up des groupes corporate. Nous ne partageons pas les mêmes méthodes de travail et la différence culturelle est considérable. Les objectifs business, la gestion du temps et les contraintes ne sont pas les mêmes. Tout l’intérêt de cette formation a résidé dans la volonté de rapprocher les acteurs, d’estomper les craintes que l’on pouvait avoir les uns vis-à-vis des autres, pour ouvrir une troisième voie : celle de la collaboration. »
Beaucoup à partager
Au départ, corporate et start-up ont effectivement tendance à s’opposer. La start-up a souvent craint de se faire snober, dans le meilleur des cas, ou écraser, dans le pire, par le grand groupe. Le grand groupe, lui, voit dans la start-up le « disrupteur », un danger difficile à saisir, capable de mettre à mal son business model. « Il faut du temps pour dépasser les craintes et pouvoir considérer ce que l’on pourrait faire ensemble. C’est en apprenant à se connaître que l’on se rend compte qu’on a finalement beaucoup à partager », poursuit Thomas Friederich.
Une start-up peut voir dans un grand groupe un partenaire, l’aidant à tester sa technologie, à trouver des clients. Le corporate, lui, va chercher dans la start-up une agilité qu’il n’a pas ou plus. « Etant cadre dans un grand groupe, je cherche les moyens d’aller vers des méthodes plus agiles, de pouvoir mettre en œuvre le concept d’agilité à l’échelle. Ce qui représente un réel défi, assure Christophe Darreau. Dans cette optique, nous avons besoin des start-up pour avancer, pour innover. » D’autre part, les start-up ont aussi besoin de partenaires solides pour évoluer. « Je ne connais pas une start-up à succès qui n’a pas un grand groupe dans son portefeuille de clients », confirme Thomas Friederich.
Développer des valeurs communes
Reste que la collaboration, si elle permet à chacun de grandir, n’est pas toujours évidente à mettre en œuvre. « La clé d’un partenariat réussi passe avant tout par l’humain, commente Christophe Darreau. Au-delà des connaissances techniques, il faut parvenir à développer des valeurs communes et formaliser une démarche qui garantira le succès de la relation. » Pour Thomas Friederich, « il faut en effet parvenir à définir des objets communs, mesurables dans le temps, une stratégie et un budget qui garantiront la qualité des rapports. La réussite, enfin, dépend surtout de la volonté des parties en présence de construire quelque chose en commun, et non d’envisager uniquement son propre profit. »
Travailler dans le respect de l’autre
C’est sur ces bases saines que la collaboration va pouvoir se développer. Dans le temps, elle exigera une réelle implication des deux parties afin de faire converger des approches culturelles différentes, pour trouver un langage commun. « On ne peut construire des démarches d’open-innovation que si l’on travaille dans le respect de l’autre, en étant clair sur les objectifs et transparents tout au long de la démarche. Le respect commence, quand on est un grand groupe, en ne faisant pas pitcher des start-up pour le plaisir, comme beaucoup le font de plus en plus. Il faut qu’il y ait, dès le départ, une conviction qu’il y a des projets à mener ensemble, précise Christophe Darreau. Dans la même logique, il va de la responsabilité du grand groupe, quand il initie un projet, de veiller à maximiser les chances de succès, en dédiant les ressources nécessaires au projet. Ou l’on fait les choses bien, ou on ne les fait pas. Car pour la start-up, une relation négligée de la part de son partenaire corporate peut avoir de lourdes conséquences. »
S’investir d’abord humainement
En l’espace de deux ans, Christophe Darreau et Thomas Friederich ont pu apprécier toute la teneur de l’enjeu. « Au sein du groupe, nous sommes passés par toutes les phases permettant de se rapprocher, de la méfiance et de l’incompréhension de l’autre à la découverte d’intérêts communs, pour finalement arriver à trouver les méthodes et approches permettant de collaborer effectivement », explique Christophe Darreau. « Si l’un et l’autre avons effectivement des manières de penser bien différentes, il n’y a qu’en faisant un pas vers l’autre que l’on parviendra à construire concrètement de nouvelles propositions de valeur qui bénéficieront à tout le monde, poursuit Thomas Friederich. Chacun doit d’abord s’investir humainement pour mieux envisager des collaborations constructives et plus innovantes. »