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La logique du coffre-fort luxembourgeois ne tient plus

A l’heure de présenter une nouvelle édition des Flagship et start-up Awards de l’APSI, Jean Diederich revient sur les défis que doivent relever les acteurs du digital au Luxembourg dans un environnement réglementaire appelé à s’ouvrir très prochainement. L’avenir du digital au Luxembourg passera par la création de nouveaux services à destination de la finance, mais pas seulement, et notamment par des plateformes de services partagés.

February 22, 2017

Jean Diederich, APSI

Jean Diederich, Président de l’APSI

Les discussions autour de l’article 41 suscitent de nombreux débats dans le chef des acteurs digitaux et notamment des PSF de support. En tant que président de l’APSI, quelle est votre position sur ce projet d’ouverture des règles garantissant le maintien de la confidentialité des données financières ?

Depuis que l’échange d’information entre autorités fiscales est effectif, il est difficile pour le Luxembourg de tenir un double-discours, avec d’une part une volonté affichée de plus de transparence et d’ouverture, et d’autre part le maintien d’un cadre restrictif en matière de confidentialité et localisation des données. En outre, la réglementation actuelle en matière de préservation du secret professionnel s’accommode mal avec certaines dispositions réglementaires à venir, je pense notamment à la nouvelle directive sur les services de paiements (PSD2). Celle-ci implique que les banques vont devoir s’ouvrir plus, après obtention de l’accord de leur client, permettre à des tiers d’accéder entre autres aux données relatives aux comptes de paiement.

La réaction des prestataires de services IT au Luxembourg ne va pas forcément dans le même sens…

Les PSF de support défendent le modèle sur lequel ils ont construit leur business. C’est compréhensible. Cependant, on sait depuis 2013, et l’annonce de l’échange automatique de données, que ce modèle ne pourrait pas être maintenu durablement. Le secteur financier évolue. Les acteurs digitaux qui les accompagnent doivent donc évoluer aussi. Ce n’est pas au monde à s’adapter aux exigences luxembourgeoises, mais c’est à nous de nous adapter aux évolutions globales. Le futur de la place financière luxembourgeoise se trouve dans la FinTech. Elle ne se déploiera pas ni ne pourra fonctionner dans un cadre fermé. Notre volonté, au niveau de l’APSI est de trouver les meilleures solutions pour faire  avancer de manière cohérente le digital à l’échelle de la place. C’est pour cette raison que nous ne nous opposons pas à cette ouverture.

D’aucuns prétendront que pour faire émerger un hub FinTech, il faut préserver les compétences IT au Luxembourg. Or, ce projet de loi les menace…

Oui, c’est un challenge complexe. Le problème est que l’on a raté, il y a quelques années, dès l’annonce de la fin du secret fiscal, une opportunité de se transformer pour mieux se positionner dans un monde plus ouvert. Aujourd’hui, la pression est plus intense. Des compétences partent déjà, malgré le cadre réglementaire en place. Il faut donc supporter le scénario de la transformation, rendre possible (et légal) une meilleure exploitation de l’information à l’échelle des groupes financiers internationaux. On peut craindre que des fonctions IT partent ailleurs. Mais il faut aussi parier sur notre capacité à en attirer de nouvelles, dans le domaine de la FinTech notamment. Pour cela il faut fusionner l’approche PSF-S avec celle du Cloud et créer un nouvel écosystème autour de la « API Economy ». N’oublions pas que, au niveau de l’industrie des fonds, nous sommes la deuxième place la plus importante au monde, avec une expertise unique en matière de distribution transfrontalière. C’est un vecteur d’attraction sur lequel il faut capitaliser.

Comment les PSF devraient se positionner dans ce contexte d’ouverture ?

Une des pistes, jusque là peu exploitée au Luxembourg, réside dans la création de services partagés au service de la finance. L’exemple de Kneip, qui a reçu un Flagship Award de l’APSI l’année dernière, illustre bien le type de services qui peuvent être adressés à toute une série d’acteurs des fonds. Plus que de l’outsourcing d’infrastructures, il faut développer des services, des solutions métiers. Aujourd’hui, on ne peut se contenter durablement, en raison d’une réglementation restrictive, de continuer à délivrer des services sans réelle valeur ajoutée à des prix élevés. La logique de coffre-fort, tel qu’envisagée par le passé, ne tient plus. La question n’est plus tant « où est stockée la donnée ? », mais « qui comment y accéder de manière sécurisée ? ». Dans le monde actuel, ce n’est pas parce que la donnée est localisée au Luxembourg qu’elle est mieux protégée. Par contre, dans la manière de la protéger, au départ de notre expertise en cybersécurité notamment, les acteurs luxembourgeois peuvent se démarquer, peu importe où se trouve la donnée d’ailleurs. Il nous appartient, dès à présent, de développer les bonnes compétences et les bons outils pour créer de la valeur, dans un nouveau monde sans coffre-fort, basé sur la « API Economy ». Avec l’ouverture des banques, pour respecter la PSD 2, un nouvel écosystème va prendre forme autour du secteur financier. Pour le Luxembourg c’est le sujet stratégique pour les années 2017 & 2018.

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