TRANSFORMATION & ORGANISATION
L’IA est un formidable levier d’amélioration de la productivité
A l’échelle globale, EY a massivement investi dans l’intelligence artificielle. La société d’audit et de conseil y a consacré près 1,5 milliard jusqu’à ce jour et entend bien poursuivre dans cette voie. Laurent Moscetti, Partner, Consulting leader au sein d’EY Luxembourg revient avec nous sur la manière avec laquelle l’intelligence artificielle sert l’ensemble des métiers de la firme ainsi que ses clients.
May 16, 2024
Pouvez-vous nous expliquer ce qui a poussé une firme comme la vôtre à entreprendre des tels investissements dans l’intelligence artificielle ? En quoi vous apparaissaient-ils non seulement opportuns, mais nécessaires ?
L’intelligence artificielle suscite beaucoup de discussions. La technologie nourrit des attentes considérables. Il était important, pour une firme comme la nôtre, de pouvoir éprouver effectivement les opportunités liées à la démocratisation de ces technologies, de pouvoir en comprendre les contours, afin de pouvoir mieux accompagner nos clients dans leur transformation. Nous avons donc décidé d’investir considérablement. Nous sommes l’une des firmes d’audit et de conseil qui y a consacré le plus de moyens jusqu’ici. Nous pouvons aujourd’hui parler des retours et des bénéfices liés à l’utilisation de la technologie en toute connaissance de cause.
Jusqu’à présent, comment l’intelligence artificielle contribue-t-elle à l’amélioration de vos performances ?
Les cas d’utilisation sont divers. L’intelligence artificielle contribue notamment à l’amélioration de la connaissance des collaborateurs. Nous avons déployé notre propre solution d’intelligence artificielle générative, un GPT propre à EY, avec lequel nos équipes peuvent interagir pour accéder plus facilement à l’information dont elles ont besoin. Au niveau d’EY, nous sommes notamment fiers d’éditer chaque année notre guide Investment Funds in Luxembourg.
Il s’agit d’un document de référence adressé aux acteurs de l’industrie des fonds qui présente le Luxembourg en tant que centre de fonds d’investissement, les types de véhicules de fonds disponibles et un résumé de la réglementation applicable à la création et au fonctionnement des fonds d’investissementluxembourgeois. Notre moteur d’intelligence artificielle, par exemple, permet à nos collaborateurs, et même à certains de nos clients, de trouver beaucoup plus facilement l’information présente au cœur de ce document consistant, au contenu technique, qui fait en outre régulièrement l’objet de mises à jour.
Dans un tel cas de figure, par rapport à un moteur de recherche traditionnel, quelle est la plus-value de l’IA ?
Elle réside dans sa capacité à croiser des informations. Quand le moteur de recherche va vous orienter vers une section ou un élément du rapport, l’IA va être entraînée sur l’ensemble du corpus, pour aller chercher l’information la plus pertinente, croiser plusieurs éléments pour fournir une réponse à une questioncomplexe. L’autre plus-value réside dans l’interaction que permet l’IA. Au-delà de la question initiale, on peut demander des précisions au regard d’un contexte particulier. On communique avec l’intelligence artificielle comme si on appelait un collègue expert dans une matière pour obtenir un avis ou une réponse à un enjeu particulier. L’intelligence artificielle générative déployée en interne, en l’occurrence, s’est entraînée sur divers jeux de données, pour soutenir le travail de nos collaborateurs dans nos divers métiers, que ce soit au niveau de l’audit, du conseil fiscal ou dans notre métier de conseil.
« 61 % des organisations font part d’un réel intérêt pour la technologie et entendent investir dans son déploiement »
Quels sont les autres cas d’utilisation, au sein de l’organisation, au travers desquels l’IA révèle sa valeur ?
Elle contribue à une accélération de la transformation numérique. Dans le domaine du développement, si elle peut aider les développeurs à coder plus rapidement, on se rend compte que la technologie n’est pas encore assez aboutie. Par contre, elle est d’une grande aide pour réaliser des tests unitaires et contribuer à améliorer la qualité des développements réalisés. Dans une logique similaire, elle permet d’accéder à un niveau beaucoup plus avancé d’automatisation de certaines tâches. Par rapport à la RPA, l’intelligence artificielle peut gérer des variations ou des exceptions dans l’exécution de certains processus. Enfin, l’IA est d’une grande aide dans la préparation du matériel de communication ou de présentation, notamment en interne.
Quelles sont toutefois les limites rencontrées ?
Si l’IA facilite l’accès à la connaissance ou soutient les démarches de communication interne, lorsque l’on s’adresse au client, les éléments de différenciation sont toujours essentiellement portés par l’humain. Ce sont nos capacités humaines de compréhension, d’empathie, de raisonnement qui, sur un marché, permettent defaire la différence. L’intelligence artificielle, en tant que soutien à la production, nous permet de concentrer nos efforts sur ces éléments à plus forte valeur ajoutée.
Comment les organisations, vos clients, se positionnent-ils vis-à- vis de la technologie ?
Une enquête que nous avons menée a révélé que 61 % des organisations font part d’un réel intérêt pour la technologie et entendent investir dans son déploiement. Notre rôle est d’accompagner ces développements. C’est la raison pour laquelle nous déployons beaucoup d’efforts à défricher les cas d’utilisation, à bien comprendre les possibilités offertes par la technologie et à identifier les limites actuelles. Les capacités de l’intelligence artificielle évoluant rapidement, nous devons veiller à rester à jour.
Quels sont les principaux enjeux liés à son déploiement en entreprise ?
Ils sont liés au cadre à mettre en œuvre. Il faut permettre son utilisation tout en s’assurant de la maîtrise de la technologie. Le recours à l’intelligence artificielle n’est pas exempt de risques, notamment en matière de préservation de la confidentialité des informations ou de considérations éthiques. Il faut les identifier, mettre en place les garde-fous pour les mitiger. L’une des réponses, en la matière, réside dans le recours à une intelligence artificielle qui fonctionne au départ de ressources dédiées. Nous avons la garantie que les informations sur lesquelles s’entraîne notre propre moteur d’intelligence artificielle ne contribuent pas à alimenter d’autres solutions d’IA.
Comment voyez-vous évoluer les choses à l’avenir ?
Nous allons continuer à investir de manière conséquente dans cette technologie, pour nos propres besoins autant que pour mieux accompagner nos clients. L’intelligence artificielle est un levier d’amélioration de la productivité gigantesque. Nous ne sommes encore qu’au début d’une transformation profonde des organisations. Nous devrions voir les cas d’utilisation se multiplier, les processus s’accélérer au fur et à mesure que nous découvrons les capacités liées à la technologie. Si cela va vite, l’adoption sera progressive. Il ne faut pas négliger l’importance du change management, le besoin de faire monter les équipes en compétences tout au long de cette transformation. À tout moment, il faut s’assurer que l’utilisateur reste en maîtrise de la technologie. Il doit pouvoir développer un regard critique vis-à- vis des réponses apportées par l’IA, y recourir pour générer de la valeur. Peut-être que d’ici 20 ans, l’intelligence artificielle pourra faire preuve d’émotion. À l’heure actuelle, c’est loin d’être le cas. Aujourd’hui, elle ne rivalise pas avec l’humain sur ce point. Ce qui est d’ailleurs heureux. Nous restons maîtres du contexte, de la qualité de la relation. Nous sommes et restons le premier levier de création de valeur vis-à-vis du client.