TRANSFORMATION & ORGANISATION
Le Numérique Responsable chez Agile Partner
Petite histoire d'une prise de conscience par Sylvain Chery, Directeur Associé d'Agile Partner
February 23, 2022
Les ressorts d’une prise de conscience sont parfois assez flous mais je vais tenter d’en retracer une des miennes.
Alors voilà, je dois d’abord reconnaître qu’il y a quelques années quand une collègue nous a parlé d’ “éco-conception” logiciel je n’y ai pas prêté beaucoup d’attention. Comme beaucoup de mes collègues je me disais “le gain potentiel en termes d’impact environnemental est vraiment négligeable par rapport à nos autres sources d’émissions de CO2, à commencer par les voitures de fonctions. Commençons par agir sur des sujets plus importants, on verra l’éco-conception logiciel plus tard”.
Et puis, depuis un peu plus d’un an, plusieurs faits sont venus me bousculer. En voici 3 :
- Le premier, il y a environ un an lorsque mon fils d’une part et des collègues d’autres part me faisaient part de leur difficulté à s’approvisionner en carte graphique et autres composants pour se configurer un nouveau PC de gaming. Ces composants s’avéreraient indisponibles et/ou avec des tarifs en forte augmentation.
- Un peu plus tard dans l’année nous avons vu combien la livraison des voitures de fonction était retardée par la pénurie de semi-conducteurs. Il s’avère que cette pénurie est due entre autres raisons à une sécheresse historique à Taiwan où est concentrée une grand partie de la production mondiale des puces électronique qui nécessite d’énormes quantités d’eau (cf. cet article de Numerama – 01/12/2021).
- Enfin, lorsque nous avons réalisé le bilan carbone de la société, j’ai pu constater le poids non négligeable des services numériques dans ceux de nos émissions . Le numérique ce n’est pas du virtuel ! Tous les équipements associés (terminaux, réseaux et datacentres) représentent déjà 5,5% de la consommation électrique mondiale et 3,8% des émissions de gaz à effet de serre soit 1400 millions de tonnes équivalent CO2. Leur fabrication nécessite quantités de minerais plus ou moins rares et difficiles à extraire (plus de 50 métaux dans un smartphone actuel), ce qui est fait des ressources véritablement stratégiques.
Piqué au vif par ces événements, j’ai ensuite voulu me renseigner, m’informer, me former en essayant de garder mon esprit critique mais j’ai fini par me forger une conviction : le numérique est un phénomène de fond tellement puissant dans notre société, il a pris un tel pouvoir sur notre vie à tous que cela implique de grandes responsabilités.
Les responsabilités du numérique
Le schéma suivant résume les différentes dimensions d’une démarche de Numérique Responsable :
- Limiter impacts et consommations des outils numériques, dans une logique de sobriété
- Développer des services numériques accessibles, inclusifs et durables
- Adopter des pratiques numériques éthiques et responsables
- Favoriser les résilience des organisations
- Permettre l’émergence de nouveaux comportements et valeurs
Quels bénéfices ?
A travers ce schéma on devine que toute organisation gagnerait à s’engager pour un Numérique Responsable en termes de :
- Performance économique (réduction des coûts de développement, de maintenance et de fonctionnement)
- Satisfaction des clients utilisateurs (amélioration du service rendu et de l’expérience utilisateur)
- Image, réputation et attractivité, en répondant notamment aux aspirations de nombreux collaborateurs et candidats
- Réponse aux exigences du législateur, des clients et des investisseurs (critères ESG)
- Contribution mesurable à sa stratégie RSE (réduction mesurable de l’empreinte environnementale, performance sociale)
Comment agir
Si vous aussi vous présentez que le numérique ne peut et ne doit pas être déployé sans réflexion et prise en compte de ces impacts, je voudrais partager avec vous quelques pistes d’action.
Il est maintenant reconnu que l’on peut réduire l’empreinte environnementale d’un service numérique en agissant principalement sur la conception fonctionnelle et technique de ce service :
Concrètement, d’après notre expérience chez Agile Partner :
Certains sujets sont déjà bien pris en charge (normalement ) : GDPR, sécurité.
D’autres sujets sont connus mais souvent trop peu pris en compte : l’accessibilité, la compatibilité avec de multiples versions de terminaux y compris des anciens. Ces sujets doivent certainement s’enrichir d’une attention portée à l’inclusion numérique (le contraire de la fracture numérique) et à la performance ressentie par l’utilisateur, même en conditions limitées (ex : connectivité intermittente, bande passante réduite), afin de ne pas pousser les utilisateurs à renouveler leurs terminaux.
Chez AP nous mettons depuis toujours l’accent sur la conception centrée utilisateur (UX Design) et le développement Agile pour répondre aux besoins réels, éviter les gaspillages et maximiser la valeur.
- La notion de valeur doit s’enrichir d’une réflexion sur l’éthique, la santé, la balance entre les impacts environnementaux négatifs directs et impacts positifs indirects… en prenant soin d’éviter les effets rebond.
- Les architectures qui sont déjà de plus en plus modulaires doivent tirer pleinement partie du Cloud (élasticité et moindre consommation énergétique des VMs) et veiller à optimiser la bande passante consommée.
- Par ailleurs le craftsmanship (attention portée à un code de qualité, propre, simple, maintenable…) doit s’enrichir d’une attention portée à la performance énergétique et à l’éthique algorithmique par exemple.
Enfin, pour ce qui est plus loin de notre champs d’intervention, les responsables des matériels et infrastructures (terminaux, réseaux et datacentres), doivent adopter des procédures d’achat responsables, optimiser leurs installations (consommation et performance énergétique – PUE, bruit…), allonger la durée de vie des équipements (smartphone, laptops, serveurs…), prendre soin d’utiliser des filières de réemploi, de réparation et de recyclage responsables.
Tous les domaines de compétences du numérique sont donc concernés et peuvent apporter leur pierre à l’édifice :
Un des grands défis de cette démarche systémique est de définir et de mettre en place les indicateurs adéquates pour mesurer les impacts du service numérique sur l’ensemble de son cycle de vie (ou de son alternative actuelle), avant modification (ou développement) pour définir les priorités et, après, afin d’évaluer l’efficacité des actions d’amélioration entreprises.
Et vous, parmi ces sujets, quels sont ceux qui vous semblent les plus prioritaires dans votre contexte ? Quel niveau de maturité pensez-vous avoir sur ces sujets ? Quelles marges de progrès pensez-vous avoir ?
Conclusion
En tant qu’entreprise nous sommes conscient de notre responsabilité sociale depuis toujours. Progressivement cela nous a amené à nous intéresser à la RSE et à agir de façon plus systémique – nous avons décroché notre premier label RSE de l’INDR en 2016 et ensuite plusieurs autres*.
En 2021 nous avons réalisé notre bilan Carbone (année 2020 – voir les résultats). La crise du Covid-19 a certainement accélérée notre prise de conscience : on peut et on doit travailler sur la réduction de nos impacts négatifs les plus significatifs (ex : CO2 émis par les voitures de fonction) mais cela ne nous dédouane pas de travailler à augmenter notre impact positif et à réduire les impacts négatifs de notre cœur d’activité : le numérique.
En effet si on ne le fait pas, nous, une ESN, qui va s’emparer de ce sujet ?!
Personnellement j’ai été frappé en regardant le film Don’t Look Up il y a quelques jours. Car, sans divulgâcher, si ça tourne mal, c’est un peu à cause de l’épuisement des ressources nécessaires à la fabrication des smartphones et autres équipements high-tech, et de l’espoir fou d’aller toujours plus loin pour exploiter de nouveaux gisements.
Le Numérique Responsable est donc un axe majeur de notre stratégie et une préoccupation qui nourrit l’ensemble de nos pratiques !
Le premier indice visible de notre engagement dans cette voie est la signature de la Charte Numérique Responsable de l’Institut du Numérique Responsable.
Notre ambition pour les années à venir est de montrer la voie et de devenir un acteur majeur du Numérique Responsable au Luxembourg, en lien avec les meilleurs experts européens.
Pour aller plus loin je vous recommande notamment :
*Best Workplace Luxembourg en 2018 et 2019, renouvellement du label INDR en 2019, Positive Workplace en 2021