TRANSFORMATION & ORGANISATION
La transition énergétique, un défi sociétal majeur
Au cœur d’une crise énergétique sans précédent, face aux défis climatiques, comment le Luxembourg et ses acteurs doivent-ils s’adapter ? Quelles mesures doivent être prises ? Comment nos modèles énergétiques, en raison notamment d’une électrification massive, sont-ils appelés à évoluer ? Comment la transition doit-elle s’opérer ?
January 18, 2024
Indispensable au bon fonctionnement de nos sociétés, l’énergie, bien qu’invisible à nos yeux, est omniprésente. Nous n’en avons sans doute jamais autant parlé que ces deux dernières années. Le conflit ukrainien, entraînant une hausse violente des prix de l’énergie, a fait trembler nos économies, jusqu’à entraîner l’arrêt de certaines activités industrielles. À plus long terme, si l’on souhaite parvenir à relever le défi climatique, ce sont nos modèles de production et de consommation de l’énergie qui doivent considérablement et rapidement évoluer. Mettre en œuvre un système énergétique complètement décarboné est un défi de grande ampleur. Sans doute le plus important que l’humanité a eu à relever depuis au moins deux siècles.
Un enjeu clé
La révolution industrielle, rendue possible par l’accès à une énergie bon marché avec l’exploitation du pétrole, a été synonyme de progrès incomparables. Toutefois, le dérèglement climatique qu’elle a induit, et dont nous pouvons aujourd’hui appréhender les conséquences, nous oblige à une remise en question profonde. Comment concrétiser les engagements pris lors de l’Accord de Paris, soutenir les objectifs de développement durable, tout en maintenant autant que faire se peut la qualité de vie de nos sociétés, la prospérité de nos économies ? Il reste difficile, à l’heure actuelle, de répondre clairement à cette question. La direction à prendre est sujette à de nombreux débats. La société dans laquelle grandiront nos enfants ne sera pas la même que celle qu’ont connue nos parents. Il faut changer notre manière de vivre et la transition énergétique est l’un des enjeux clés de la transformation à opérer.
Sortir des énergies fossiles
Cette révolution nous concerne tous, particuliers comme entreprises. La crise énergétique actuelle nous a déjà permis de prendre conscience de notre dépendance en matière d’approvisionnement et de la nécessité de renforcer notre autonomie stratégique en la matière. C’est un premier enjeu en la matière, qui passera par le nécessaire développement de la production d’énergies renouvelables. La décarbonation de l’économie exige de sortir le plus rapidement possible des énergies fossiles. Or, le gaz et le pétrole soutiennent encore la majorité de nos besoins dans le domaine de la mobilité ou encore de l’industrie. En sortir implique une électrification massive des usages. Cela ne se fera pas sans mal. Cela ne sera surtout pas possible sans parvenir à réduire drastiquement notamment notre consommation. C’est un deuxième enjeu, et même un défi prioritaire.
Sobriété, efficacité, électrification
Sobriété et renforcement de l’efficacité énergétique (à tous les niveaux), d’une part, et électrification massive, d’autre part, sont les deux principaux leviers de la transition. À côté, il y a lieu d’investir dans l’évolution du réseau, de soutenir le développement de technologies de stockage, d’opérer une décentralisation de la production (en favorisant l’autoconsommation) et d’explorer de nouvelles sources de production énergétique, à l’instar de l’hydrogène vert.
Investir massivement
Les acteurs, dans leur grande diversité, doivent aujourd’hui prendre toute la mesure de ces enjeux et mettre en œuvre des plans de transition à leur échelle. Les changements à opérer, notamment dans le domaine industriel, peuvent impliquer des investissements conséquents. Les estimations relatives au coût de cette évolution varient selon les acteurs. Elle fluctue entre 2.000 milliards et 5.300 milliards d’euros d’ici 2040. La transition sera onéreuse. L’inaction, cependant, pourrait s’avérer deux fois plus coûteuse, estiment les analyses. Dans un contexte où l’énergie est chère, en outre, la bonne nouvelle est que la réalisation d’économies contribue directement à la préservation de la profitabilité des acteurs.
Composer avec une énergie chère
Alors que les prix de l’énergie ont toujours été relativement faibles au Luxembourg, en raison d’un taux de TVA inférieur comparé à d’autres pays (8 %, et encore 6 % en 2014), ils ont augmenté de 13,2 % entre décembre 2021 et décembre 2022 (25,5 % dans la zone euro), et de pas moins de 30,8 % entre 2018 et 2022 (37 % dans l’eurozone). La hausse est plus faible que la moyenne de la zone euro, en raison, notamment, des mesures temporaires adoptées lors des Tripartites de mars et de septembre 2022, qui ont permis de contenir une partie de la hausse annoncée des prix de l’énergie. Cette flambée des tarifs a, toutefois, un impact majeur sur les entreprises : début 2023, 79 % d’entre elles identifiaient le coût de l’énergie comme un enjeu stratégique pour leur activité. 51 % considéraient l’accès abordable à l’énergie et aux matières premières comme l’un des principaux défis pour cette année. 35 % s’attendaient à une baisse de leur rentabilité à court terme, en particulier dans l’industrie et le commerce. Dès lors, 59 % des entreprises ont pointé la maîtrise des coûts de l’énergie comme devant être la top priorité du prochain gouvernement.
A cette hausse des coûts de l’énergie, il faut aussi ajouter un coût carbone associé au recours aux énergies fossiles. Ce mécanisme européen, que d’autres pays, comme la Chine ou le Corée mettent aussi en place sous une autre forme, est de nature à inciter les acteurs à plus de sobriété et à accélérer leurs investissements en faveur des économies en la matière. Il reste à voir si ses effets seront à la hauteur des ambitions poursuivies en la matière.