TRANSFORMATION & ORGANISATION

« Inviter chacun à prendre part à la transition »

Comment Enovos appréhende-t-il les défis énergétiques actuels et à venir. Erik von Scholz, CEO de l’entreprise, évoque ces enjeux avec nous. Il nous explique comment l’écosystème énergétique va se transformer en profondeur, avec le développement du renouvelable, la croissance de l’autoconsommation et la nécessité de réaliser des économies. Dans ce contexte, selon lui, il est important de permettre à chacun, citoyens et entreprises, de prendre part à cette transition.

January 24, 2024

Quel défi représente la transition énergétique à mener pour un acteur comme Enovos ?

Nous sommes actuellement confrontés à deux crises majeures : la crise énergétique et la lutte contre le dérèglement climatique. Les armes à notre disposition pour affronter chacune d’elles sont les mêmes. Il faut parvenir à économiser les ressources tout en développant les énergies renouvelables. En tant que fournisseur d’énergie, nous agissons sur ces deux leviers. D’une part, il s’agit d’accompagner le client, afin de le rendre acteur de cette transition, en lui permettant de produire de l’énergie ou encore de réaliser des économies. Nous-mêmes, nous agissons en tant que producteur d’énergie renouvelable à plus grande échelle dans la Grande Région, surtout dans les domaines des énergies photovoltaïque et éolienne. Cette transition représente aussi un défi technologique majeur, pour mieux maîtriser les données. La digitalisation et l’intelligence artificielle, j’en suis convaincu, joueront un rôle important dans le futur. L’enjeu est de surmonter ces défis tout en contribuant à maintenir des coûts de l’énergie abordables pour les citoyens et compétitifs pour notre industrie.

 

Pouvez-vous nous indiquer l’ampleur de la transition à mener au Luxembourg ?

On parle d’une transition de grande ampleur, qui concerne tout le monde. Les manières d’aborder, de produire, d’économiser et de consommer l’énergie sont appelées à évoluer considérablement, pour les citoyens et pour les entreprises. Par exemple, la capacité de production d’énergie renouvelable a nettement augmenté ces dernières années, surtout dans les domaines de l’énergie photovoltaïque et éolienne. Le nouveau gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre le Plan National Energie et Climat avec des objectifs ambitieux pour les énergies renouvelables, afin d’atteindre une production de 35 à 37 % de la consommation du pays à l’horizon 2030. Dans cette perspective, nous misons sur de nouveaux modes de production et des concepts innovants, comme l’agrivoltaïque. À ce niveau, l’objectif est d’ouvrir des terres agricoles aux systèmes photovoltaïques et de stimuler ainsi, simultanément, la production d’énergie solaire, l’agriculture et la biodiversité grâce à des solutions de pointe. Néanmoins, nous continuerons à développer les installations photovoltaïques en toiture de moyenne et grande taille.

« l’hydrogène aura tout d’abord un rôle À jouer dans le domaine industriel avec des processus de production qui ne peuvent pas être décarbonés avec l’électricité. »

 

On parle aussi beaucoup de l’hydrogène. Quel sera son rôle dans le futur écosystème énergétique ?

L’hydrogène aura tout d’abord un rôle à jouer dans le domaine industriel avec des processus de production qui ne peuvent pas être décarbonés avec l’électricité. Subsidiairement, il y aura un probable potentiel dans le domaine du transport longue distance, dépendant des développements dans le domaine de l’électromobilité. À plus longue échéance, l’hydrogène aura pour rôle principal de stocker de l’énergie produite qui ne peut pas être directement consommée, afin de pouvoir la restituer sous une forme ou sous une autre. La transformation d’électricité en hydrogène et d’hydrogène en électricité, cependant, implique des pertes conséquentes en énergie. Si ce procédé sera indispensable pour la transition, il est important de bien l’aborder. Au sein de notre groupe Encevo, plusieurs projets sur l’hydrogène se poursuivent. Le Groupe Encevo essaye en outre de rassembler les forces vives de la Grande Région afin de créer un écosystème de l’hydrogène. Nous menons des projets pilotes en collaboration avec des partenaires industriels qui nous permettent d’étudier les différentes technologies de production d’hydrogène ainsi que des cas d’utilisation potentiels comme, par exemple, un carburant pour les transports ou à des fins industrielles.

 

Décarboner l’économie va entrainer une hausse importante des besoins en électricité. Quel est le rôle des économies d’énergie dans ce contexte ?

La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas. Nous ne parviendrons pas à opérer cette transition énergétique sans réaliser de substantielles économies d’énergie. Rien qu’en 2022, nous avons pu réaliser plus de 160 GWh d’économies d’énergie à travers le programme enoprimes (pour presque 5.000 dossiers introduits). Un autre levier est de faire évoluer les modes de consommation, par exemple, en incitant les consommateurs à utiliser l’énergie lors de périodes de grande offre – surtout via une grande disponibilité en énergies renouvelables – sur les marchés de l’électricité, comme pour la recharge de voitures électriques. Cela permet donc de consommer plus vert et pour moins cher. Dans ce contexte, nous soutenons des projets de recherche, soit via notre Fondation Enovos, soit à travers des partenariats que notre groupe a avec des organismes de recherche comme le LIST ou l’Université du Luxembourg/SnT.

 

Le futur système énergétique sera complètement différent, avec notamment une croissance de l’autoconsommation. Pour un fournisseur, quelles sont les implications d’une telle transformation ?

Dans le futur écosystème énergétique, le client, qui est essentiellement un consommateur, évolue vers un rôle « prosumer ». Il continuera, bien évidemment, à consommer de l’énergie, mais il sera aussi producteur, à travers l’installation de panneaux photovoltaïques. En outre, de plus en plus de bâtiments seront chauffés par des pompes à chaleur, disposeront de bornes de recharge pour les voitures électriques, et encore de système de stockage d’électricité. Le défi est d’intégrer toutes ces installations dans un système qui pilote la consommation, le stockage et la production de manière intelligente. En l’occurrence, il s’agit aussi de garantir des prix compétitifs de l’énergie. Même si l’autoconsommation va croître, toutes ces installations devront rester connectées à un écosystème plus vaste, européen. Notre rôle, dans cet environnement, est de relier les producteurs et les consommateurs. Sur le marché, le prix de l’électricité évolue chaque quart d’heure, avec des deltas importants. Si les prix sont négatifs, un client peut avoir intérêt à cesser sa production. Dans d’autres cas, il sera plus intéressant de consommer de l’énergie provenant du marché à un prix inférieur que les coûts inhérents à sa propre production. À cet égard, nous sommes plus qu’un fournisseur. Nous développons des solutions pour que nos clients consomment moins ou mieux.

 

Comment cela se traduit-il ?

Il s’agit d’accompagner les consommateurs afin d’aligner au mieux consommation et production, comme le fait de charger sa voiture électrique au moment où l’énergie est la plus disponible, typiquement quand les panneaux solaires sont en activité. Avec l’accélération de l’électrification, le réseau se voit plus fortement sollicité, notamment à certaines heures de la journée. Face à ce défi, nous développons toute une série de produits et services « dynamiques » permettant de mieux monitorer sa consommation et sa production solaire, d’offrir plus de flexibilité et d’automatiser certains usages. Dans ce nouveau contexte, il importe de rendre les choses simples pour les clients. On peut, par exemple, imaginer une application qui vous informe et vous permet d’avoir le contrôle sur votre écosystème. Cette simplification contribue à rendre la transition énergétique accessible pour tous, permettre à chacun d’avoir un rôle à jouer. D’un autre côté, nous continuons à proposer des produits « fixes » offrant une sécurité et une stabilité sur les prix à moyen terme. À ce niveau, rester compétitif nous oblige à sans cesse renforcer notre capacité à évaluer la production et les besoins en consommation futurs. L’analyse des données disponibles, en la matière, est un enjeu crucial.

 

Au niveau de l’approvisionnement, quels sont les enjeux en matière de décarbonation ? Comment vous assurez-vous de proposer de l’énergie verte ?

En ce qui concerne la production à plus grande échelle via des installations de grande envergure, l’évolution des dernières années est impressionnante, surtout dans le domaine photovoltaïque. Nous avons mis en place – avec des partenaires locaux – plusieurs installations sur des toits de bâtiments industriels, mais aussi des projets phares comme la première grande installation au sol du pays ainsi qu’une installation photovoltaïque flottante sur un ancien bassin de refroidissement d’ArcelorMittal. Nous mettons l’accent sur la production d’énergie renouvelable locale et de sources variées, mais nous nous efforçons également d’importer de l’énergie verte pour nos clients. Tout cela aurait été qualifié d’impensable il y a encore quelques années alors que là, c’est un peu devenu notre quotidien.

Avec notre filiale Soler, cette année encore, nous avons mis en œuvre de nouveaux projets d’envergure ainsi que de grands projets de repowering dans le domaine de l’énergie éolienne. Les éoliennes d’aujourd’hui sont trois à quatre fois plus performantes que les premières, installées il y a 20 ans.

Pour la production de chaleur et l’exploitation de réseau de chauffage urbain, nous utilisons, à travers notre filiale Luxenergie, la biomasse issue du bois de rebut et nous avons également quelques nouveaux projets en géothermie pour faire avancer le déploiement du réseau de chaleur basse température ayant de meilleures performances énergétiques. Dans ce contexte, nous avons récemment créé une entreprise conjointe avec IKO Real Estate pour développer un réseau d’énergie pour le quartier phare Rout Lëns à Esch-sur-Alzette

 

Vos investissements dans la production ne se limitent pas au Luxembourg ?

Nous nous voyons comme acteur dans la Grande Région. Nous avons donc également augmenté notre production d’énergies renouvelables en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique. Nous allons également bientôt lancer les premiers projets en France. Si des projets renouvelables sont mis en œuvre sur le territoire national, le Luxembourg aura toujours besoin d’importer de l’énergie. Pour répondre à nos besoins futurs, nous misons sur une production d’énergie renouvelable européenne. Cela peut aussi passer par des Power Purchase Agreements (des engagements établis avec des acteurs d’envergure d’achat d’énergie verte à long terme), un domaine dans lequel nous avons acquis une certaine expérience au cours des dernières années.

« Il s’agit d’accompagner le client, afin de le rendre acteur de cette transition, en lui permettant de produire de l’énergie ou encore de réaliser des économies. »

 

 

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