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F4A : la start-up luxembourgeoise qui a faim

« Cette volonté de changer les choses, c’est vraiment l’essence et la mission de F4A.Et j’espère que dans 10 ans, on pourra mesurer l’effet que F4A aura eu sur le monde »

July 9, 2020

Ilana Devillers, CEO F4A

Qui, ces derniers mois, n’a pas entendu parler au moins une fois de Food4All ? La start-up luxembourgeoise et son concept de lutte contre le gaspillage alimentaire ne laissent personne indifférent. Cette année, de nombreux supermarchés à l’étranger auront recours au service de la jeune pousse. Rencontre avec Ilana Devillers, une entrepreneuse qui a les crocs !

Lorsqu’elle évoque ses ambitions et son engagement pour les valeurs qui lui sont chères, Ilana Devillers n’y va pas par quatre chemins : « je m’arrêterai quand F4A, cette petite start-up luxembourgeoise, aura rendu le monde meilleur, pas avant ! » Ça donne le ton.

 

F4A est LA start-up luxembourgeoise dont tout le monde parle depuis un an. Il faut dire que le concept d’Ilana Devillers, sa fondatrice, répond à une problématique connue mais trop souvent ignorée : le gaspillage alimentaire. « Food4All est parti d’une situation simple. Comme bon nombre d’étudiants, lorsque j’étais à l’université à Strasbourg, en 2015-2016, j’ai été confronté aux difficultés de me nourrir sainement avec un budget – serré – à tenir, explique Ilana Devillers. Manger des pâtes quotidiennement, ce n’est malheureusement pas un stéréotype de l’étudiant. À cette période, une nouvelle passait en boucle à la télévision et sur les réseaux sociaux : la javellisation des produits dans les supermarchés, les cadenas sur les poubelles, les personnes qui se nourrissent dans les rebus des supermarchés, etc. Le facteur déclencheur réside dans ma participation à un dîner chez un ami préparé uniquement avec des produits entièrement issus des poubelles du supermarché à côté de chez lui. Je me suis alors dit que ce n’était plus possible et qu’il fallait faire quelque chose. »

LA GRANDE DISTRIBUTION SOUS LE CHARME

Alors qu’elle se dirige vers une carrière d’avocate en droit des affaires, Ilana Devillers contacte Xenia Ashby, une étudiante à l’Université libre de Bruxelles. Les deux jeunes femmes créent alors le concept de Food4All en 2018. « Ce concept, il est simple. F4A est une start-up luttant contre le gaspillage alimentaire grâce à différents outils. Nous avons d’abord une application gratuite, avec laquelle nous nous sommes fait connaitre. Elle permet à tous les consommateurs de voir les invendus proches de leur date d’expiration dans tous nos supermarchés partenaires. Ces produits sont alors mis dans un endroit du magasin estampillé Food4All. » Grâce à cette solution, les supermarchés participants jettent moins de marchandises à la poubelle et peuvent augmenter leur chiffre d’affaires. D’autre part, les consommateurs ont accès à des produits totalement consommables et de qualité à prix réduit. F4A développe également des solutions B2B afin d’optimiser la chaine d’approvisionnement des magasins.

La grande distribution au Luxembourg est rapidement tombée sous le charme du concept de F4A et de l’engagement de ses fondatrices. Des magasins comme Delhaize, Pall Center ou encore Naturalia embrayent et équipent alors leurs magasins du logiciel. C’est le début d’une belle aventure pour Food4All, qui tente de faire évoluer les mentalités en matière de gaspillage alimentaire. « D’un côté, vous avez 820 millions de personnes qui meurent de faim chaque année dans le monde. De l’autre, 32 % de la production globale de nourriture est jetée à la poubelle. C’est un paradoxe révoltant et, malheureusement, il n’est pas neuf. On ne peut pas continuer comme cela. »

L’ENVIE DE FAIRE BOUGER LES LIGNES

Créée officiellement en juin 2017, la jeune pousse a collectionné les nominations et les titres. Elle a notamment été élue start-up de l’année par la nouvelle opération des Start-up Stories du magazine PaperJam il y a quelques mois. Ilana Devillers ne boude pas son plaisir devant une réussite qu’elle n’imaginait pas aussi instantanée.

Derrière le large sourire affiché se cache aussi une jeune entrepreneuse profondément engagée, bien décidée à faire bouger les lignes de lutte pour la préservation de l’environnement. « La protection de l’environnement est quelque chose qui me prend aux tripes, littéralement. La nature est quelque chose que l’on doit protéger et, hélas, elle n’est que trop rarement prise en considération. Pourtant, il suffit d’analyser la qualité de l’air ou de constater les tonnes de plastique qui finissent dans les océans pour se dire qu’il est grand temps de se bouger », explique la CEO de Food4All, qui n’hésite pas à mettre en corrélation le réchauffement climatique et la crise sanitaire que nous vivons depuis plusieurs mois. Le combat est loin d’être gagné. Et Ilana Devillers craint que la situation inédite que nous traversons amplifie les problèmes environnementaux déjà connus. « Les usines chinoises retournent par exemple déjà à plein régime. J’ai bien peur que les considérations liées à l’environnement soient aujourd’hui reléguées au second plan…, souffle-t-elle. La sonnette d’alarme a été tirée il y a deux ans lorsqu’on nous a expliqué qu’il ne nous restait plus que deux ans pour agir contre le réchauffement climatique. Depuis, peu de choses ont évolué. J’aimerais que ma famille, plus tard, puisse elle aussi profiter d’une nature qui m’a tant apporté. »

UN MANQUE D’ACTIONS À L’ÉCHELLE MONDIALE

La CEO de F4A se réjouit tout de même de voir naître des initiatives citoyennes, comme les marches pour le climat par exemple, pour tenter de conscientiser la population et les pouvoirs publics aux problèmes environnementaux. « Mais ce qu’il faut, ce sont des actions à l’échelle mondiale et une alliance de toute la population : le public, le privé, les ONG… C’est de cette manière que les choses pourront changer. Heureusement, de plus en plus de sociétés intègrent la RSE dans leur stratégie business. Et c’est justement aux grands groupes de montrer l’exemple. C’est leur devoir. Si Amazon prenait réellement en compte toutes ces considérations, cela changerait le monde, sans aucun doute. »

LA TECHNOLOGIE POINTÉE DU DOIGT

Le succès de la start-up, qui a atteint un seuil de rentabilité en seulement 7 mois, , est en tout cas le signe d’une certaine prise de conscience concernant ces problèmes de gaspillage alimentaire. Mais Ilana Devillers pointe également du doigt le manque d’efficacité dans l’utilisation des technologies durant la crise sanitaire. « Aux États-Unis, il y a eu d’énormes problèmes au niveau de la chaîne logistique alimentaire. Certains rayons sont vides, faute d’approvisionnement. D’un côté, vous avez des Américains qui ne trouvent pas de nourriture et de l’autre, vous avez chaque jour des quantité considérables de lait et d’oeufs qui sont jetés à la poubelle. Comment la technologie ne parvient-elle pas à résoudre une équation comme celle-ci ?, questionne Ilana Devillers avant d’en rajouter une couche. Pourtant, en 2010, cette même technologie assurait que le comportement du consommateur était prédictible à 93 %. Face à des comportements que l’on considère si prévisibles, pourquoi n’est-on pas parvenu à proposer une solution capable de garantir l’approvisionnement des magasins ? C’est assez simpliste de schématiser le problème comme cela car c’est bien plus complexe. Mais une bonne utilisation de la technologie aurait pu éviter ces catastrophes. » Pour la dirigeante, c’est une preuve supplémentaire qu’il est grand temps d’arrêter de mettre sur le marché des technologies non abouties ou qui ne fonctionnent tout simplement pas ! « Dans le secteur alimentaire, on a vraiment pris un retard considérable en matière de digitalisation. Et cette crise nous a montré qu’on pouvait en payer les pots cassés », explique la CEO.

DE GRANDES AMBITIONS POUR F4A

Malgré ces critiques, Ilana Devillers reste persuadée que la technologie pourra être une fabuleuse bouée de sauvetage pour faire face aux nombreux défis de demain. « Je suis très contente de l’intérêt qu’il y a vis-à-vis de notre boîte, clairement. Mais ce n’est pas la finalité. On veut que F4A ait un impact international. Imaginez que nous parvenions à réduire le gaspillage alimentaire mondial de 95 % ? Cela aurait un impact environnemental et sociétal considérable. D’une part, on pourrait contribuer à une réduction substantielle des émissions de gaz à effet de serre. D’autre part, plus de personnes auraient accès à une nourriture de qualité. Cette volonté de changer les choses, c’est vraiment l’essence et la mission de F4A. Et j’espère que, dans 10 ans, on pourra mesurer l’effet que notre start-up aura eu sur le monde », conclut avec détermination Ilana Devillers.

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