A travers la mise en œuvre d’un projet ambitieux de distribution opérationnelle des clés cryptographiques quantiques, RHEA System, POST, HITEC et le SnT entendent contribuer concrètement à la sécurisation des échanges d’informations à l’ère de l’informatique quantique. Ce consortium doit permettre à Luxembourg de développer une expertise de pointe au service du déploiement d’une nouvelle infrastructure européenne de sécurité.

« L’efficacité des techniques cryptographiques traditionnelles est aujourd’hui menacée par l’émergence de l’informatique quantique », commentait Pascal Rogiest, Directeur exécutif de la Stratégie de RHEA Group et Directeur Général de RHEA System Luxembourg, à l’entame de la conférence de presse organisée le 7 décembre dernier, annonçant le lancement du projet International Use cases for operational Quantum Key Distribution Services (en bref INT-UQKD). Nous voilà prévenus, tôt ou tard, des ordinateurs quantiques, dont la puissance de calcul est sans commune mesure avec celle que déploient les technologies les plus usitées aujourd’hui, seront en mesure de casser les clés de chiffrement qui protègent actuellement nos communications.

Quand cette menace sera-t-elle effective ? Nul ne sait le dire. Des ordinateurs quantiques sont déjà opérationnels aujourd’hui, utilisés dans des domaines très précis. Cela dit, si quelqu’un décidait demain d’en faire un usage malveillant, avec la volonté de lever le sceau du secret de certains échanges, il se gardera bien de s’en vanter. La menace est donc dès à présent réelle.

Développer une solution opérationnelle

Face à cet enjeu, RHEA Group, POST, HITEC et le SnT ont décidé de rassembler leurs expertises respectives dans un nouveau projet d’opérationnalisation de la distribution de clés quantiques. Il s’agit, ni plus, ni moins, de contribuer à la sécurité des échanges de données à l’avenir. Soutenu par l’ESA, INT-UQKD vise le développement d’une solution de cybersécurité de nouvelle génération.

« Il ne s’agit pas d’un projet de recherche et développement. Notre ambition vise un déploiement opérationnel d’un service de distribution de ces clés de chiffrement quantiques », poursuit Pascal Rogiest. Celles-ci permettront d’assurer l’intégrité des communications et des flux numériques. « Cependant, leur distribution nécessite des réseaux en fibres optiques, spécialement équipés, ainsi que des réseaux hybrides satellites et terrestres pour les communications longue distance », poursuit-il.

Valider des cas d’usage

Si l’enjeu est conséquent, rendre compte avec des mots simples du fonctionnement des clés quantiques n’a rien d’évident. L’idée est que celui qui chiffre le message et celui qui est autorisé à la déchiffrer dispose d’une clé quantique distribuée de manière symétrique à l’un et à l’autre par voie optique. Cette clé, en raison de sa nature, ne peut être reproduite. Son interception, en outre, en changerait l’état et la rendrait de facto inopérante.

Mais qu’importe la manière, l’enjeu est désormais de montrer que cela fonctionne, que ces clés peuvent être distribuées sur de longues distances, garantissant de ce fait la sécurité des échanges. L’ambition, pour RHEA Group et ses partenaires, est de parvenir à mettre en place des solutions opérationnelles en validant cinq démonstrations pilotes de cas d’usage transfrontaliers de gestion et d’intégration de clés quantiques dans des infrastructures et applications IT existantes.

Parvenir à intégrer ces solutions aux applications existantes

« Au final, il s’agit de parvenir à déployer de nouveaux outils de sécurisation des échanges, à les intégrer aux applications business existantes, et que cela se fasse de manière transparente pour les utilisateurs, commente Pierre Zimmer, directeur général adjoint de POST, spécialiste de la cryptographie et passionné de physique quantique. Ce programme s’inscrit dans notre ambition de développer nos capacités d’innovation et d’accélérer le développement de services de pointe au service de la compétitivité et la sécurité de nos clients. Au travers de ce projet, nous anticipons la généralisation de l’informatique quantique, avec pour objectif à long terme de fournir des niveaux de cybersécurité toujours plus élevés. »

Partenaires complémentaires

RHEA Group, spécialisé en services d’ingénierie et de développement de systèmes tant dans le domaine spatial que dans celui de la cybersécurité, a initié ce programme et a été choisi comme leader du projet. Parmi ses partenaires industriels, HITEC intervient comme leader du segment sol pour tous les programmes spatiaux luxembourgeois. Le SnT, qui travaille depuis un moment autour des clés quantiques, apporte son expertise dans le domaine de la recherche autour des technologies de l’information et de la communication. POST, pour sa part, fournisseur de service postaux et de télécommunications, et par ailleurs de services financiers, pourra partager son expertise d’opérateur d’un réseau de fibre et des compétences avancées dans le domaine de la sécurité.

Les premiers résultats d’ici un an

Dès les mois à venir, l’un des enjeux sera de démontrer que la distribution de clés quantiques à l’échelle transfrontalière est possible, en établissant une connexion fibre optique de distribution avec Redu, de l’autre côté de la frontière belge. Pour cela, les partenaires devront déployer une infrastructure spécifique. Ce projet devrait être mis en œuvre d’ici environ une année.

Pour les échanges longue distance, le programme se prolonge avec des partenariats à Singapour et au Canada, s’appuyant sur le programme Secured Connectivity (IRIS-2) de l’ESA et les futurs satellites EAGLE-1 de SES, dédiés notamment à la distribution des clés cryptographiques quantiques. Le déploiement d’un cas d’usage, à ce niveau, devrait prendre un an de plus.

Luxembourg à la pointe

Ce programme ambitieux doit permettre de positionner Luxembourg à la pointe dans ce domaine. Il contribuera à renforcer les compétences, les connaissances et le savoir-faire de l’écosystème luxembourgeois en matière de distribution de clés quantiques, au service de futures capacités européennes.