TRANSFORMATION & ORGANISATION

C’était mieux avant… Human after all

Les Daft Punk n’ont pas attendu l’avènement de ChatGPT pour mettre fin à trente années de pérégrinations musicales robotiques. C’était en 2021, le duo surprenait la planète (musicale notamment) avec l’annonce mémorable de sa séparation. Par son génie créatif (et son sens du marketing), Daft Punk a marqué toute une époque et continue à faire parler de lui.

June 28, 2023

L’éreintant débat autour de ChatGPT et des IA génératives, les questions relatives à leur capacité à ruiner toute créativité, nous invitent à réécouter (et revoir) l’œuvre de Daft Punk. Si les créatifs d’aujourd’hui émettent des craintes à l’égard de l’intelligence artificielle, au début des années 90, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo ont, pour leur part, choisi d’incarner des machines, en l’occurrence deux robots humanoïdes particulièrement classes.

Certains parmi vous ont peut-être vu le long métrage (muet) du duo, « Daft Punk’s Electroma », réel ovni cinématographique. Il met en scène les deux personnages, évoluant dans une société composée de nombreux et divers autres robots humanoïdes, et leur désir viscéral de ressembler à des humains (à défaut sans doute de pouvoir le devenir). Le film renvoie d’ailleurs aux questions d’identité et de diversité qui animent aujourd’hui nos sociétés. En février 2021, la vidéo diffusée par Daft Punk pour annoncer la séparation du duo est un extrait du film. On y voit les deux robots dans le désert. L’un d’eux, face à l’impossibilité de devenir humain, fait alors le choix de l’autodestruction.

L’œuvre de Daft Punk, si elle est essentiellement électronique et bien que les deux artistes aient incarné deux robots pendant 30 ans, n’a rien d’automatique, ni de répétitif. D’abord, le groupe n’a à son actif que quatre albums – Homework, Discovery, Human After All, Random Access Memories. Pour des robots, on aurait pu s’attendre à un niveau de productivité nettement supérieur. A chaque album, le duo a pris tout le monde à revers, réinventant à chaque fois le genre. Et plus on avance dans l’œuvre, plus leur électronique semble mâtinée d’une touche d’humanité profonde (la guitare de Nile Rodgers et la voix de Pharell Williams sur Get Lucky doivent suffire à vous convaincre). Si la musique électronique a beaucoup samplé d’autres morceaux (le duo ne fait pas exception), Daft Punk était animé par un désir de créer hors du commun, plus que de reproduire, au point d’inspirer à chaque album une nouvelle génération d’artistes.

« Pourquoi ce moment de nostalgie ? », demanderez-vous. Parce que, in fine, ces deux « robots » nous démontrent, au fil de leur œuvre, que la créativité est et demeurera l’une des plus belles singularités de l’homme. Qu’elle n’est pas le fruit d’un processus programmable, reproductible.

Daft Punk nous dit que ce qui est beau prend du temps à créer. Que cela implique de collaborer, d’échanger. Que cela découle d’une envie de découvrir et d’explorer de nouveaux horizons. Et, plus que tout, qu’il n’y a pas de créativité sans émotion, sans sentiments et ressentiments. Parcourez les titres de Daft Punk. Vous y trouverez “High Fidelity”, “Alive”, “Make Love”, “Digital Love”, “Give Life Back to Music”, “The Game of Love”, “Emotions”. Tout cela n’a rien de robotique. Pour créer, il faut vivre et pouvoir aimer. Si la machine peut se montrer performante, et même supérieure à nous dans de nombreux domaines (« Harder, Better, Faster, Stronger »), elle nous fait prendre conscience de ce qui fait de nous des « humains, après tout ».

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