TRANSFORMATION & ORGANISATION
« Avec le digital, les RH se placent davantage au service du business »
Par Sébastien Lambotte pour ITnation Magazine - Edition Hiver 2019/2020
January 27, 2020
Le numérique transforme profondément la gestion des ressources humaines. Il est source de belles opportunités mais soulève aussi d’importants défis. Régulièrement, ITnation MAG part à la rencontre de DRH luxembourgeois pour leur demander comment ils appréhendent ces enjeux. Pierre Knoden, HR Director d’ING Luxembourg, a accepté de répondre à nos questions.
Comment les possibilités offertes par le numérique transforment-elles la gestion des ressources humaines à l’échelle d’ING Luxembourg ?
Lorsque je dois expliquer notre stratégie RH à mes équipes ou à mes collègues de la banque, je commence souvent par évoquer la transformation qu’a connue notre métier de banquier. Avant de disposer d’outils digitaux, comme le web-banking, les clients devaient nous contacter par téléphone pour connaître le solde de leur compte en banque et passer en agence pour effectuer des opérations. Le numérique a considérablement transformé la relation qu’entretient chaque client avec sa banque. En mettant à disposition des interfaces digitales, chacun peut désormais beaucoup plus facilement accéder à l’information financière le concernant, effectuer des virements sans avoir recours à un agent, où qu’il soit, à n’importe quel moment. À l’échelle de l’organisation, les services RH sont amenés à évoluer de la même manière.
Concrètement, comment cela se traduit-il ?
Nous sommes en train de mettre en place un nouvel outil au niveau du groupe qui permettra aux employés comme aux managers d’accéder aux informations relatives à la gestion des ressources humaines qui les concernent, comme le solde de jours de congé disponible ou l’historique de l’employé par exemple, mais aussi beaucoup d’autres données administratives. Il sera aussi possible d’effectuer diverses opérations, comme des demandes de mobilité interne au sein du département par exemple. C’est une logique de self-service, qui doit permettre aux équipes en charge des ressources humaines d’être libérées de sollicitations qui revêtent un caractère purement administratif. Une telle solution nous permet de nous concentrer sur qui est important, sur des programmes qui vont avoir un réel impact sur l’entreprise et l’activité.
Une telle transformation implique une évolution des compétences RH à l’échelle de l’entreprise. Comment se repositionnent-elles ?
Les compétences RH vont se placer davantage aux côtés des managers, pour les aider à mieux gérer leurs équipes, à en retirer le meilleur. Le deuxième grand enjeu de la numérisation de la fonction RH vise une meilleure exploitation des indicateurs liés aux équipes. La numérisation des processus et la centralisation des données doivent en effet permettre de disposer d’une meilleure vue sur l’organisation, offrir un meilleur suivi des performances de chacun. Cette meilleure exploitation des données au service de l’accompagnement des équipes représente une belle opportunité, mais aussi un défi important en matière de gestion de la qualité de l’information. Dans ce contexte, les gestionnaires RH doivent aussi monter en compétences. Le département RH doit se doter de nouveaux talents, liés à la gestion de ces données, comme des analystes. Cet enjeu de meilleure gestion de l’information, en outre, répond à des enjeux réglementaires, tels que le RGPD qui exige un meilleur contrôle des données.
Dans un monde numérique, au regard des nouvelles attentes exprimées par les jeunes générations, dans quelle mesure les critères d’évaluation des performances doivent-ils évoluer ?
Ce n’est plus forcément au temps de travail passé au bureau que l’on va mesurer la performance des collaborateurs, mais sur d’autres critères, comme la qualité et la rapidité d’exécution des missions. Dans ce contexte, il faut pouvoir identifier de nouveaux indicateurs et les faire remonter auprès des managers. À l’avenir, le gestionnaire RH jouera un rôle prépondérant pour apporter aux responsables d’équipes des analyses, des données lui permettant de prendre les bonnes décisions. Les RH deviennent de véritable business partners, avec une vraie valeur ajoutée à apporter pour un meilleur développement de l’activité.
C’est une transformation conséquente de la fonction RH, qui était encore réputée très administrative. Comment l’appréhendez-vous ?
Au final, les nouveaux outils, s’ils sont conviviaux, simples d’utilisation, fonctionnels, seront rapidement pris en main par les équipes. Le gestionnaire RH, lui, doit se rendre disponible, en offrant un conseil avisé, pour toute problématique plus complexe qui peut être soulevée. C’est une opportunité pour beaucoup des membres de mon équipe de se placer davantage au service de l’activité, de mieux s’épanouir en apportant une réelle valeur ajoutée. Plus que jamais, les gestionnaires RH doivent se mettre au service de l’utilisateur, en lui proposant les bons outils. Cela n’est toutefois pas possible sans formation. Cette transformation conduit à un mouvement de spécialisation dans le domaine RH, autour du management d’équipe, du recrutement, de la gestion des compétences.
À l’échelle de l’organisation, on sait que la transformation digitale peut avoir des impacts importants sur l’emploi. Les compétences d’aujourd’hui, en raison de l’automatisation, ne sont pas forcément celles dont nous aurons besoin demain. Comment gérer cette transition ?
Les entreprises doivent se transformer et faire évoluer leurs compétences. Il est évident que le numérique va avoir un impact important sur les équipes. Un des enjeux est d’être transparent, de pouvoir partager la vision avec le personnel. On constate alors que beaucoup adhèrent aux perspectives nouvelles, celles-ci s’inscrivant souvent dans un contexte de compétitivité accru. Cela devient plus compliqué quand les collaborateurs prennent conscience que cette transformation va affecter leur emploi et potentiellement leur place dans l’entreprise. La seule réponse à cet enjeu réside dans le développement de l’employabilité de chacun, pour faciliter la mobilité au sein de la structure, mais aussi pour garantir à chacun des perspectives en dehors du périmètre de la banque. Il en va de notre responsabilité et, si cela est organisé en toute transparence, tout le monde peut s’y retrouver.