TRANSFORMATION & ORGANISATION

Afterwork with Gilles Gérard

CEO de Luxlait depuis mai 2018, Gilles Gérard souligne l’importance du modèle coopératif dans la période actuelle... mais aussi les difficultés auxquelles il est confronté. Il rappelle aussi combien l’innovation est indispensable, dans son secteur comme dans tout autre.

October 10, 2023

« Luxlait a l’une des usines les plus modernes d’Europe »

La recherche accrue de durabilité et d’éthique nous conduisent à nous interroger sur la façon dont nous produisons nos biens de consommation. Dans ce contexte, un modèle coopératif comme celui de Luxlait est-il plus pertinent que jamais ?

Personnellement, j’ai toujours vécu dans ce modèle, qui me plaît beaucoup. Le principe de la coopérative est qu’elle appartient à 100 % aux agriculteurs qui en sont membres. L’ensemble des revenus générés leur revient, en décomptant la partie nécessaire pour payer le personnel de Luxlait et réaliser les investissements qui s’imposent. Ce type d’organisation est donc basé sur l’équité et la solidarité, tout en cherchant à produire une valeur ajoutée et des revenus plus importants que si l’on travaillait seul. A mon sens, il s’agit donc de l’un des meilleurs modèles possibles pour l’agriculture.

Ce modèle continue-t-il à vivre de façon dynamique ou est-il aujourd’hui en crise ?

Il faut reconnaître que c’est de plus en plus compliqué, car nous vivons dans une société où les gens sont de plus en plus individualistes, moins enclins à partager ne serait-ce que les mêmes valeurs. Aujourd’hui, je constate que certains agriculteurs voudraient qu’on fasse des différences entre eux, notamment par rapport au prix d’achat de leur lait. Mais le prix que nous donnons à chaque agriculteur se veut juste, équitable. Il dépend seulement de la qualité du lait fourni, de son pourcentage de matière grasse et de matière protéique, car notre principale préoccupation reste de mettre sur le marché des produits de la plus haute qualité.

Comment parvient-on à assurer une juste rétribution des agriculteurs en temps de crise ? De quels leviers disposez-vous ?

Nous avons la chance d’avoir une activité qui repose sur plusieurs piliers. Si l’un de ces piliers s’affaiblit – comme cela a été le cas de l’Horeca durant la crise du Covid, par exemple – on peut toujours compenser en vendant plus aux grandes surfaces. Cela dit, les agriculteurs sont encore trop souvent considérés comme la variable d’ajustement. Ce sont eux qui, bien souvent, paient le prix fort quand le prix du lait chute. Notre rôle est de négocier, de faire en sorte que les grandes surfaces achètent nos produits à un prix un peu plus élevé que ce qu’elles offraient au départ, tout en faisant accepter aux agriculteurs un prix un peu moins élevéque ce qu’ils espéraient pour leur lait. Dans la période d’inflation que nous traversons, il faut aussi veiller à ne pas proposer nos produits à un prix trop élevé en grande surface, au risque de voir les consommateurs choisir une autre marque, moins qualitative et moins coûteuse. Dans un tel système, chacun doit donner du sien pour que ce ne soient pas toujours les mêmes qui subissent les conséquences d’une crise.

Un autre problème au Luxembourg et en Europe réside dans la chute du nombre d’agriculteurs actifs. Parvenez-vous toujours à récolter suffisamment de lait pour confectionner vos produits ?

Le Luxembourg est un petit pays avec beaucoup de lait. Nous avons aujourd’hui 300 fermes dans la coopérative, mais il est vrai que nous en perdons chaque année. Ceux qui restent ont toutefois tendance à s’agrandir. Cela explique pourquoi nous produisons plus de lait aujourd’hui – 170 millions de litre par an – qu’avant la fin des quotas européens en 2015 – 125 millions de litres par an.

Vous fabriquez des produits 100 % luxembourgeois, mais où les vendez-vous ?

Nous exportons 65 % de notre production, principalement dans les pays limitrophes. J’aimerais vendre plus au Luxembourg, mais c’est difficile car nous sommes un petit territoire dans lequel on trouve énormément de produits venus d’autres pays et la concurrence y est très forte. Pendant le Covid, je pensais qu’il y aurait un changement d’attitude plus fort ou une prise de conscience encore plus importante de la part des consommateurs à ce niveau, car consommer local et garder nos productions au Luxembourg est pour moi essentiel.

Quelle place occupe l’innovation dans la politique de développement de Luxlait ?

Elle a un rôle fondamental, car je pense qu’une entreprise qui n’innove plus est vouée à mourir. Au cours des 15 dernières années, nous avons investi 180 millions d’euros, notamment pour faire sortir de terre une usine flambant neuve, l’une des plus modernes d’Europe, où de nombreux processus sont automatisés. Nous avons un plan d’investissement pour les cinq prochaines années, notamment pour aller encore plus loin en matière de respect de l’environnement, en évitant l’usage de matières issues du pétrole dans nos emballages. La durabilité est très importante pour nous : nous disposons depuis très longtemps de panneaux photovoltaïques, d’une station d’épuration, etc. Nous emmenons les agriculteurs avec nous dans cette démarche puisqu’un tiers d’entre eux ont déjà réalisé un audit pour voir où ils en sont vis-à-vis de ces enjeux. Des efforts importants ont également été réalisés en matière de digitalisation et de sécurisation de nos systèmes. Dans un monde qui va de plus en plus vite, il est indispensable de se remettre sans cesse en question.

 

AUTOUR D’UN VERRE

Qu’est ce que vous prenez à boire ?

Je bois de la bière, particulièrement de la Battin blonde, ma favorite ! A défaut, j’aime un verre de vin blanc local ou un Whisky Sour, cocktail que j’ai découvert dernièrement et que j’adore.

Avec qui aimeriez-vous partager un verre ?

Je suis très sociable, donc je boirais bien un verre avec tout le monde (rires). Mais cela me plairait de le faire avec Bill Gates. Je suis impressionné par ce qu’il a pu réaliser en partant de rien, mais aussi par son engagement pour une série de causes caritatives.

Votre truc pour décompresser en fin de semaine ?

Je fais du sport : du rameur, de la course à pied… J’aime les exercices qui me permettent de faire travailler tout mon corps. A 50 ans, il est essentiel de prendre soin de soi !

Une destination pour souffler ?

La Côte d’Azur. J’y vais souvent car une partie de ma famille y vit ainsi que de nombreux amis. J’aime le climat, évidemment, mais aussi la végétation et notamment les palmiers.

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