TRANSFORMATION & ORGANISATION

Afterwork with a CEO avec Philippe Linster

A la tête de la House of Startups depuis janvier 2020, Philippe Linster met toute son énergie pour développer et fédérer l’écosystème « startups » au Luxembourg, et faire rayonner le pays à l’échelle internationale.

August 20, 2024

Pouvez-vous nous présenter la House of Startups, où nous nous trouvons ?

Ce bâtiment de 6.000 m2 réunit 4 structures, des incubateurs et des accélérateurs, et héberge en permanence environ 175 startups, soit un tiers de l’ensemble des startups recensées dans tout le pays. Ce lieu joue un rôle fédérateur pour que cet écosystème dédié à l’innovation puisse se développer. Nous travaillons au quotidien à rassembler les porteurs de projet, les incubateurs, les grandes entreprises, les investisseurs potentiels, du business angel au venture capitalist, mais aussi l’Université, les centres de recherche, sans oublier le gouvernement… En tant qu’émanation de la Chambre de Commerce, notre rôle est aussi de faire du représenter les startups, de faire remonter les problèmes que peuvent rencontrer nos startups, que ce soit au moment de leur création ou dans leur phase dedéveloppement. A ce niveau, nous effectuons également une sorte de veille concurrentielle en observant ce qui se fait ailleurs, dans les pays voisins, notamment sur le plan fiscal. Au final, nous voulons contribuer à rendre le Luxembourg toujours plus attractif.

Quel regard portez-vous sur cet écosystème depuis votre arrivée début 2020 ?

Je suis arrivé en janvier 2020 avec beaucoup d’entrain, mais il a rapidement fallu passer en mode « urgence ». Le lockdown a été fatal pour de nombreuses startups. Cela n’est pas négatif en soi dans la mesure où l’on sait que sur 10 startups qui se lancent, deux tiers ne survivent pas. Le phénomène s’est juste accéléré sous l’effet du Covid. Mais cette période a aussi été bénéfique pour d’autres structures. La pandémie a obligé tout le monde à passer au digital. Les startups qui développaient des solutions numériques ont connu un développement plus rapide. Jusqu’en 2020, la House of Startup accueillait entre 100 et 120 startups, de façon très variable.

Depuis fin 2021, elles sont 175. Chaque mois, certaines s’en vont et d’autres arrivent. Le taux d’occupation est stable, évoluant de 90 à 95 %.

De la crise nait l’innovation ?

Oui. Chaque crise fait naître de nouveaux entrepreneurs, qui identifient des besoins et cherchent des solutions pour y répondre. Depuis la pandémie, le monde a traversé d’autres crises avec la guerre en Ukraine, la montée de l’inflation… On voit aujourd’hui un grand intérêt pour les startups actives dans la défense, dans la cybersécurité, l’espace, tout simplement parce que la guerre n’est plus uniquement physique, mais elle se déplace vers le monde digital.

Vous parliez au départ de 4 structures d’accompagnement hébergées. Quelles sont-elles ?

Nous accueillons effectivement 4 structures qui adressent 4 thématiques différentes. Tout d’abord, il y a le Luxembourg- City Incubator, porté par la Chambre de Commerce et la House of Startups, en partenariat avec la Ville de Luxembourg. Son objectif est d’accueillir des startups actives dans des secteurs en lien avec la ville de demain, comme la smart city, l’environnement, la logistique, la construction, les transports… 60 à 65 structures sont hébergées par cet incubateur. Vous avez ensuite la Luxembourg House of Financial Technology (LHoFT). Cette fondation est une initiative à but non-lucratif soutenue par le ministère des Finances, et le secteur privé pour stimuler l’innovation et la numérisation dans l’industrie des services financiers au Luxembourg. 80 à 85 structures sont accompagnées.

La 3e structure, « Le Village » du Crédit Agricole, est un accélérateur. Il vient de fêter ses 5 ans d’existence au Luxembourg et s’inscrit dans un vaste réseau international pour permettre aux startups de grandir, surtout vers la France et vice-versa. Enfin, la House of Startup est aussi le siège de l’International Climate Finance Accelerator (ICFA). Il s’agit d’un programme d’accélération unique destiné aux gestionnaires de fonds émergents et axé sur l’action climatique.

Comment envisagez-vous votre rôle dans cet environnement ?

Tom Michels, l’un des fondateurs et le CEO de Salonkee, avait répondu à cette question en disant qu’il se voyait comme un pompier, qui était là pour intervenir quand on avait besoin de lui. J’ajouterai que mon rôle du CEO est avant tout de garder une vue générale sur ce qui se fait, d’assurer une ligne de conduite. Cette House of Startups doit créer du lien, amener les personnes à collaborer, à faire grandir leurs idées, et contribuer au final au développement de tout le pays. Tout ce que nous faisons doit être aligné avec cet objectif.

Quelle est la place du Luxembourg dans le monde des startups aujourd’hui ?

Nous sommes un petit pays et nous n’avons certainement pas la même masse critique que les grands pays voisins que sont l’Allemagne ou la France. Le sujet « startups » est véritablement arrivé à l’agenda en 2013 et beaucoup d’initiatives ont vu le jour depuis lors. Même si le Technoport existe depuis plus de 25 ans, avec de beaux succès à la clé, l’écosystème local reste encore très jeune et relativement petit.

Partant de là, on peut tout de même se féliciter de la belle dynamique en place. Selon le rapport 2023 « State of European Tech », publié par Atomico, le Luxembourg compte parmi les 3 seuls pays européens à avoir vu augmenter ses levées de fonds l’an dernier, avec près de 200 millions d’euros.

Quels sont les principaux challenges à venir ?

Nous ne sommes qu’au début de l’aventure. Ces dernières années, nous avons développé un écosystème qui accompagne les startups lors de leur démarrage, ce qu’on appelle le « early stage ». Nous devons maintenant travailler sur la partie « scale up », pour des structures qui ont déjà 30 à 40 employés, un produit ou un service commercialisable et des ambitions internationales. Nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur une première génération d’entrepreneurs, qui ont connu de belles réussites comme AtHome, Doctena, Talkwalker et d’autres. Ces personnes sortent peu à peu de leur entreprise et deviennent eux-mêmes des investisseurs qui peuvent apporter un peu d’argent, mais surtout beaucoup d’expérience, pour soutenir la nouvelle génération. Au cours de ces prochaines années, un milestone important serait de voir émerger une ou deux licornes luxembourgeoises. J’en fais un souhait, voire un objectif personnel.

Un autre point concerne l’attractivité du pays, qui dispose de nombreux atouts comme sa stabilité politique et économique, sa communauté très internationale… Mais c’est aussi un pays où les coûts sont élevés, que ce soit pour embaucher quelqu’un, pour qu’il puisse se loger et vivre décemment. Des pays voisins ont mis en place des mesures fiscales, pour inciter les investisseurs à soutenir l’économie locale ou permettre aux startups d’utiliser le système des stock-options pour une partie de la rémunération. Le gouvernement est conscient de ces enjeux et y travaille. Mais il est important de prendre des mesures parce que les talents ne viendront pas au Luxembourg pour son climat. Assurer la compétitivité du pays reste un enjeu de taille.

 

Autour d’un verre

QU’EST-CE QUE VOUS PRENEZ À BOIRE ?

Je prendrai un picon bière.

AVEC QUI AIMERIEZ-VOUS PARTAGER UN VERRE ?

Je suis un grand amateur d’échecs. J’aimerais beaucoup rencontrer Magnus Carlsen, le numéro 1 mondial de la discipline. Nous avons le même âge et ce serait sympa de discuter quelques minutes ensemble, de son expérience, de son vécu.

VOTRE TRUC POUR DÉCOMPRESSER EN FIN DE SEMAINE ?

J’ai deux grandes passions. Les échecs, dont je viens de parler. Je fais partie de l’équipe nationale luxembourgeoise et cette discipline me permets de m’évader du quotidien, de me décontracter. Je suis également arbitre de handball au niveau international. J’aime la compétition, me donner à fond dans ce que je fais.

UNE DESTINATION POUR SOUFFLER ?

Avec mon épouse, nous adorons nous rendre en Asie. Nous organisons nous-mêmes nos voyages, en essayant de vivre au plus près des populations locales. Un changement de culture qui permet d’élargir nos horizons.

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