TRANSFORMATION & ORGANISATION

Afterwork with a CEO avec G. Feith

Gilles Feith revient sur un an et demi de crise et évoque l’avenir de l’aviation.

May 16, 2022

« Mon rôle est de nourrir la passion de nos équipes »

Gilles Feith a pris les commandes de Luxair le 1er juin 2020, dans un contexte totalement inédit. A l’époque, les avions sont cloués au sol… Son premier objectif a donc été de relancer coûte que coûte l’activité. Nous le retrouvons une fin de journée pluvieuse de janvier au restaurant Airfield, à deux pas de l’aéroport du Findel, un lieu qu’il affectionne, pour revenir sur un an et demi de crise et évoquer ensemble l’avenir de l’aviation.

« Il est devenu indispensable de mesurer les impacts sociaux, environnementaux et de gouvernance »

Quels ont été les premiers défis à relever lors de votre arrivée à la tête de Luxair, dans une période où la pandémie occupait tous les esprits et toutes les énergies ?

Pour l’anecdote, je suis officiellement arrivé à la tête de Luxair le 1er juin 2020, le jour de mon anniversaire, en pleine crise Covid, alors qu’il n’y avait pratiquement plus un seul avion dans les airs… La priorité a donc été de préparer la relance. Comment reprendre l’activité dans ces conditions ? Quelles destinations pouvions- nous rejoindre ? Nous avons été obligés de mettre en place toute une série de nouvelles mesures concernant les règles d’hygiène, les systèmes de filtration, l’offre de catering, etc. Le 29 mai 2020, le samedi des vacances de Pentecôte, j’étais moi-même dans l’un des premiers avions à redécoller du Findel. Ce même jour, nous avons lancé le premier vol à destination de Stockholm. Dès le début, nous avons préparé la saison d’été, avec l’objectif de permettre à un maximum de personnes de partir en vacances. Le deuxième challenge non négligeable était de veiller à maintenir l’opérabilité du CargoCenter, outil logistique vital pour le Luxembourg.

 

Comment peut-on se préparer à de tels événements ?

Pour chaque nouveau job que j’aborde, j’aime me préparer mentalement. Cette fois, ce fut évidemment très compliqué, du simple fait que personne n’avait traversé une telle période auparavant. Il faut bien s’imaginer que toutes les choses qu’on connaissait, comme la gestion des vols, le pilotage de la demande grâce à l’intelligence artificielle, tous les systèmes automatiques, pouvaient être oubliés. Au vu de la situation sanitaire, les clients avaient tendance à réserver très tard et nous ne pouvions plus nous fier aux anciens indicateurs. En parallèle, nous avons travaillé dur pour ouvrir de nombreuses nouvelles destinations. Nous n’aurions pas pu le faire sans un investissement conséquent de toutes les équipes.

 

Quel enseignement tirez-vous de cette période ?

Une telle relance s’apparente à pousser une roue d’inertie. Il faut pousser fort au début, puis pousser un peu moins, avant que cela ne commence réellement à tourner. A mes yeux, la clé de la réussite tient en deux mots : persévérance et flexibilité. Aussi, dans une crise, il faut apprendre à fédérer les idées, à travailler ensemble et à écouter tout le monde pour ensuite faire le meilleur choix possible. Il n’y avait pas de bonnes options, mais bien des options plus ou moins risquées ou difficiles à réaliser. Notre objectif était de voler au maximum. Pour une compagnie aérienne, c’est d’abord un choix économique. Les frais fixes sont très élevés et les marges sont réduites. Il faut donc générer du chiffre d’affaires pour diviser ces frais. Mais c’est aussi un choix moins rationnel lié à la passion qu’ont les équipes pour leur métier si particulier. La passion est ce qui fait voler beaucoup de compagnies aériennes aujourd’hui. Le rôle du management est avant tout de la nourrir.

 

Quels sont les priorités actuelles ? Les sujets qui vous tiennent à cœur ?

Aujourd’hui, une entreprise ne peut plus se permettre de faire son business sur le dos de la nature, ni sur le dos de son personnel ou encore de ses actionnaires. Il est devenu indispensable de mesurer les impacts sociaux, environnementaux et de gouvernance. Dans ce contexte, un sujet qui me tient particulièrement à cœur est celui de l’inclusion, de la diversité, de l’égalité. Je ne tolère aucune discrimination et nous devons permettre à chacun de combiner vie professionnelle et vie privée de la meilleure manière possible. Un des principaux facteurs auquel je fais particulièrement attention quand je travaille avec des gens, c’est la motivation. Si la motivation est là, tout est possible.

 

Quels sont les grands dossiers sur votre bureau ?

Le plus grand dossier concerne le renouvellement de notre flotte d’avions. L’ampleur d’un tel investissement est colossale. Ces avions doivent voler 25-30 ans et nous ne pouvons pas nous permettre de nous tromper. C’est un dossier stratégique de premier plan. Quel avion peut à l’avenir nous permettre d’assurer des vols, avec une fréquence relativement haute, vers les principales villes d’Europe, mais aussi emmener nos clients en vacances dans des destinations plus éloignées, comme Dubaï ou le Sénégal ? Au niveau du management, l’une de mes priorités personnelles est de développer davantage la culture d’entreprise. Je suis persuadé à 200% que si notre culture interne est bonne, que l’on arrive à sentir et à partager cette passion qui anime déjà beaucoup de nos collaborateurs, cela va s’étendre à notre clientèle. En 2022, Luxair propose 90 destinations, avec un haut niveau de service. Nous offrons au Luxembourg une connectivité vers les grands centres financiers européens. Notre contribution à l’économie du pays est très importante, et parfois sous-estimée.

 

A quoi ressemblera l’avion du futur ?

Luxair, comme beaucoup d’autres compagnies, a signé l’engagement de l’IATA afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Plusieurs tendances se dessinent, mais l’avion du futur sera évidemment plus écologique. Alimenté par du Sustainable Aviation Fioul (SAF), il sera sans doute hybride avant de devenir full électrique ou full hydrogène. Pour décoller, l’avion a besoin d’une énergie disproportionnée par rapport à celle qui est nécessaire lors de la phase de vol. On peut imaginer un apport de carburant conventionnel au décollage avant de basculer dans un mode de propulsion plus écologique lors des autres phases de vol. L’empreinte carbone de nos activités est analysée à la loupe, mais il faut tout de même relativiser. On ne peut pas imaginer un monde sans avion aujourd’hui.

Par contre, comme tout autre business, l’aviation doit se transformer. De ce fait, voler pour voler ne fait pas de sens. Si le prix des tickets est en-dessous des taxes aéroportuaires, ou si un kilo de viande coûte 2 euros, il y a forcément quelqu’un qui paie la note. Bien sûr, on a le droit de partir en vacances. Le contact humain reste aussi quelque chose d’essentiel que le virtuel ne peut totalement remplacer. Mais l’aviation doit trouver sa juste place. Je suis par exemple un grand fervent de l’intermodalité. Si des lignes ferroviaires comme le TGV Luxembourg-Paris existent, plus personne ne prend l’avion pour se rendre à Paris. Pour le passager, la combinaison de différents transports doit devenir plus naturelle. Je trouve injuste que l’aviation, dans cette crise, soit devenue le bouc émissaire. C’est finalement le seul moyen de transport où le flux de passagers peut être contrôlé. Nous avons dû intégrer des règles nullement transposées ni transposables sur les chemins terrestres. Je suis convaincu que l’avion a encore un bel avenir, mais chaque personne qui décide de voler doit s’assurer qu’elle fait le bon choix.

 

 

Autour d’un verre

Qu’est ce que vous prenez à boire ?

Un Mojito, sans sucre, une spécialité de l’Airfield, et de l’eau gazeuse pour accompagner le repas.

Avec qui aimeriez-vous partager un verre ?

Hormis avec ma femme et mes proches, je pense que les gens avec lesquels j’aime le plus partager un verre, c’est avec les motards. C’est une très belle communauté. Peu importe où l’on se trouve dans le monde, il est très facile d’entrer en contact avec d’autres bikers. Et c’est toujours très amusant.

Votre truc pour décompresser en fin de semaine ?

Encore la moto, sur circuit ou sur route. Cela me permet de me vider la tête. Sinon le sport et le sauna.

Une destination pour souffler ?

Je suis quelqu’un qui aime être partout. J’étais récemment au Cameroun et j’ai découvert un pays chaleureux, plein de richesses. Sur un plan humain, j’y ai rencontré des gens fabuleux.

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