TRANSFORMATION & ORGANISATION

Afterwork with a CEO avec André Von der Marck

Cet été, il cédera la fonction de Directeur Général de Luxtram à Helge Dorstewitz, actuel directeur Nouvelles Lignes de la société qui met en œuvre et opère le service de tramway Luxembourg. Depuis 2014, André Von der Marck a piloté l’un des plus importants chantiers qu’a connu le Luxembourg au cours de ces cinquante dernières années, le tramway transformant le visage de la capitale autant que les habitudes de ceux qui la fréquentent.

June 13, 2024

À l’échelle du Luxembourg, vous avez mené à bien l’un des projets les plus importants.

Il est vrai qu’un tel chantier revêt une dimension impressionnante. À mon niveau, cependant, je n’ai fait que mon travail. Le projet de tramway luxembourgeois est le troisième que j’accompagne, après celui de Strasbourg et de Nice. Voilà plus de 30 ans que je dirige des projets complexes. Ce qui est passionnant, dans ce que nous entreprenons, c’est que cela touche au quotidien de la population, à leurs habitudes, autant que cela contribue à reconfigurer la ville et à améliorer son image. L’enjeu dépasse la simple mise en œuvre d’un chantier urbain.

 

Considérant ces enjeux, comment bien aborder un tel projet ? Comment parvient-on à insérer un nouveau de mode de transport à travers la capitale ?

Il faut pouvoir développer une vision globale, afin de pouvoir ensuite se projeter. Lors de la création de la première ligne de Strasbourg, je travaillais en tant qu’architecte-urbaniste, en charge de l’insertion urbaine du tramway dans la ville. Dans cette fonction stratégique, on est confronté à beaucoup de questions, liées à l’aménagement de la ville, à l’embellissement des quartiers, mais aussi à la culture, avec l’intégration d’œuvres d’art le long du trajet ou l’intervention d’archéologues qui profitent du chantier pour mettre au jour des strates du passé. Cette expérience, en l’occurrence, m’a été très utile pour le reste de ma carrière, pour appréhender les préoccupations de départ liées à la mise en œuvre d’un tel projet, les enjeux liés au chantier et la manière avec laquelle le tramwaytransforme la ville. Ce qui m’a intéressé, à Luxembourg, c’était la possibilité de contribuer à nouveau à la création d’une première ligne.

 

En quoi cela est-il exaltant ?

Au travers de la mise en œuvre d’une première ligne, on définit de nombreux éléments qui marqueront durablement l’image de ville, à commencer par le matériel roulant. Les rames du tramway, par leur design, doivent inciter les utilisateurs, mais aussi contribuer à l’imagerie de la ville. Cela est aussi vrai pour le choix du mobilier urbain, les aménagements, les matériaux qu’on choisit, les revêtements… Grand amateur de jazz, j’aime faire le parallèle avec la musique. Il s’agit, lors de la conception de cette première ligne, de définir la gamme avec laquelle on est appelé à jouer pendant des années, au fur et à mesure de l’évolution du tramway, dans la mise en œuvre des divers tronçons.

 

La mise en œuvre d’un tel chantier, contrairement à un morceau de jazz, ne doit pas laisser beaucoup de place à l’improvisation ?

On ne parle pas d’improvisation au sens où l’on se laisse porter par l’inspiration du moment. Cependant, les possibilités de moduler l’approche sont nombreuses. Il faut s’inscrire dans une démarche très ouverte. Dans la manière d’appréhender chaque défi, on peut explorer diverses directions, en fonction de nos capacités, des ressources disponibles. Le mode de dévolution des travaux, par exemple, a beaucoup évolué. Nous avons développé, en interne, une approche de la maîtrise d’ouvrage plus aguerrie, qui nous permet de travailler autrement. Quand je suis arrivé chez Luxtram, nous étions 9 personnes. Au-delà du challenge du lancement de la première ligne, ce qui m’a attiré au Luxembourg, c’est aussi le défi de créer et de structurer cette entreprise.

 

Quel regard portez-vous sur son développement ?

Je le disais, au départ, nous étions 9. Aujourd’hui, nous sommes 180. En 2014, il n’y avait pas encore de rail posé. Aujourd’hui, le tramway transporte 100.000 utilisateurs quotidiennement. Il a fallu tout construire, s’inscrire dans une approche de croissance continue. Par exemple, pour exploiter le service, nous avons dû former des conducteurs. Au regard des besoins et des développements à venir, nous avons donc développé notre propre centre de formation. Nous sommes dans une dynamique d’évolution et de transformation continues. Pour réussir, la vision est importante. L’adhésion des actionnaires, que sont l’État et la Ville de Luxembourg, à cette vision et la confiance qu’ils placent envers les équipes sont aussi primordiaux.

Nous avons construit ce tramway avec eux. C’est aussi une histoire d’hommes et de femmes. Avec Lydie Polfer, la bourgmestre de la Ville, et François Bausch, alors ministre de la Mobilité et des Travaux Publics, nous nous sommes rapidement entendus. La réussite de ce projet doit aussi beaucoup à cette alchimie entre des personnes.

 

« aujourd’hui, on ne remet plus en question la pertinence du Tramway »

La mise en œuvre d’un tel chantier, impliquant une grande diversité d’acteurs, n’a rien d’évident. Comment s’assure-t-on de rester dans les clous ?

Le premier challenge, c’est de tenir les objectifs, en termes de qualité, de délais et de coûts. Cela demande un effort considérable au départ, pour bien cadrer le projet. 80 % de la réussite du projet se joue au niveau de ces étapes initiales. Au- delà, pour les 20 % restants, l’enjeu est d’évoluer dans le respect du cadre. Ce qui exige de travailler avec rigueur, de mettre en place une organisation capable de faire face aux aléas, d’assurer un suivi précis des objectifs au moyen d’outils spécifiques. Chaque mois, depuis le début de la mise en œuvre de la ligne, nous évaluons notre avancée au regard des trois points énoncés. Chaque mois, nous prenons le temps de les réévaluer.

 

À quelques mois de votre départ, quel regard portez-vous sur ce qui a été accompli ?

Je suis avant tout heureux du travail accompli par l’entreprise, par ses équipes, qui fonctionnent bien. Je suis très heureux de voir le tramway circuler régulièrement et de constater que les habitants en sont fiers, que les utilisateurs l’apprécient. Aujourd’hui, on ne remet plus en question la pertinence du tramway. L’offre en mobilité s’est restructurée et étoffée autour de la première ligne. L’introduction de la gratuité des transports publics, qui n’a de sens que si l’offre est suffisante, a profondément modifié notre rapport à la consommation des transports. C’était un honneur d’avoir pu contribuer à cette nouvelle dynamique de mobilité.

 

Vous quittez Luxtram alors que la première ligne n’est pas tout à fait terminée. Par ailleurs, d’importants projets sont en cours. Avez-vous pris soin de préparer la suite ?

Concernant la mission que l’on m’a confiée il y a une dizaine d’années, qui était de faire circuler le tramway à la Gare, nous sommes arrivés à la mener à bien, avec succès. Entre-temps, Luxtram a changé d’échelle. À mon arrivée, il s’agissait de créer une première ligne pour un budget total de 345 millions d’euros. Aujourd’hui, les montants engagés sont d’un tout autre ordre. Pour les prolongations envisagées, on parle d’engagements financiers avoisinant 1,5 milliard d’euros. Les projets sont déjà bien avancés, avec des lois de financement qui viennent d’être votées ou qui sont en passe de l’être. J’ai pu prendre une part active à l’établissement de ces projets, qui amèneront Luxtram dans une autre dimension. L’entreprise, avec mon successeur, qui travaille depuis plusieurs années désormais sur ces projets, est entre de bonnes mains. Les équipes en place, en outre, ont acquis l’expérience et l’expertise, leur permettant d’appréhendersereinement l’avenir.

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