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A la recherche de la bonne intelligence

Au-delà de la transformation digitale et du déploiement des nouvelles technologies, l'entreprise du futur doit se construire autour d’un socle collaboratif solide, et plus précisément sur l'intelligence collective, sans se cacher derrière la technologie.

July 17, 2020

 

« Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin ». Ce proverbe africain résume l’essence même de l’intelligence collective : faire davantage en partageant ses compétences et savoir-faire avec les autres. Très répandue dans le monde animal, notamment chez les fourmis, les poissons ou encore les loups, l’intelligence collective donne ce pouvoir au groupe d’aller plus loin, d’être plus créatif, plus innovant, de trouver des alternatives ou des solutions à des problèmes plus ou moins complexes en mettant les compétences, connaissances et aptitudes de chacun au service du groupe. 

Une démarche consciente à instaurer

Chaque entreprise utilise l’intelligence collective, parfois même sans en avoir conscience. En réunissant plusieurs personnes, ayant des compétences et des connaissances variées, elle veille à les faire interagir de la manière la plus optimale, avec un objectif commun : la croissance de l’entité. Dans notre société en constante mutation, où la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain, il est important que les entreprises développent leur intelligence collective de façon plus construite et réfléchie.  

Nous vivons dans un marché en mutation permanente où la vitesse de création et de renouvellement sont des facteurs stratégiques majeurs. Aujourd’hui, il faut à la fois être créatif, mais aussi réfléchir différemment. Il faut placer l’expérience du client au centre de son activité. Le processus n’est plus le seul facteur de performance. Le savoir être, la relation client, l’intelligence émotionnelle, l’empathie sont des éléments tout aussi importants. Pour être performante, une entreprise doit favoriser la collaboration entre des personnes qui ont des compétences différentes, qui viennent d’horizons variés, qui ont des prismes différents. 

L’enjeu, pour le dirigeant, est de réussir à sortir d’une autorité prescriptive et de passer à une autorité de compétences et d’influence, plus riche et plus ouverte. L’intelligence collective et la coopération, c’est un peu « créer ensemble », mais c’est aussi et surtout « faire face à l’inconnu ensemble » et cristalliser une énergie positive. 

Une aventure utopique ? 

Coopérer ? L’idée est attirante et, en théorie, tout le monde est pour. Dans les faits, il suffit d’écouter le Président des Etats-Unis pour replonger tout de suite dans la réalité : défiance, manœuvres et batailles sont les mots du quotidien aujourd’hui. Entre états, entre entreprises, entre territoires. Bien qu’une majorité de salariés expriment un réel besoin de collaborer, il existe encore deux principaux freins à l’essor de l’intelligence collective : le manque de confiance dans et entre les équipes ainsi que le manque d’authenticité dans la démarche.

Pourtant, la réussite d’un collaborateur dépend des actions que son collègue a menées avant lui et de celui qui les mènera après lui. Individuellement, nous ne sommes pas en toute puissance. Coopérer c’est reconnaître la compétence de l’autre, ses forces, son talent mais aussi ses faiblesses et difficultés. C’est accepter l’autre tel qu’il est, dépasser les préjugés et composer avec lui, lui faire confiance. C’est faire preuve de consensus et savoir naviguer le monde relationnel qui est souvent fait d’ambiguïtés et de non-dits. 

Dans une telle démarche, les relations hiérarchiques et inter-collaborateurs doivent être réinventées pour faire place au dialogue, à la confrontation d’idées, à l’écoute sans jugement de valeur ou critiques non constructives… Le but est bien de favoriser l’émergence d’idées dont la portée est insoupçonnée. En se sentant écoutés, pris en considération, les individus seront davantage impliqués non seulement dans les missions qui leur sont imparties, mais également dans la dynamique stratégique globale de l’entreprise.

« Au niveau d’un site productif, la performance repose moins sur la qualité et le coût des diverses ressources que sur l’intelligence de leur combinaison, autrement dit l’efficacité de l’organisation et du tissu relationnel », explique le sociologue français Pierre Veltz. Si sa thèse est juste, ses conséquences sont vertigineuses. À l’échelle d’un pays, d’une entreprise, entre entreprises, sur un territoire. 

Pluridisciplinarité et solidarité 

C’est Pierre Lévy, professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a été le premier a théorisé la notion d’intelligence collective dans un ouvrage paru en 1994 (L’intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace). Pour lui, l’intelligence collective désigne la capacité d’une communauté à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun. Elle résulte de la qualité des interactions entre ses membres (les agents). C’est une « intelligence partout distribuée, sans cesse valorisée, coordonnée en temps réel, qui aboutit à une mobilisation effective des compétences ». Les limites de l’intelligence collective sont souvent dues à des effets de groupe comme le conformisme, l’absence de diversité, l’absence de procédure ou l’autocensure.

L’intelligence collective suppose le partage de l’information, le respect de règles communes, la multiplication d’interactions et de connexions sociales afin de développer des pratiques collaboratives. Cela permet d’accroître la performance dont les gains seront équitablement répartis entre les différents membres engagés dans la co-construction. Dans cette optique, les entreprises doivent favoriser l’émergence de l’intelligence collective en développant notamment un management qui repose sur l’autonomie, le partage du pouvoir… Ici, la fonction ressources humaines mobilise les talents en facilitant le partage des informations, en les impliquant davantage dans le processus de décision, et surtout en encourageant la prise de parole et l’audace. Le déploiement d’outils permet de favoriser les échanges tout en cassant les silos.

Grâce à la technologie actuelle, de nombreux outils collaboratifs ont vu le jour. Ils permettent de travailler à distance, en réseau, de discuter, d’échanger en direct. L’entreprise ou l’organisation ne peut toutefois se cacher derrière ce dispositif technique, cette abondance de solutions, pour justifier une véritable démarche d’intelligence collective. Celle-ci peut s’appuyer sur les services digitaux pour simplifier les échanges, mais elle ne pourra jamais se faire sans un véritable partage et une réelle volonté de repenser la hiérarchie en donnant davantage la parole à toutes les parties prenantes. 

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