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Afterwork with a CEO avec M. Serres
A la tête de la Luxembourg Space Agency depuis 2018, Marc Serres se décrit comme « un dinosaure de l’industrie spatiale luxembourgeoise ». Avec son équipe, et en collaboration avec une série d’autres acteurs, il cherche notamment à accélérer l’installation au Luxembourg de nouvelles entreprises actives dans le domaine spatial.
March 7, 2023
Le spatial est un axe de développement important pour les pouvoirs publics luxembourgeois. Dans ce cadre, quel rôle joue la Luxembourg Space Agency ?
Notre rôle est de mettre en œuvre la politique spatiale du ministère de l’Économie. Contrairement à d’autres agences spatiales nationales, qui ont souvent un rôle scientifique ou militaire, notre objectif est avant tout économique. Notre travail vise à augmenter la contribution des acteurs du secteur à l’économie luxembourgeoise, en attirant de nouvelles entreprises ou en aidant celles qui sont déjà installées sur le territoire.
Concrètement, comment procédez-vous pour atteindre cet objectif ?
Nous agissons comme des entremetteurs, cherchant à mettre en contact les différents acteurs qui gagnent à travailler ensemble. L’aspect communication est également important, comme on le voit avec le projet « Space Resources » qui a fait connaître l’industrie spatiale luxembourgeoise dans le monde entier. Bien entendu, les entreprises doivent aussi parvenir à trouver des financements pour s’installer et croître au Luxembourg, et nous les accompagnons dans cette démarche. Enfin, nous nous impliquons dans une série d’autres activités : représentation du Luxembourg au sein d’organisations comme l’ESA, les Nations- Unies et l’Union européenne – quand il s’agit d’évoquer des questions liées à l’espace – sensibilisation au secteur, aide à la recherche, etc.
Comment a évolué ce secteur au cours des dernières années ?
Nous avons constaté un développement considérable de l’industrie spatiale luxembourgeoise, en l’espace de quelques années seulement. En 2012, on comptait à peine une quinzaine d’acteurs établis dans le pays. Ils sont plus de 70 aujourd’hui. Cette forte croissance a aussi un impact sur le nombre de personnes employées dans le secteur : nous sommes passés de 700-800 personnes il y a 5 ou 6 ans à plus de 1.400 aujourd’hui.
« … de nombreuses applications spatiales ont dès aujourd’hui une importance considérable dans notre vie. »
Pour un pays de taille modeste comme le Luxembourg, est-il indispensable de sélectionner des projets de niche quand on s’attaque à une industrie comme le spatial ?
Le Luxembourg a souvent agi ainsi, commençant par investir des marchés de niche avant de devenir dominant dans un secteur. C’est typiquement ce qui s’est passé dans le secteur financier et le réflexe est un peu le même dans notre domaine. On se rend bien compte, en assistant à différentes réunions internationales, que les moyens sont souvent bien plus importants dans d’autres pays. C’est donc une nécessité d’agir de façon extrêmement ciblée et efficace. Stratégiquement, il est essentiel de choisir les projets pour lesquels nos compétences particulières peuvent faire une vraie différence. Si les moyens sont limités, nous avons aussi des avantages, à commencer par le soutien politique sans faille dont a bénéficié l’industrie spatiale luxembourgeoise depuis les années 80.
Avez-vous des objectifs chiffrés pour les années à venir, par exemple en termes de création d’entreprises ?
C’est une question qui revient souvent, mais il est difficile d’utiliser cet indicateur. Le nombre de créations d’entreprises ne dépend en effet pas seulement de nous. Nous mettons par contre beaucoup d’efforts dans la recherche et l’accompagnement de start-up innovantes, notamment en ayant contribué à ajouter une branche « Space » à l’initiative Fit4Start. Chaque année, environ 200 nouvelles personnes ou entreprises entrent en contact avec nous pour en savoir plus sur l’écosystème du spatial au Luxembourg. Cela montre l’intérêt pour le sujet. Au cours des prochaines années, nous avons aussi pour objectif de mettre en avant le rôle crucial que peut jouer l’industrie spatiale par rapport à la protection de l’environnement, à la durabilité.
Quels sont les principaux défis auxquels votre agence est confrontée aujourd’hui ?
La défi des compétences est certainement le principal. Nous y travaillons de façon proactive, en collaboration avec les ministères de l’Éducation et de la Recherche. La création de deux masters avec une orientation « Space » par l’Université de Luxembourg est, à cet égard, une bonne nouvelle. Une série d’autres initiatives ont été lancées pour former ou attirer de nouveaux talents. Un gros travail doit par ailleurs être mené pour faire comprendre au grand public, et donc aussi aux investisseurs, que le spatial, ce ne sont pas seulement des projets dangereux qui s’étalent sur le très long terme. Au contraire, de nombreuses applications spatiales ont dès aujourd’hui une importance considérable dans notre vie. Dans cet ordre d’idées, il faut convaincre d’autres acteurs économiques – les agriculteurs par exemple – du rôle que peut jouer l’industrie spatiale pour soutenir leur activité. Enfin, les événements en Ukraine risquent de balayer des décennies de collaboration en matière spatiale et c’est un vrai danger pour le développement de nos projets. Revenir à la raison à ce niveau constitue donc un autre défi de taille.
Autour d’un verre
Qu’est-ce que vous prenez à boire ? J’aime beaucoup de choses, mais j’apprécie surtout de me laisser surprendre. Si un restaurant propose un apéritif maison, il y a donc de fortes chances que j’opte pour cette suggestion.
Avec qui aimeriez-vous partager un verre ? Je suis un grand fan de musique et particulièrement de rock. De nombreux artistes ont parlé de l’espace dans leurs chansons et, parmi ceux-ci, j’apprécierais de boire un verre avec David Bowie, Freddie Mercury ou Brian May. Ce dernier est d’ailleurs astrophysicien et cela pourrait être intéressant de l’inviter un jour au Luxembourg….
Votre truc pour décompresser en fin de semaine ? En tant qu’amateur de cuisine, je passe souvent beaucoup de temps dans cette pièce de la maison, pour préparer de bons petits plats. Les promenades au grand air avec mon chien constituent une autre option très efficace.
Une destination pour souffler ? Dans mon travail, je voyage énormément. C’est donc à la maison que j’aime souffler. Mais si je devais choisir, ce serait comme pour l’apéro : j’aime diversifier les destinations.