TECH NEWS

Le retour en force de l’hygiénisme

L’une des conséquences de la pandémie que nous traversons est le retour à une forme d’hygiénisme. Nos rapports sociaux, nos activités économiques, nos constructions urbanistiques ont été en partie redéfinis à l’aune de l’hygiène. Reste à savoir si ces nouvelles pratiques perdureront.

June 1, 2021

L’hygiénisme est, selon la définition académique, « le principe selon lequel les pratiques politiques, sociales, architecturales et urbanistiques doivent suivre les règles de préservation de l’hygiène et de la prévention en santé publique, selon les prescriptions médicales et éventuellement diététiques ». Au cours des derniers mois, il semble en effet que ce principe ait prévalu sur les autres : distanciation sociale, télétravail, aménagement des bureaux, des commerces et des espaces publics, fermeture des commerces dits non essentiels, annulation des événements de masse… L’organisation de notre vie de tous les jours a été profondément bouleversée par la nouvelle donne sanitaire. L’hygiène est devenue le maître-mot.

Propreté et distance

Ces différentes mesures, destinées à éviter la propagation du virus, demandent en effet de porter une attention accrue à son hygiène personnelle (nettoyage/désinfection plus régulière des mains et des surfaces), un aspect de notre vie qui, s’il allait de soi auparavant, ne revêtait pas pour autant le caractère d’un impératif ayant parfois pouvoir de vie ou de mort sur nos proches. 

L’autre élément fondamental qui sous-tend la plupart des mesures prises pour freiner la pandémie est la nécessité de mettre de la distance entre nous. Cela est également tout à fait caractéristique de la mentalité hygiéniste du XIXe siècle, lorsque les grandes villes ont été redessinées en supprimant les quartiers trop denses aux ruelles étroites pour leur préférer de grands ensembles urbains séparés par de larges avenues, bien aérées. Mettre de la distance, mettre un terme aux échanges physiques, c’est en effet casser la chaîne de transmission d’un virus – qu’il s’agisse du choléra au XIXe siècle ou du Covid-19 aujourd’hui – bien plus efficacement que le port d’un masque et l’usage de gel hydroalcoolique. 

Le plastique, c’est fantastique

Cette obsession de la propreté et de la distance se traduit de multiples façons dans notre quotidien pandémique. Parfois, elle s’exprime de manière surprenante, en contradiction totale avec l’air du temps. Ainsi, dans de nombreux secteurs d’activité – grande distribution, restauration collective, traiteurs, etc. – le plastique fait un retour aussi fracassant qu’inattendu. Alors que de nombreuses organisations s’étaient engagées dans un processus d’élimination du plastique à usage unique, on voit en effet qu’elles y reviennent afin de rassurer leurs clients ou leurs collaborateurs. 

Repas au restaurant d’entreprise, fruits et légumes, couverts, goodies… Autant de produits qui retrouvent leur(s) emballage(s) en plastique. Mais jusqu’à quand ? Au sein des entreprises concernées, et bien conscientes du paradoxe de la situation, on se garde bien de faire des pronostics. En effet, qui sait combien de temps nous serons encore confrontés à la menace de ce nouveau coronavirus ? Qui sait si le grand public retrouvera rapidement une attitude plus insouciante lorsqu’il ne représentera plus une menace ? Ou si, durablement marqué par la pandémie, il continuera à vivre dans la crainte de l’émergence d’un nouveau virus ?

Un monde propre et sans foule 

Cela conduit à s’interroger sur l’apparence que prendra de ce que certains ont nommé « le monde d’après ». À l’exception des incurables complotistes, chacun de nous en a sans doute beaucoup appris, au cours de cette période, sur la façon dont se transmettent les virus comme le SARS-CoV-2. Les gestes barrières ont prouvé leur efficacité, notamment pour freiner la propagation de ce coronavirus, mais aussi pour affaiblir considérablement les traditionnelles épidémies de grippe saisonnière ou de gastro-entérite qui, en principe, émaillent le début d’année. 

Demain, certains d’entre nous pourraient ainsi rechigner à circuler dans les transports publics sans leur masque et leur gel hydroalcoolique. D’autres pourraient continuer à exiger que leurs légumes soient emballés dans un plastique protecteur. D’aucuns pourraient aussi éviter les rassemblements de foule – concerts, festivals, etc. – sachant trop bien qu’ils sont des nids à virus. Cela pose des questions en ce qui concerne la pérennité des activités liées à ces différents secteurs. Elle dépendra de la façon dont se répartit la population entre ceux qui garderont durablement leurs réflexes hygiénistes et ceux qui, excédés par ces longues privations, adopteront l’attitude exactement inverse en profitant autant que possible de tous les événements qui se présenteront, en consommant sans arrière-pensée. 

Alors, retour de l’hygiénisme ou retour des années folles ?  Si vous êtes entrepreneur, c’est le moment de faire le bon pari… 

Watch video

In the same category