Marina Andrieu, directrice et co-fondatrice de l’association Women in Digital Luxembourg (WIDE)

A travers vos projets, quels constats pouvez-vous dresser en rapport avec la considération de la femme dans le monde de l’IT ?

Nous avons débuté un projet européen, baptisé GENDER4STEM avec le LIST et d’autres acteurs à travers l’Union. Il vise le développement d’une plateforme de sensibilisation et de formation pour les professionnels de l’éducation sur les biais de genre dans l’enseignement des sciences et techniques. Dans ce contexte, nous avons été amenés à interroger des élèves et des membres du corps enseignant au Luxembourg. Parmi les réponses qui nous ont été remontées, il y a des éléments qui interpellent. On découvre qu’en 2018, des garçons affirment être généralement meilleurs que les filles en sciences. Des professeurs, dans des cours de techno, n’interrogent pas les filles. Souvent, encore, un garçon qui est bon en sciences sera encouragé à poursuivre des études d’ingénieur alors qu’une fille présentant les mêmes résultats ne le sera pas. Cela révèle que les stéréotypes sont encore bien vivaces et qu’il faut pouvoir mieux lutter contre. Ces biais, souvent inconscients, peuvent sans nul doute expliquer le manque de confiance des jeunes filles et plus tard des femmes vis-à-vis des métiers des sciences et de l’informatique.

A travers vos ateliers, vous accompagnez des femmes avec la volonté de les aider à développer des compétences digitales. Quels sont les bénéfices de cette démarche ?

Depuis plusieurs années, nous organisons des ateliers autour des thèmes de la programmation dans le cadre du projet WoWCode2Confidence. Ces ateliers visent l’échange de bonnes pratiques autour de l’initiation au coding pour les femmes. Récemment, nous avons voulu évaluer l‘impact réel de notre accompagnement, ce que les femmes retiennent de nos actions. Car il faut être réaliste, ce n’est pas à travers un workshop de quelques heures qu’une personne peut devenir professionnelle et acquérir des compétences valorisables sur le marché de l’emploi. Pour être en mesure de postuler à l’un des jobs offerts dans le secteur de l’IT ou du digital dont on parle souvent au Luxembourg et pour lesquels il y a de réels besoins, les participantes doivent ensuite se former. Nous avons constaté avec satisfaction que nos ateliers activent chez elles quelque chose de l’ordre de la confiance, qui leur permet de poursuivre. Nous avons aujourd’hui quelques success stories de personnes qui sont passées par chez nous et qui ont depuis réalisé un beau parcours. La confiance est un  enjeu essentiel. Souvent, les femmes en manquent et hésitent à se  lancer, à prendre des risques et « y aller ». Ce manque s’explique par divers facteurs. Les stéréotypes véhiculés depuis la jeunesse en sont un, mais ce n’est sans doute pas le seul. Notre rôle, avec le coding, est de travailler sur une prise de conscience de sa propre valeur et de ses capacités, ce qui peut déboucher sur beaucoup d’autres initiatives, et notamment l’entrepreneuriat féminin.

Vous travaillez aussi avec des publics moins qualifiés. Quels sont les enjeux à ce niveau ?

Eskills4all est un nouveau projet européen auquel nous participons et qui propose aux personnes moins qualifiées des formations aux compétences digitales de base. Ce programme nous donne l’occasion de travailler  avec des femmes venues d’horizons différents  : certaines sont réfugiées nouvellement arrivées au Luxembourg, d’autres ont arrêté de travailler pendant plusieurs années. Récemment, nous avons rencontré une jeune fille qui, à 19 ans, n’avait jamais utilisé un ordinateur. Et pourtant, par rapport au reste de l’Union européenne, si l’on en croit les études menées par la Commission, le Luxembourg est plutôt bien positionné dans le domaine de la maîtrise des compétences digitales de base. 90% des adultes à l’échelle nationale disposent de ces compétences, alors que la moyenne européenne se situe à 50%. Toutefois, quand on interroge les entreprises, elles nous font part de leur difficulté à recruter des personnes avec une bonne maîtrise de l’outil informatique et des langues du pays, pour des postes administratifs par exemple. Pour les femmes, et particulièrement celles qui sont moins qualifiées, il y a un enjeu de mise ou de remise à niveau à l’égard des applications professionnelles courantes. Souvent, les compétences de base ont été acquises sur le tas. L’utilisation des outils ne se fait dès lors pas de manière efficiente. Beaucoup de femmes- après parfois dix ans d’arrêt- doivent pouvoir réapprendre, mettre à niveau leurs connaissances vis-à-vis de ces outils, pour plus facilement retrouver du travail.

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Retrouvez WIDE, au Luxembourg, autour de divers événements proposés dans le cadre de la journée internationale de la femme :

Ce 8 mars matin, l’ASBL animera une activité dédiée à la jeunesse, un “quiz égalité femmes hommes” avec le MEGA à l’école Fieldgen.

Au soir, elle sera partenaire de la soirée organisée par PWC et l’AMCHAM – http://wide.lu/event/life-and-career-advice-from-successful-leaders/

Ce 9 mars au soir, elle participera à l’événement organisé par le bureau d’information du parlement européen « La place de la femme dans la digitalisation » avec Viviane Reding.

http://wide.lu/event/conference-debat-encourager-les-femmes-a-sapproprier-le-monde-digital/

Enfin, le 12 mars au soir, chez Nyuko, est proposé le dernier workshop de la série fintech proposée par WIDE sur le thème des smartcontracts. http://wide.lu/event/wide-tech-talks-smartcontracts/