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FundsDLT : « l’acquisition de titres aussi simple que l’achat d’un livre en ligne »
Début juillet, au départ de l’initiative luxembourgeoise FundsDLT, Natixis a pu tester la première transaction réalisée via la blockchain dans le domaine des fonds d’investissement.
July 25, 2017
Début juillet, au départ de l’initiative luxembourgeoise FundsDLT, Natixis a pu tester la première transaction réalisée via la blockchain dans le domaine des fonds d’investissement. Said Fihri, associé au sein du cabinet KPMG Luxembourg, partenaire avec InTech et Fundsquare/Bourse de Luxembourg, revient sur cette première mondiale.
Par Sébastien Lambotte
Pouvez-vous nous expliquer comment Luxembourg est parvenu à réaliser cette première mondiale ? Quelles sont les clés de réussite d’un tel succès ?
L’élément principal qui a conduit à cette première réside dans l’approche que nous avons adoptée, entre partenaires. KPMG, InTech et la Bourse de Luxembourg/Fundsquare ont agi en mode commando, pour concrétiser cette solution de distribution de produits de fonds d’investissement au moyen de la blockchain. Nous nous sommes réunis, avec la volonté de faire quelque chose au-delà du discours théorique qui domine généralement quand on parle de blockchain. Nous avons donc mis sur pied un partenariat agile, avec un nombre d’acteurs limité et la volonté d’agir vite et bien. Si nous avions cherché à réunir un large consortium de représentants du monde des fonds pour mener ce projet, nous ne serions sans doute pas arrivés à un tel résultat aussi rapidement.
Pouvez-vous nous rappeler les étapes du développement de FundsDLT, de la genèse du projet jusqu’à cette première transaction ?
Nous nous sommes mis autour de la table à la fin de l’été dernier. En décembre, nous avons pu proposer un prototype fonctionnel, avec la volonté de susciter la curiosité mais aussi de créer la confiance. Un appel a été lancé aux acteurs de l’industrie des fonds pour nous aider à faire évoluer la technologie mise en œuvre. Parmi les acteurs qui nous ont contactés, Natixis, en tant que gestionnaire de fonds, et Caceis, en charge du custody, ont accepté d’être les premiers « témoins-testeurs ». Natixis, très porté sur les nouvelles technologies, jugeant notre approche comme étant la plus pragmatique et la plus réaliste, a directement pu se rendre compte des avantages offerts par la blockchain à travers notre plateforme.
Pouvez-vous nous expliquer ce que change la blockchain dans le domaine de la distribution des fonds ?
Aujourd’hui, pour vendre ou acheter des parts dans un fonds d’investissement, il faut passer par toute une série d’acteurs et d’intervenants, qui doivent notamment mener une série de vérifications. Parmi ces vérifications, on peut par exemple citer le clearing, qui vise à vérifier qu’il y a réconciliation entre le cash reçu du client d’une part et les titres qui lui ont été attribués d’autre part. Avec FundsDLT, l’idée est de rassembler l’ensemble des acteurs – de l’asset manager au client, en passant par le custodian, l’agent de transfert, etc. – dans la blockchain, afin de pouvoir automatiser toute une série d’opérations au moyen de smart contracts. L’ensemble de la chaîne de valeur, telle que prévue par la réglementation, a pu être répliquée dans la blockchain. A travers elle, les opérations peuvent être automatisées ou, tout du moins, mieux coordonnées. Le clearing et le settlement, par exemple, peuvent se faire de manière automatique. La solution offre plus de transparence. Il est dès lors possible de rationaliser considérablement les opérations liées à chaque transaction.
Quels bénéfices pourront en retirer le gestionnaire de fonds et le client final ?
Chacun profite d’une rationalisation des coûts importante sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Grâce à la blockchain, on estime que le coût global d’une transaction peut être divisé par 10. D’autre part, le temps d’exécution nécessaire à chaque transaction est considérablement réduit. Quand aujourd’hui il faut entre 3 et 10 jours par valider une transaction, grâce à la blockchain, l’opération globale ne devrait pas prendre plus d’une journée. Au final, le coût d’acquisition des clients s’en retrouve considérablement réduit. La blockchain devrait donc permettre à des gestionnaires de fonds de s’adresser directement à une masse plus importante de clients, à des personnes qui jusqu’aujourd’hui ne pouvait pas accéder à leurs produits pour des raisons des coûts de distribution. La volonté, pour l’avenir, est de faire en sorte que l’achat de fonds en ligne soit aussi simple que l’acquisition d’un livre via un site e-commerce.
En quoi était-ce important que cette première mondiale s’appuie sur une technologie luxembourgeoise ?
La volonté, au départ, a été d’apporter la preuve que l’on peut réaliser des transactions au départ de la blockchain, que cela fonctionne bien, vite, de manière sécurisée. Considérant les évolutions technologiques actuelles, de nombreux acteurs de l’industrie des fonds vont être contraints de repenser leur business. Or, beaucoup d’entre eux se trouvent au Luxembourg, deuxième centre d’administration et de distribution des fonds au monde ; le premier si on considère la distribution des fonds transfrontalière. Il était naturel que les bases de cette transformation puissent être posées ici. Que cette disruption soit menée depuis le Luxembourg, en s’appuyant sur une infrastructure de place, neutre, comme la Bourse de Luxembourg, avec la participation des acteurs directement concernés, est susceptible de générer de nombreuses retombées sur la place. Il vaut mieux être partie prenante au changement que de devoir subir, à moyen terme, cette disruption technologique.
Quelles sont les étapes suivantes de développement de FundsDLT ?
Désormais, il faut pouvoir confirmer dans le temps l’efficience de cette technologie, poursuivre son amélioration. La plateforme suscite beaucoup d’intérêts de par le monde. Cet attrait a encore été renforcé suite à l’annonce de la première transaction dans un environnement de test. L’enjeu, désormais, est de faire monter progressivement l’ensemble des acteurs sur la plateforme. Notre ambition, c’est l’Europe, même si on reçoit des sollicitations venues d’Asie et d’Amérique.