DIGITAL SOLUTIONS
Accélérer l’adoption du modèle blockchain
Infrachain s’est donné pour objectif d’accélérer l’adoption de services opérationnels décentralisés.
March 28, 2017
Un consortium d’acteurs luxembourgeois, rassemblés par Digital Lëtzebuerg, travaille actuellement à la constitution d’une infrastructure pouvant mieux supporter l’adoption de la technologie blockchain. Elle entend notamment répondre à un besoin de confiance accru de la part des acteurs B2B. D’envergure européenne, Infrachain s’est donné pour objectif d’accélérer l’adoption de services opérationnels décentralisés. Marco Houwen, Project Lead d’Infrachain Initiative, évoque les ambitions du Luxembourg en la matière. – Par Sébastien Lambotte paru dans l’ITnation Mag de Mars 2017
Marco, pouvez-vous nous expliquer les éléments qui ont présidé au lancement de l’initiative Infrachain ?
Tout est parti d’une discussion menée au sein du groupe dédié aux enjeux d’infrastructures de l’initiative Digital Lëtzebuerg. Nous avons entamé une réflexion sur les possibilités de mettre en place des solutions opérationnelles s’appuyant sur la technologie Blockchain. Au fil des discussions, nous nous sommes rendus compte qu’une certaine méfiance existait dans le chef des acteurs économiques à l’égard de la blockchain publique, comme les solutions proposées par Ethereum (réseau distribué mondial). La problématique réside principalement dans un manque de confiance des acteurs dans les nœuds qui composent la blokchain et qui doivent permettre un contrôle décentralisé des opérations. Un autre aspect est que les « public chains » ne sont pas adaptées aux enjeux de la protection de données et surtout lié à la nouvelle régulation européenne GDPR.
Sur base de ce constat, comment Infra- chain a-t-elle été pensée ?
En matière de Blockchain, nous nous sommes demandé s’il était possible de générer du « trust by design ». Difficile, si l’on considère que la blockchain a pour vocation de s’appuyer sur une multitude de nœuds indépendants les uns des autres. Or, c’est le fait que l’on ait peu d’information sur la nature des nœuds qui conduit à une méfiance des acteurs B2B envers ce nouveau modèle. On peut cependant comparer la méfiance actuelle vis-à-vis de la blockchain à celle qui prévalait à l’égard du cloud public il y a quelques années. En 2010, qui pouvait affirmer se diriger très concrètement vers le cloud public pour gérer l’opérationnel ? Pas grand monde.
N’est-ce pourtant pas le nombre de nœuds qui est censé garantir la confiance ?
Si, de manière théorique. Cependant, peu d’acteurs sont aujourd’hui enclins à appuyer leur environnement opérationnel sur la blockchain. Parce qu’ils n’ont pas confiance dans les nœuds, qu’ils ne disposent pas de garantie de continuité de services en cas de problème. Les acteurs cherchent aussi à pouvoir disposer d’un réel niveau d’interopérabilité entre les chaînes. A cela s’ajoute encore une incertitude régulatoire.
Comment répondre à ces freins ?
La public chain n’est pas acceptable, dans le cadre d’un environnement opérationnel, à l’heure actuelle pour toutes ces raisons. Nous avons donc voulu mettre en place une solution qui soit la plus proche des vertus de la blockchain et qui puisse offrir des garanties vis-à-vis des inquiétudes
des acteurs. Nous voulons engager les acteurs dans une démarche d’adoption de la technologie blockchain, accélérer la transition vers la désintermédiation des services dans tous les secteurs de l’économie : Fintech, Healthcare, Public Services, Supply Chain…
Et concrètement, quelle forme va prendre cette solution ?
Nous sommes occupés à créer une infrastructure unique à partir de laquelle les acteurs pourront déployer des services opérationnels en toute confiance, en profitant des opportunités offertes par la désintermédiation. Cette infrastructure disposera de plusieurs atouts. Le premier réside dans le fait que les nœuds qui la composeront seront certifiés. La certification tiendra compte des aspects technologiques mis en œuvre et rassemblera les acteurs autour d’une gouvernance commune. Par là, nous souhaitons garantir la confiance de celles et ceux qui voudraient déployer des services opérationnels sur base
d’une telle infrastructure. On parle de la constitution d’une communauté de 10- 15-100 nœuds dans les années à venir. On en espère au moins une quinzaine d’ici la fin de l’année. D’autre part, nous créons la possibilités pour les opérateurs de nœuds certifiés de se conformer à un SLA rémunéré envers Infrachain, Infrachain à son tour mettra en place un SLA envers les créateurs d’application Blockchain.
Opérer des nœuds sous une même enseigne, cela n’est-il pas contraire à la logique de décentralisation portée par la blockchain ?
Les nœuds certifiés seront indépendants et peuvent être de natures très différentes. Simplement, ils devront montrer patte blanche pour intégrer l’infrastructure. Le fait de pouvoir les identifier permet de mitiger le risque au sein d’une logique de décentralisation. Aujourd’hui, par exemple, le Bitcoin soulève des questions, parce que l’on suppose que la majorité des nœuds sur lesquels s’appuie la cryptocurrency sont en Chine. Le premier objectif est bien d’assurer la continuité des services, avec toutes les garanties que cela implique, en cas de problème. L’enjeu, vous l’aurez compris, est de s’inscrire dans une logique blockchain, afin de profiter des vertus du modèle, en apportant les éléments de la confiance.
Que pourront développer les acteurs au départ de cette infrastructure ?
Infrachain n’a pas pour vocation à proposer directement des services ou des applications. L’idée est que les acteurs souhaitant mettre en place une application Blockchain dispose des garanties de continuité opérationnelles. On peut s’imaginer un consortium bancaire, voulant mettre en place une solution de Settlement entre eux. Ils peuvent facilement déployer leurs applications sur Infrachain et son réseau de nœuds indépendants et certifiés, sans se soucier des éventuelles problématiques de confidentialité de données entre-eux. C’est le principe même de la décentralisation du service à travers la blockchain, en opposition au tiers de confiance unique chargé d’opérer le service. Les applications peuvent être très nombreuses. On peut penser, au-delà du secteur bancaire, aux acteurs de la santé, aux parties prenantes en charge de la gestion et de l’administration des fonds… Une telle solution répond aux besoins d’acteurs désireux de développer des projets ensemble, en préservant l’indépendance de chacun et en fournissant des garanties suffisantes pour assurer la confiance des uns vis à vis des autres. Au départ de notre infrastructure, il sera simple de déployer une blockchain par application.
Comment avance le développement de cette infrastructure et quelles sont ses ambitions ?
Début d’année, nous avons défini une première roadmap présidant à la réalisation du projet et nous travaillons sur la gouvernance des futurs nœuds qui composeront cette infrastructure. Nous avons lancé des environnements de test, sur base de différents use cases. Nous espérons, en 3 ou 4 mois, pouvoir lancer un environnement beta, au départ des premiers nœuds certifiés. Il y a une opportunité à saisir maintenant. Nous devons aller vite.
Mais, déjà aujourd’hui, Infrachain est visible à travers les discussions qui ont trait au déploiement autour de la technologie blockchain à travers le monde. De grands acteurs internationaux ont entendu parler de cette initiative et nous ont fait part d’un réel intérêt. Notre ambition est de créer une infrastructure d’envergure européenne, qui soit notamment compliant ready pour l’entrée en application du nouveau Règlement général en matière de protection des données personnelles.