Les systèmes IT du Luxembourg peuvent-ils se passer du secret bancaire ?

Quid de l’impact sur les systèmes IT des banques dans […]

April 24, 2013

Quid de l’impact sur les systèmes IT des banques dans un marché rendu transparent après l’introduction de l’échange automatique de données entre administrations fiscales ? Dix-huit mois pour dessiner un nouveau paysage de banques à Luxembourg, mais aussi définir des processus IT nouveaux…

Lors du discours sur l’Etat de la Nation, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a confirmé la nouvelle dévoilée quelques jours plutôt par le Ministre des finances Luc Frieden: à partir du 1er janvier 2015, le pays échangera automatiquement des informations sur les revenus d’intérêts réalisés sur les comptes bancaires luxembourgeois, par des non résidents avec leurs autorités fiscales nationales. S’il le Premier se veut rassurant pour la place financière luxembourgeoise, les professionnels de la Place sont plus mitigés d’autant, qu’ils n’auront à peine guère plus d’un an et demi pour investir dans un système s’acclimatant à la directive européenne « 2011/16/UE du Conseil » (lien directive complète).

Un investissement lourd pour moins de clients

Cette directive européenne, qui pourrait ouvrir la voie à un modèle du type FATCA américain, et cette décision luxembourgeoise, vont obliger les banques à procéder à des changements profonds qui vont passer par des investissements importants, que les plus petites d’entre-elles vont avoir du mal à supporter. En effet, l’échange automatique d’informations va rendre inutile le prélèvement à la source et des modules logiciels développés pour cette fonctionnalité. Des briques fonctionnelles qui pourraient être adaptées en fonction des nouveaux processus et utilisant de nouveaux protocoles, chose assez longue et onéreuse. D’ailleurs, aucun modèle de données ou rapports n’est actuellement encore envisagé.

Si certaines banques semblent assez surprises par la rapidité de la communication de cette décision, pour Jean-Jacques Rommes, directeur de l’Association des Banques et Banquiers du Luxembourg, la place n’a pas attendu les décisions politiques pour commencer une restructuration du paysage de la clientèle privée.

Jean-Jacques Rommes revient sur le coût de transformation qu’engendrera la directive : “Bien que je ne peux pas chiffrer le coût d’une telle transformation, il est toujours malheureux d’investir, dans l’IT comme ailleurs, quand on sait déjà que cet investissement n’améliorera pas la productivité ou ne permettra pas de dégager un avantage commercial. De plus comme beaucoup de banques sont de petites structures, cela va aussi être plus douloureux à mettre en place dans certaines institutions plutôt que dans d’autres. Sans doute, cette démarche s’accompagnera d’une perte d’activités sur la Place puisque nous allons évidemment aussi perdre des clients. Mais je pense tout de même que nous pourrons maintenir les volumes sous gestion ce qui signifie que demain nous ferons le travail avec moins de banques et moins de personnes qu’actuellement.Nous allons donc vers un changement qui, pour certains, va être douloureux et profond. Pourtant, je suis convaincu qu’à la fin, nous aurons toujours à Luxembourg un centre d’excellence de la gestion de patrimoine privé et je n’ai donc aucun doute quant à l’avenir de cette activité même si elle ne s’organisera pas dans la même constellation qu’aujourd’hui.”

Vers une finance haut de gamme

Pour l’OCDE, l’échange automatique est une tendance mondiale qu’elle préconise depuis juin 2012 et le forum mondial pour la transparence. Quant à la place luxembourgeoise, elle se dirige déjà depuis quelques temps vers une finance haut de gamme, c’est-à-dire la gestion de portefeuilles complexes et internationaux.

Le pays a acquis un haut niveau d’expertise en matière financière et compte affirmer sa présence vers une clientèle « HNWI » (High Net Worth Individual), c’est-à-dire des individus ayant des patrimoines nets importants, voir même des « Ultra-HNWI ». Les capitaines d’industrie, les grandes fortunes,… jonglant sur plusieurs marchés européens et ailleurs et donc plusieurs législations et fiscalités, sont face à une complexité financière qui requiert une expertise pointue. C’est en ce sens qu’une banque privée d’exclusivité à Luxembourg a un avenir.

Une stratégie claire entre l’état et la place financière

Pour autant, si l’Etat a fixé l’échéance au 1er janvier 2015, Jean-Jacques Rommes fait remarquer que l’Etat aussi devra s’adapter : « Il faut profiter de 2013 pour voir quels sont les “devoirs” de chacun, tant pour nous les banques et banquiers que pour l’Administration des contributions. Cette dernière devra répondre présent dans le processus de transformation du système puisque c’est elle qui recueillera les informations. Une fois que chaque partie (administration, banques) se sera concertée et coordonnée pour la fin de l’année, 2014 servira à la mise en place des protocoles et processus. »

« Ce qui sera important aussi, c’est d’avoir un regard sur l’avenir et de ne pas mettre uniquement l’accent sur cette seule directive. Il ne faut pas voir ce dossier d’une façon restrictive, mais au contraire le voir de façon évolutive. En effet, on entend parler d’un FATCA européen, personne ne sait encore de quoi il sera fait ou de ce qu’il contiendra; mais ce sera inévitablement avec plus d’échange d’informations! Cette directive est donc une étape d’une stratégie à long terme. »

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