Dans un contexte de transformation digitale, les acteurs bancaires doivent améliorer la relation client en faisant un meilleur usage des canaux digitaux. De nouveaux projets de développement impliquent cependant d’opérer une transformation périlleuse de l’ensemble de l’environnement système. Face à des choix complexes, comme le révèle une récente étude de KPMG, le cœur des acteurs bancaires luxembourgeois balance. – Paru dans l’ITnation Mag de Novembre 2016
Tous les deux ans, depuis 1991, KPMG mène une étude sur la situation des banques luxembourgeoises en matière d’utilisation de software bancaire. A travers elle, le cabinet de conseil évalue les besoins en ressources IT de la place, l’évolution des budgets attachés à la transformation des systèmes bancaires, les intentions des acteurs pour les années à venir et leur positionnement à l’égard de plusieurs tendances actuelles. « Cette dix-neuvième édition s’est notamment attachée à évaluer le poids du legacy au niveau de la gestion des systèmes bancaires, mais aussi les défis inhérents à la transformation et/ou disruption digitale », précise Manuel Gerard, Senior Manager au sein du département Advisory de KPMG, en charge de l’étude.
Tournés vers le futur
Car, et c’est une des principales conclusions de l’étude, les équipes IT semblent plus que jamais tournées vers le futur. Les enjeux de restructuration et d’externalisation, qui ont fortement préoccupé les acteurs ces dernières années, n’ont plus le même poids dans les priorités des acteurs. Si l’on considère la dimension ressources humaines, le marché, après un mouvement de consolidation, envisage de nouveaux investissements et développements. C’est en tout cas ce que déclarent 43% des répondants à l’étude. « Toutefois, les acteurs, avec la volonté d’investir et de transformer leur système, doivent pour beaucoup faire avec un legacy de plus en plus difficile à gérer… », poursuit Manuel Gerard.
A la question « Quels sont les principaux challenges inhérents à un projet d’implémentation d’un nouveau progiciel bancaire ? », 29% des participants à l’étude répondent : « Gérer un tel projet de transformation » et 20% ont des appréhensions à l’idée de « restructurer l’architecture du paysage applicatif bancaire ».
« De nombreux acteurs ont construit une architecture complexe autour d’un core banking system vieillissant, devenu difficile et onéreux à maintenir. De moins en moins à l’aise avec cet environnement, ils font part de leur appréhension à envisager une transformation importante et nécessaire. On constate un poids énorme du legacy, réel frein au changement. »
Si les opportunités de transformer le legacy semblent évidentes – rationalisation, gains en flexibilité, réduction des coûts de maintenance –, les raisons de ne pas s’aventurer dans cette voie sont elles aussi nombreuses. « La complexité des systèmes est telle que le simple fait d’y toucher représente un risque considérable. Les coûts d’une telle transformation, en outre, sont tout aussi considérables. Beaucoup considèrent que les performances de leur système actuel restent satisfaisantes par rapport au risque que représente un projet de migration », assure Manuel Gerard.
Repousser l’échéance éternellement ?
Il apparaît cependant de plus en plus évident que les acteurs ne pourront pas repousser l’échéance éternellement. Une autre révélation de cette étude a trait aux compétences nécessaires pour maintenir ces environnements vieillissants.
« Pour 39% des personnes interrogées, trouver des développeurs mainframe, capables d’intervenir sur des technologies anciennes, devient un réel problème. De cette pénurie de talents découle un risque opérationnel non négligeable », ajoute Vincent Koller, Partner dans le département advisory de KPMG Luxembourg. Migrer vers un nouvel environnement, dès lors, devrait progressivement apparaître comme une nécessité pour beaucoup d’acteurs. Les plus petits d’entre eux, cependant, auront sans doute plus de difficultés à supporter un tel projet.
« Soit ces acteurs devront opter pour des solutions packagées, soit ils devront trouver des moyens de maintenir l’environnement actuel par la force des choses. » En tout état de cause, pour l’ensemble des acteurs, un processus de migration constitue une opportunité de simplifier et de rationaliser l’environnement. Le BPO, dans ce contexte, pourrait se présenter comme une solution intéressante, pour peu que les providers voient le jour et qu’ils soient capables d’intégrer ces acteurs.
Investir principalement sur le front
L’étude s’est aussi attachée à analyser quelques tendances émergentes.
Il en résulte notamment que les investissements envisagés, pour près de 40% des participants à l’étude, vont principalement se concentrer sur les éléments du front office, la gestion de l’information et de la relation client.
« Le cœur du système bancaire, s’il pouvait être considéré comme un élément différenciateur il y a quelques années, ne l’est plus aujourd’hui. C’est au niveau de la personnalisation de la relation client que les acteurs se démarquent désormais les uns des autres. Chacun développe sa capacité à fournir à ses clients une information personnalisée. Demain, quel que soit le moment, où qu’il soit, le client devrait pouvoir entrer plus facilement en contact avec son conseiller bancaire, introduire une requête, disposer de l’information dont il a besoin », précise Manuel Gerard.
Les développements à venir vont se concentrer sur les interfaces, mais aussi sur l’automatisation des processus permettant aux conseillers bancaires de se concentrer sur l’amélioration de la relation client et des tâches à haute valeur ajoutée. « Cette tendance se traduit aujourd’hui dans les nouvelles offres des éditeurs de softwares bancaires, qui développent des suites front, directement intégrables avec leur core banking system, assure Vincent Koller. Tout l’enjeu, à l’avenir, résidera dans la possibilité offerte aux acteurs bancaires de facilement intégrer de nouvelles fonctionnalités au sein de leur environnement. » Plus d’un quart des répondants à l’étude déclare n’avoir désormais pas d’autres choix que de s’engager, à moyen terme, dans cette voie. « L’environnement système de la banque de demain devra permettre de disposer d’une vue 360° de chaque client, afin de mieux le servir, anticiper ses besoins. L’information doit donc circuler de manière transversale entre les différentes entités de la banque. »
S’engager sans attendre
Pour de nombreux acteurs, améliorer le service à la clientèle par une meilleure exploitation de la donnée et des canaux digitaux impliquera de transformer en profondeur son environnement système. Un défi difficile à appréhender, comme nous l’évoquions en début d’article. « La révolution digitale de la banque au service du client doit passer par une transformation profonde de l’IT, assure Manuel Gerard. Dans le contexte actuel, il y a un réel risque à ne pas s’y engager. Le problème réside dans le fait que beaucoup de CIO, compte tenu des enjeux, en l’absence de positionnement clair de la part de la direction, naviguent à vue. Mais ils ne pourront pas le faire éternellement. »
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