Paiement électronique : le Luxembourg en tête de pont d’une future révolution

De nombreux acteurs du paiement électronique ont choisi le Luxembourg pour y développer leurs activités. Le défi est désormais de faire du pays un acteur-clé de cette révolution numérique inéluctable des moyens de paiement en s’appuyant sur les compétences Fintech présentes sur le marché. Jean-Louis Schiltz, avocat et ancien ministre des Communications et des Médias, et Yves Reding, CEO d’EBRC, donnent leur vision d’avenir d’un secteur en pleine mutation.

December 16, 2014

De nombreux acteurs du paiement électronique ont choisi le Luxembourg pour y développer leurs activités. Le défi est désormais de faire du pays un acteur-clé de cette révolution numérique inéluctable des moyens de paiement en s’appuyant sur les compétences Fintech présentes sur le marché. Jean-Louis Schiltz, avocat et ancien ministre des Communications et des Médias, et Yves Reding, CEO d’EBRC, donnent leur vision d’avenir d’un secteur en pleine mutation.

Le monde se digitalise de manière exponentielle et irréversible. Il en est de même du monde des paiements qui fait face à de nouveaux bouleversements. « Nous allons vivre d’ici 2020 une nouvelle révolution dans ce domaine, avec de vraies guerres commerciales entre géants. Il s’agit d’une véritable ruée vers l’or. Sur les centaines d’acteurs actuellement actifs en e-payment, seuls les meilleurs décrocheront le gros lot », lance Yves Reding, le CEO d’EBRC.

Dans cet environnement en mutation, le Luxembourg est parvenu à tirer son épingle du jeu. De nouveaux acteurs y ont installé leur camp de base afin de développer leurs activités. Propriété du groupe eBay, qui venait de racheter Skype, PayPal a été le premier à déployer son activité e-payment au Grand-Duché, sous la forme d’une banque. D’autres ont suivi, développant leur propre modèle. On pense notamment à FLASHiZ, Digicash, Paycash, Yapital, Rakuten et bien d’autres. « La prochaine génération verra arriver les acteurs de monnaie virtuelle », entame Jean-Louis Schiltz.

Face au déploiement de ces nombreux acteurs, il est aujourd’hui difficile de prédire quels modèles vont s’imposer à long terme. « Je m’attends à des consolidations, à des rapprochements, explique Jean-Louis Schiltz. Pour moi, outre les systèmes de paiement proprement dits, l’aspect plateforme, qui permet de transférer des actifs digitaux d’un endroit A à un endroit B à moindre coût, sera primordial. L’autre grande inconnue est de savoir si ce sont les banques qui vont pouvoir offrir ces solutions, en collaboration avec de nouveaux acteurs, ou si d’autres opérateurs vont prendre la main. »

Institutions financières, géants de l’internet, acteurs du mobile, distributeurs, fournisseurs de cartes de crédit/débit, sociétés de crypto-monnaie,… Tous travaillent aujourd’hui à des solutions e-payment. « Et pour l’ensemble de ces acteurs, une infinité de scénarios stratégiques sont possibles, en termes de positionnement, d’alliances, d’interaction, d’innovation,… Cette course va durer plusieurs années avec, au final, des consolidations et des structurations qui vont donner naissance à de nouveaux modèles », ajoute Yves Reding.

Pour le CEO d’EBRC, l’un des grands drivers du marché sera le consommateur final. « Les besoins de celui-ci varient considérablement en fonction des cultures et des comportements individuels (passion pour la technologie, aversion au risque, budget,…). Les différents segments de consommateurs partagent néanmoins certains besoins de base : le process de paiement doit être simple, sécurisé et fiable, c’est-à-dire fonctionner en permanence et être accepté partout. En sus, le client s’attendra à disposer de nouvelles fonctionnalités personnalisées. La force du paiement mobile est qu’il peut au moins partiellement répondre à tous ces critères et que le mobile dispose d’un taux de pénétration inégalé, surtout en Asie. »

Pour avoir une chance de gagner l’un des gros lots, il faut dès aujourd’hui entrer dans le marché avec un business model compétitif, différentiateur et innovant, et cela de manière durable. « Pour moi, les pays en voie de développement vont participer activement à la définition des nouveaux modèles, reprend Jean-Louis Schiltz. Une application porteuse réside dans les transferts de fonds du nord vers le sud. Les acteurs actuels prennent des pourcentages très élevés sur les transactions. Ils ont notamment besoin de s’assurer contre les risques de change entre l’Afrique et l’Europe, mais s’ils pouvaient faire ça en instantané, le coût en serait fortement réduit. »

Malgré l’optimisme ambiant, Jean-Louis Schiltz s’attend à une évolution relativement lente du secteur du paiement électronique. En attendant, Le Luxembourg se prépare activement en coulisses. Dernier exemple en date, le 14 février 2014, la CSSF a pris une position officielle, qui consiste à dire que la monnaie virtuelle est une monnaie. « Qui dit monnaie scripturale, dit activité financière et qui dit activité financière dit réglementation et régulation, reprend Jean-Louis Schiltz. La CSSF a été l’un des premiers régulateurs au monde a prendre clairement position. Or, il y avait à cette époque-là une très forte tendance à l’international de ne pas réguler. Le Luxembourg a pris le contre-pied de cette tendance. C’était la bonne décision. »

Pour Jean-Louis Schiltz, il est tout aussi important de poursuivre l’adaptation du cadre règlementaire existant. « Pour donner un exemple, le statut de PSF a fait ses preuves et est une très bonne chose. Il a permis d’inclure dans le périmètre de la régulation des acteurs qui ne sont pas au cœur même des activités mais qui procèdent à la bonne marche du secteur financier. Je plaide toutefois en faveur d’une révision de son périmètre. Un benchmarking international permettrait de définir quelles sont aujourd’hui les fonctions qu’on doit encore inclure dans ce périmètre de régulation et celles qui n’en ont plus besoin. Autrement dit, quelles sont aujourd’hui les activités pour lesquelles les PSF luxembourgeois sont en concurrence avec des entités établies dans d’autres états membres et qui ne sont pas soumises à une telle régulation. »

Aussi, dans le cadre de la stratégie Digital Lëtzebuerg, un comité d’experts va s’intéresser au développement de l’expertise Fintech locale. « L’idée est de voir comment orienter ou simplifier certaines choses pour rendre le pays plus performant, sans perdre de vue les aspects confidentialité et sécurité qui demeurent essentiels », constate l’avocat.

L’objectif est aussi de pouvoir attaquer, à moyen terme, à de nouveaux marchés beaucoup plus critiques, comme peut l’être la santé sur l’aspect confidentialité des données, ou l’e-commerce en matière de haute disponibilité. Pour faire du Luxembourg un centre « data privacy » à haute valeur ajoutée dans un monde en perpétuel mouvement.

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