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« Le premier pas est d’être conscient que la diversité est essentielle »

En charge du projet « Charte de la Diversité Lëtzebuerg » au sein d’IMS, Priscilia Talbot fait le bilan de cette initiative et de la progression de la prise en compte de la diversité au sein des organisations.

January 19, 2023

Le Luxembourg est un pays où vivent et/où travaillent des personnes venues des quatre coins du monde. Cela a-t-il pour conséquence de renforcer naturellement l’ouverture à la diversité des entreprises ?

Il est vrai qu’étant donné que la diversité est présente de facto dans les entreprises luxembourgeoises, elles sont donc plus enclines à faire quelque chose pour la gérer correctement. Le challenge, pour les entreprises, reste toutefois de savoir comment faire. Ceci étant dit, le fait de se rendre compte que la pluralité est essentielle en entreprise, qu’elle est une plus-value pour le développement économique de la structure, comme de nombreuses études l’ont montré, est déjà un premier pas important vers plus de diversité.

 

Pouvez-vous nous rappeler l’origine et les objectifs de la Charte de la Diversité luxembourgeoise, qui a vu le jour en 2012 ?

L’idée de cette charte émane tout d’abord de la Direction générale Justice de la Commission européenne. Chaque pays de l’Union a eu la possibilité de créer sa propre charte, qui prend en compte ses problématiques spécifiques. Aujourd’hui, 26 pays sur les 27 que compte l’Union européenne disposent de leur propre charte. Le Luxembourg a été le 9e pays à créer sa Charte de la Diversité. Ses objectifs sont divers : elle cherche à poser une définition de ce qu’est la diversité, à créer un réseau réuni autour de l’objectif de promouvoir la diversité et à partager les bonnes pratiques entre pays. Au Luxembourg, nous avons la particularité d’avoir établi un partenariat public-privé autour de cette charte, le ministère de la Famille faisant partie du comité que nous avons mis en place. 251 entreprises ont déjà signé la Charte en s’engageant par là à promouvoir la diversité au sein de leur organisation.

 

A quoi s’engagent les entreprises signataires ?

Elles s’engagent, de manière générale, à mieux gérer et promouvoir la diversité. Concrètement, elles veillent à partager leurs bonnes pratiques afin qu’elles soient répliquées, mais aussi à remplir un questionnaire, dans le cadre de notre Baromètre diversité et entreprises, qui nous permet de prendre le pouls de la gestion de la diversité au niveau national. Nous préconisons toujours la création d’une véritable politique de diversité en interne qui permet d’avoir un fil rouge à suivre, de fixer des objectifs et de mesurer leur réalisation. Une telle démarche a des effets positifs à tous les niveaux : RH, management, etc.

 

Y a-t-il des thématiques particulières qui sont mises en avant à travers la Charte de la Diversité luxembourgeoise ? Comment les identifier ?

Pour identifier les problématiques essentielles, nous envoyons tous les trois ans un questionnaire aux signataires de la charte. En 2017, il est par exemple apparu que les questions liées à la communauté LGBTQI+ n’étaient pas vraiment abordées en entreprise. Nous avons donc creusé ce sujet et il est apparu que si les entreprises étaient sensibles à ce thème, elles ne savaient pas réellement par quoi commencer pour mieux intégrer ces profils. Nous avons donc mis au point un guide des bonnes pratiques pour accompagner les entreprises dans cette démarche. De manière générale, on voit qu’il y a un réel besoin d’apprentissage par rapport à ce sujet, même s’il est bien visible au Luxembourg : nous avons des personnes haut placées qui sont des rôles modèles, une magnifique Pride et une série d’associations qui sont très actives.

 

La législation actuelle en matière de diversité n’est aujourd’hui pas très contraignante. Qu’est-ce qui pousse les entreprises à donner toute la place qu’il mérite à ce sujet ?

Au-delà du manque de personnel qui contraint les entreprises à recruter sans discrimination aucune, il y a également un enjeu d’image. Aujourd’hui, on ne peut plus, par exemple, signer une Charte de la Diversité et avoir des pratiques qui vont à l’encontre de ses principes élémentaires. Tout se sait rapidement, et le retour de flamme peut être très violent. Au niveau législatif, il faut tout de même préciser que le Luxembourg suit les sept critères de non-discrimination identifiés par l’Union européenne, traduits dans son Code du Travail et son Code pénal. Cela dit, la France a fait mieux en établissant une liste de 25 critères de non-discrimination. Et enfin de nombreuses études montrent que la performance économique est au rendez-vous quand chaque personne se sent à sa place au travail. C’est également un élément positif pour la marque employeur, qui leur permet de mieux attirer et retenir les talents. Dans un contexte de plus en plus complexe en matière de recrutement, c’est un élément non négligeable pour les organisations.

 

Après 10 ans d’existence de la Charte de la Diversité au Luxembourg, quel bilan peut être dressé par rapport à la diversité en entreprise dans le pays ?

Évidemment, les choses ont progressé. Mais si l’on en croit une étude sur le racisme sortie récemment, on constate qu’il reste du chemin à faire. Ses principales conclusions montrent qu’un racisme latent est toujours présent dans la société luxembourgeoise, et que celle-ci en est même consciente. Cela est dû à un mécanisme mental naturel : nous plaçons les choses et les gens dans des cases, pour mieux les retenir. Il est donc inévitable de concevoir des stéréotypes par rapport à certains groupes de personnes. Ce qui est dangereux c’est qu’ils peuvent se muer en préjugés tenaces. Par exemple, le stéréotype selon lequel les femmes sont douces et gentilles peut conduire au préjugé selon lequel elles ne sont pas de bons managers. Il faut donc mener un travail de déconstruction par rapport à la façon dont on pense, ce qui n’est pas simple, mais c’est faisable et surtout nécessaire.

 

Le travail d’IMS par rapport à la diversité ne se limite pas à la Charte de la Diversité. Quels sont vos projets à venir en la matière ?

Nous allons rendre public, le 13 décembre, un module d’e-learning pour l’inclusion des personnes LGBTIQ+ en entreprise. Par ailleurs, nous avons également un projet sur l’inclusion des personnes en situation de handicap en entreprises. Il devrait se concrétiser en 2023. Nous sommes évidemment à l’écoute de toute entreprise qui aurait des questions sur le sujet de la diversité, particulièrement autour des thématiques que nous avons identifiées. IMS veille à cocréer les solutions adéquates, en mettant tout le monde autour de la table.

 

La charte de la diversité en chiffres

  • 2012 – Année de création au Luxembourg.
  • 251 Entreprises ont signé la Charte de la Diversité au Luxembourg.
  • 26 Pays de l’Union européenne disposent de leur propre Charte de la Diversité (sur 27).
  • 9 – Le Luxembourg a été le 9e pays à créer sa propre Charte de la Diversité.
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