Le marché de l’occasion des fichiers numériques, un nouveau marché ?

UsedSoft et Re Digi, qui furent les premiers revendeurs à […]

April 15, 2013

UsedSoft et Re Digi, qui furent les premiers revendeurs à se lancer dans la commercialisation en ligne de biens immatériels d’occasion, vont très probablement bientôt être rejoints par Amazon et Apple.

Les deux géants américains semblent, en effet, s’intéresser de très près à ce « marché secondaire », comme en témoigne le brevet que ces deux sociétés viennent de se voir accorder par le bureau américain des brevets (USPTO), concernant leur future plateforme de revente en ligne[1].

Ainsi, à travers leur plateforme internet respective, ils entendent permettre à leurs clients de revendre en ligne – en téléchargement ou en streaming – des fichiers numériques acquis légalement : livres, musique, films, jeux vidéo, mais aussi logiciels.

Un marché licite

Se fondant notamment sur les directives 2001/29/CE et 2009/24 qui rappellent la règle de l’épuisement du droit de distribution de l’original d’une œuvre à compter de la première vente de celui-ci, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a reconnu, en juillet dernier, comme licite la revente de licences d’occasion de logiciels (copies immatérielles) par l’acquéreur légitime[2].

Cette solution pouvait surprendre dans la mesure où il est généralement admis, en droit de la propriété littéraire et artistique, que les seuls droits cédés ou concédés sont ceux expressément visés dans le contrat[3]. En matière de licence de logiciels, les contrats délimitent ainsi généralement le périmètre d’exploitation de l’acquéreur à travers la concession du seul droit d’usage. Quoi qu’il en soit, l’acquéreur, qui ne bénéficie pas contractuellement du droit de distribution, ne se voit donc pas reconnaître la faculté de revendre sa licence à un tiers[4]. Désormais, en application de cette nouvelle décision, l’éditeur du logiciel, en raison de l’épuisement de son droit de distribution – consécutif à la première vente réalisée par la conclusion du contrat de licence – ne peut plus s’opposer à ce que son client, le premier acquéreur, revende cette licence… sous certaines réserves, toutefois.

Bien entendu, la portée de cette décision ne se limite pas aux seuls logiciels. La règle de l’épuisement du droit de distribution concerne toutes les catégories d’œuvres de l’esprit (œuvres musicales, audiovisuelles, etc.), sans considération d’ailleurs que la première vente porte sur une copie matérielle ou immatérielle de l’œuvre[5].

Un marché encadré

Si en application de cette décision, l’acquéreur initial se voit reconnaître la faculté de revendre la copie matérielle ou immatérielle de l’œuvre pour laquelle le droit de distribution du titulaire des droits est épuisé, en revanche, il doit rendre sa propre copie inutilisable à compter de cette revente.

En effet, par l’effet de la revente, l’acquéreur initial perd son droit d’usage (concédé en application de la licence) sur sa copie, qui est transféré au nouvel acquéreur. Par ailleurs, l’acquéreur initial, qui revendrait sa copie, tout en conservant celle-ci (même sans l’utiliser), porterait atteinte au droit exclusif de reproduction appartenant au seul titulaire des droits de l’œuvre.

C’est pourquoi, Amazon et Apple auraient développé des mesures techniques – type DRM – qui permettraient d’établir un lien entre le fichier numérique d’occasion acheté et le nouvel acquéreur, interdisant ainsi au revendeur (acquéreur initial) d’y accéder à nouveau pour toute nouvelle utilisation ou commercialisation[6].

Par ailleurs, Apple prévoirait de placer les ayant-droits au centre du dispositif, lesquels pourraient encadrer certaines transactions sur la base de plusieurs critères comme : la date de sortie de l’œuvre, le prix de revente pratiqué ou encore le nombre de reventes de la copie[7].

Ni Amazon, ni Appel n’ont encore communiqué sur la date de lancement de leur plateforme.

Affaire à suivre…

By Alexandre Fievée, Counsel chez Elvinger, Hoss & Prussen.

[1] http://www.uspto.gov/patents[2] CJUE, Grande chambre, arrêt du 3 juillet 2012, Usedsoft GmbH / Oracle International Corp.[3] Alexandre Fievee, « Quels droits d’exploitation pour le cessionnaire, en l’absence de clause de cession dans les contrats informatiques et internet ? », Expertises, avril 2010, p. 140.[4] Dans cette affaire, la licence Oracle contenait la clause suivante : « Le paiement des services vous donne un droit d’utilisation à durée indéterminée, non exclusif, non cessible et gratuit, réservé à usage professionnel interne (…) ».[5] CJUE, Grande chambre, arrêt du 3 juillet 2012, Usedsoft GmbH / Oracle International Corp.
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