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La Blockchain évolue et élargit le champ des possibles

La blockchain n’a pas été pensée pour développer des cryptomonnaies. Elle aurait été imaginée pour un cas d’usage plus spécifique : l’horodatage de documents.

July 12, 2022

La blockchain, c’est avant tout un registre, une grande base de données partagée entre de nombreux acteurs, chacun en détenant une copie. Les technologies sous-jacentes assurent aux utilisateurs l’authenticité, l’intégrité et la traçabilité des informations qui y sont enregistrées. Si la technologie n’est pas exempte de défaut, elle évolue pour gagner en efficience, comme nous l’explique Kevin Thizy, expert blockchain au sein d’InTech.

La blockchain, à l’origine, n’a pas été pensée pour développer des cryptomonnaies. Elle aurait été imaginée pour un cas d’usage plus spécifique : l’horodatage de documents. « D’ailleurs, la blockchain Bitcoin est utilisée pour d’autres usages que l’émission et l’échange d’actifs numériques. La technologie est utilisée à d’autres fins, notamment pour garantir l’authenticité et l’intégrité de documents », explique Kevin Thizy, expert blockchain au sein d’InTech. Pour comprendre les possibilités qu’offre cette technologie « blockchain », il faut s’intéresser à son fonctionnement. « Les blockchains sont des registres, autrement dit de grandes bases de données, qui sont partagées simultanément entre une série d’acteurs, qui en détiennent chacun une copie, poursuit Kevin Thizy. Tous peuvent donc y lire et inscrire des données, mais selon des règles définies par un protocole. L’information y est sécurisée grâce à la cryptographie. »

Les grands principes technologiques sous-jacents à ces registres distribués sont au nombre de trois. D’abord, ils s’appuient sur la théorie des jeux (établie sur base de travaux de 1920 et de 1940), dans l’optique de parvenir à un consensus en écartant tout acte malicieux. Ensuite, la blockchain a recours à la cryptographie asymétrique, apparue en 1976, grâce à laquelle on peut tracer et vérifier les informations. Enfin, il y a les réseaux pair à pair, qui confèrent à la blockchain son niveau de résilience. « Ce ne sont pas des technologies récentes. L’originalité tient davantage à la manière de les assembler. La première description d’une blockchain, d’ailleurs, a été établie en 1991 dans l’optique d’attester de l’origine de documents », poursuit l’expert.

Garantir l’authenticité, l’intégrité, la traçabilité

Comment cela fonctionne ? La « chaîne » de blocs tire son nom de la méthode d’écriture (le protocole) dans le registre. L’information y est enregistrée sous la forme de blocs de transactions groupés ensemble, que la cryptographie sécurise par une empreinte unique. Si les données d’une transaction changent, ne serait-ce qu’une virgule, l’empreinte sera complètement différente. Chaque bloc contient l’empreinte du précédent. Ce qui permet de vérifier que la chaîne est bien valide, bloc par bloc. « Ce protocole garantit l’authenticité, la traçabilité et l’intégrité de chaque information sans devoir contacter l’émetteur de ces données et sans tiers de confiance, explique Kevin Thizy. La confiance est dans le réseau et dans le nombre d’acteurs qui le compose. »

Automatiser l’exécution d’un contrat

La principale promesse de la blockchain réside dans cette confiance entre partenaires d’un même réseau sans recourir à un tiers de confiance. Au fil du temps, en plus de garantir l’authenticité de l’information, de nouvelles blockchains ont permis d’intégrer d’autres fonctions. Ethereum, par exemple, a introduit le concept de smart contract. Il s’agit d’un algorithme traduisant par exemple un processus métier et que l’on inscrit dans la chaîne de blocs. Avec ces « contrats intelligents », on peut réaliser automatiquement une série de fonctions en étant assuré de la conformité des procédures exécutées.

Une telle évolution a considérablement étendu le champ des possibles. La blockchain peut dès lors être utilisée dans de nombreux cas de figure. Elle sert à garantir l’intégrité d’actes notariés ou d’un droit à la propriété, la conformité et l’authenticité d’un document ou d’une attestation, peut soutenir une preuve d’identité. Elle permet l’exécution automatique et conforme d’un contrat ou d’une transaction une fois certaines conditions réunies (comme un paiement ou la production de documents attestant d’un droit à un dédommagement dans le cadre d’un contrat d’assurance), entre autres exemples.

Partager le registre sans pouvoir le falsifier

La blockchain, dans le cadre d’un consortium ou un groupe d’acteurs, offre la possibilité à chacun de posséder le registre et de garantir l’intégrité des informations qu’il contient. « Le recours à la technologie limite les possibilités de fraude ou de pertes d’information. Chacun dispose d’une même copie du registre. Si l’un des acteurs est tenté de le modifier, le problème sera directement identifié, explique l’expert. Les acteurs peuvent participer à un réseau commun sans craindre qu’une seule personne puisse le contrôler et le modifier. »

Inscrire une nouvelle transaction au registre, en effet, implique d’arriver à un consensus, au cours duquel les éléments sont vérifiés. Jusqu’à présent, les blockchains publiques s’appuient principalement sur la preuve de travail, qui implique de résoudre un calcul d’une grande complexité pour pouvoir générer un nouveau bloc valide (autrement dit, valider une transaction). « De cette manière, on limite la possibilité de créer (et donc de falsifier) des blocs. Cette méthode de consensus confère un très haut niveau de sécurité aux informations », explique Kevin Thizy.

L’évolution du consensus

Le bémol, toutefois, est que cette méthode exige beaucoup d’énergie, liée à la puissance de calcul nécessaire, et rend le temps nécessaire à la validation d’une transaction particulièrement long. « Aujourd’hui, la plupart des chaînes publiques tendent à changer de mode de consensus, privilégiant désormais d’autres formes de preuve, poursuit l’expert. Comme expliqué, la preuve est la mécanique avec incitation économique qui vise à assurer l’honnêteté des participants. Les chaînes gérées par des consortiums ou les chaînes privées utilisent en général une preuve d’autorité, qui permet aux acteurs de définir un protocole de formation des blocs et d’acceptation de nouveaux participants. Cela permet, en fonction des règles établies, de pouvoir valider des transactions sans devoir mener des opérations complexes et coûteuses. »

Considérant ces évolutions, on peut imaginer de nouvelles architectures ou écosystème mettant en œuvre ces nouvelles chaînes ou permettant de faire évoluer les chaînes existantes. « Par exemple, Polkadot, basée sur Substrate, cadriciel offrant la possibilité de créer sa propre chaîne, Starknet et Polygon tendent à mettre en place une hiérarchie entre les chaînes, explique Kevin Thizy. Par exemple, des chaînes plus locales, souvent privées et confidentielles, voient le jour dans le cadre de consortiums ou de la mise en œuvre d’une application particulière. Ces chaînes comptent un nombre limité de participants. Pour pallier leur manque de sécurité dû au faible volume de participants, elles peuvent s’appuyer sur des validations effectuées par des chaînes partagées. »

Les blockchains sont désormais en plein essor, avec la multiplication des régulations qui les reconnaissent de plus en plus. Les nombreuses évolutions et nouveaux types de chaînes, associés à la démocratisation de cette technologie, promettent d’importants bouleversements dans les années à venir.

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