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HUMAN TRANSFORMATION : Un choc technologique source d’opportunités

Alors que la technologie s’invite avec force dans notre quotidien, notre amour inconditionnel pour elle tend à s’estomper. Le temps est venu de marquer une pause et de porter son attention sur les conséquences de cette course échevelée, en replaçant l’humain au centre.

December 11, 2020

Relayée par la presse luxembourgeoise, l’arrivée de Spot, robot à l’allure d’un chien sans tête, dans l’entreprise de construction Stugalux montre à quel point notre société évolue à grande vitesse vers un monde dont on a du mal à percevoir toutes les facettes. Spot est donc un « animal » motorisé créé par Boston Dynamics, qui peut être contrôlé comme un drone ou programmé pour se déplacer de façon autonome. A l’avenir, son rôle sera d’arpenter les bâtiments en construction pour les photographier et les passer au scanner sous tous les angles possibles afin de vérifier que les chantiers avancent conformément au cahier des charges. Avec cette arrivée remarquée, l’entreprise luxembourgeoise veut aussi montrer que le secteur de la construction peut être un terrain de jeu passionnant pour les nouvelles générations.  

A la recherche de nouveaux cas d’usages, Boston Dynamics, spin-off du MIT, a multiplié les expérimentations comme l’utilisation de Spot pour inspecter les anomalies d’une plate-forme pétrolière en Mer du Nord, accéder aux zones dangereuses sur un chantier à Montréal ou encore dans le cadre de tests menés avec la police du Massachusetts. 

Les robots sont parmi nous. Plusieurs percées technologiques récentes facilitent d’ailleurs l’arrivée de la robotique, comme l’amélioration de divers capteurs, la reconnaissance du langage pour simplifier les interactions avec les humains et la reconnaissance d’image pour aider les robots à se déplacer. La mise en place des réseaux mobiles 5G devrait aussi permettre leur utilisation à plus large échelle, en extérieur notamment. 

Quelle cohabitation entre l’homme et la machine ?

Avec l’arrivée de Spot sur les chantiers au Luxembourg, c’est la question de la cohabitation entre l’humain et le robot sur le lieu du travail qui refait son apparition. Les progrès techniques récents dans le numérique et la mécanique permettent de créer des objets de plus en plus sophistiqués, capables de répondre à des besoins étendus et effectuant des tâches de plus en plus complexes de manière autonome.  « Les robots ne sont plus aujourd’hui l’apanage du seul secteur industriel, destinés à effectuer des tâches répétitives pénibles nécessitant force et précision. Nous sommes entrés dans un nouvel âge des objets intelligents, qui ouvre de nouvelles perspectives mais qui, dans le même temps, ne manque pas d’interroger et d’inquiéter », relève un récent rapport d’information déposé devant le Sénat français.

« Comme à chaque étape du progrès technique, la question de l’impact de ces technologies sur l’emploi est posée. Tout laisse à penser que les effets pourraient être massifs. De la même manière que l’emploi industriel a pu être drastiquement réduit avec la mise en place de robots industriels dans les usines, ne risque-t-on pas de voir des machines prendre la place de personnes physiques dans les activités de service, à commencer par celles nécessitant le moins de qualifications ? La crainte d’une perte massive d’emplois faisant suite à l’installation de ces nouveaux robots dans de multiples secteurs d’activités s’exprime dans le débat public, avec l’idée que ces pertes pourraient toucher les emplois les moins qualifiés, condamnant au chômage technologique de très nombreuses personnes. » La question est posée. 

Des objets technologiques familiers

Les technologies robotiques et l’intelligence artificielle (IA) ne sont pas des technologies du futur. Elles existent déjà et sont mises en application. Dans l’introduction de son étude sur l’IA remise au président de la Commission européenne en mai 2019, l’expert Michel Servoz souligne qu’elles ont « déjà commencé à transformer nos vies quotidiennes », parfois même sans que nous nous en rendions compte. En réalité, notre environnement professionnel mais aussi notre habitat ou encore nos activités de loisirs nous conduisent à entrer en interaction de plus en plus fréquemment avec des systèmes d’intelligence artificielle : pour demander notre chemin, pour calculer une distance, pour rechercher un objet à acheter. Ces nouveaux outils nous sont très vite devenus extrêmement familiers grâce à des interfaces simples et intuitives. Nous nous habituons rapidement à leur présence et à leur utilisation, au point parfois de ne plus pouvoir nous en passer.

Ces nouveaux outils agissent pour notre compte. Ils permettent d’effectuer des actions qui étaient précédemment de la responsabilité de personnes physiques : ainsi, des assistants digitaux personnels effectuent les tâches précédemment accomplies par des secrétaires, des algorithmes de e-commerce remplacent les conseillers de vente, ou encore des logiciels de reconnaissance faciale remplacent les agents de sécurité chargés des contrôles d’identité. L’adoption de ces nouvelles technologies produit un déplacement de tâches, certaines d’entre elles venant à être automatisées pour une multitude de raisons : meilleure efficacité que le travail humain, réduction du coût des opérations, meilleure disponibilité du service, réduction des risques liés au travail humain, reprise en main de la décision par l’utilisateur final.

Le concept d’acceptabilité sociale

La création d’une nouvelle technologie et sa mise en place au sein d’une société ne suffisent pas en elles-mêmes. Encore faut-il en effet que cette dernière soit bien accueillie par la population concernée. « Ainsi, longtemps ignoré, le concept d’acceptabilité sociale des nouvelles technologies se fait de plus en plus important dans les réflexions qui encadrent leur développement. Comment faire en sorte que les citoyens adhèrent à celles-ci ? Comment « mériter » la confiance des individus envers ces nouvelles innovations auxquelles ils ne sont pas habitués? De telles considérations sont essentielles dans la mesure où évidemment, plus une technologie est acceptée … plus elle sera utilisée ! », relève Marie Zumstein, chercheuse étudiante au regroupement JusticIA de l’Université de Montréal. Si on sort de la robotique ici, le développement et les difficultés d’implantation des applications de traçage de la Covid-19 dans l’Union européenne illustrent très bien cette importance fondamentale.

Le terme de « tech-clash », ou choc technologique, a d’ailleurs fait son apparition voici peu. « Notre amour inconditionnel pour la technologie illimitée s’estompe. Certains qualifient l’environnement actuel de « mouvement de réprobation » ou de réaction défavorable à la technologie. Cependant, cette description omet le fait que nous utilisons la technologie plus que jamais. En fait, il s’agit plutôt d’un choc technologique, c’est-à-dire une collision entre les anciens modèles, qui ne correspondent pas aux attentes actuelles », estiment les experts d’Accenture dans le rapport Vision Technologique 2020.

De la simple suspicion au rejet

En clair, disent-ils, il est temps de marquer une pause et de porter son attention sur les conséquences humaines de cette course échevelée vers « l’augmentation » par la technologie. Ceci avant que le rejet ne soit si fort qu’il se transforme en hostilité ouverte. Les générations actuelles, milléniaux en tête, regardent déjà les promesses d’une vie meilleure grâce à la technologie avec suspicion, ceci même si elles continuent à apprécier les apports de la technologie dans leur vie quotidienne. « 52 % des consommateurs affirment que la technologie joue un rôle important dans leur quotidien ou qu’elle fait partie intégrante de presque tous les aspects de celui-ci. De plus, 19 % indiquent que la technologie est à ce point intégrée à tous les aspects de leur quotidien qu’ils la considèrent comme un prolongement d’eux-mêmes », relève l’étude. Mais le moment est venu de redonner une place centrale à l’humain. L’opportunité est aujourd’hui donné aux consommateurs de faire entendre leur voix.

Un nouveau modèle à inventer

Pour apporter une véritable dimension humaine à la prochaine décennie, les nouveaux modèles conçus par les entreprises doivent être fondés sur la collaboration. Au fur et à mesure que les effets de la technologie continuent de s’intensifier au sein de la société, les entreprises prospères seront celles qui suivront de nouveaux modèles pour inviter les gens, c’est-à-dire les clients, les employés, les partenaires ou le public, à créer conjointement leur nouvelle trajectoire d’avenir.  

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