Grand entretien avec Pierre Zimmer: une transformation au service de l’innovation

« CIO of The Year », Pierre Zimmer évoque avec ITnation les défis et les ambitions du groupe POST, actuellement en pleine transformation. Le dirigeant ICT, qui a longtemps officié dans les sphères étatiques, s’intéresse aussi à des enjeux plus globaux, afin de permettre au secteur de l’ICT luxembourgeois de se valoriser à l’échelle internationale.

October 26, 2015

« CIO of The Year », Pierre Zimmer évoque avec ITnation les défis et les ambitions du groupe POST, actuellement en pleine transformation. Le dirigeant ICT, qui a longtemps officié dans les sphères étatiques, s’intéresse aussi à des enjeux plus globaux, afin de permettre au secteur de l’ICT luxembourgeois de se valoriser à l’échelle internationale.

Par Sébastien Lambotte pour l’édition ITnation Mag Octobre 2015

Pour relever les défis d’avenir, le groupe POST opère une transformation profonde. Animées par une nouvelle dynamique, les équipes se mobilisent pour améliorer les services proposés aux clients, mais aussi afin d’innover et de trouver de nouveaux vecteurs créateurs de valeurs au départ d’une expertise technologique. CIO du groupe, Pierre Zimmer doit fédérer les forces en présence, stimuler les initiatives, concrétiser l’innovation pour toujours mieux répondre aux besoins du client.

C’est par l’expertise, plus que la technologie, que l’on fera la différence.

Monsieur Zimmer, à l’occasion du Gala Golden-i, vous avez reçu le titre de « CIO of The Year ». Vous n’êtes pourtant pas un habitué de la mise en lumière…

POST, dans sa transformation, doit négocier le virage de la télécommunication vers l’ICT.

Durant toute ma carrière, j’ai souvent préféré la discrétion. Quand je travaillais au sein de l’État, ou dans des structures parastatales, mon rôle était d’être dans l’ombre. La communication externe de la politique mise en place revient aux ministres. En rejoignant le groupe POST, mon rôle a quelque
peu changé. Au cœur d’une entreprise affichant des visées commerciales, il faut pouvoir expliquer publiquement les enjeux, les ambitions, une vision, afin de rassembler le plus grand nombre autour d’un objectif commun. D’autre part, les enjeux digitaux auxquels le Luxembourg et ses acteurs ICT doivent répondre exigent de se fédérer, de mieux communiquer et de mieux se faire valoir. Si la volonté est de s’imposer à l’international, il faut mieux valoriser notre savoir-faire, afin d’attirer des partenaires souvent nécessaires pour percer à l’étranger.

Ce sont vos pairs qui vous ont élu. Pouvez-vous nous dire ce que cela représente pour vous ?

C’était avant tout une surprise. Je suis actif au cœur de la communauté IT luxembourgeoise depuis un certain temps déjà. Je la compare toujours à une petite famille. Quand j’ai commencé ma carrière, convaincre de l’importance de la fonction de l’IT n’avait rien d’évident. Progressivement, le rôle de l’informatique, et par la même occasion celui de ceux qui la gèrent, a gagné en importance. Par le passé considérée comme centre de coût, l’IT est devenue progressivement un des principaux éléments stratégiques. Si c’est une surprise et un honneur, je considère que ce prix récompense une carrière, mais aussi un travail d’équipe, une volonté de faire évoluer l’IT, avec mes pairs, au service de la place. La réussite du Luxembourg, en ce qui concerne le secteur ICT et les enjeux digitaux, nécessite de travailler ensemble, de fédérer les acteurs, ceux concernés directement par la technologie, mais aussi les juristes, les hommes de loi.

Après une longue carrière à l’État, vous avez rejoint POST voici un peu plus d’un an. Pouvez-vous nous dire quelles missions vous ont été confiées avec cette nouvelle fonction ?

Le challenge était fixé avant mon arrivée : POST, dans sa transformation, doit négocier le virage de la télécommunication vers l’ICT. Pour cela, nous devons trouver les moyens de créer de la valeur ajoutée en nous rapprochant des besoins de l’ensemble de nos clients, qui sont désormais principalement demandeurs de solutions ICT. Les missions qui m’ont été attribuées étaient, d’une part, de reprendre la gestion de la corporate IT et, d’autre part, de contribuer à l’émergence d’une stratégie transversale de l’IT, tenant compte des nombreuses compétences et services disponibles à travers le groupe et ses filiales… Au final, l’objectif est de mieux répondre aux attentes de la clientèle à travers de nouveaux services.

Jusqu’à présent, ce sont des enjeux étatiques qui vous ont occupé. Aujourd’hui, vous évoluez dans un tout autre cadre. En quoi est-ce différent ?

C’est une autre aventure. Pendant 15 ans, j’ai été moi-même client de POST et j’ai développé ma propre vision externe du groupe. Dans mes nouvelles fonctions, j’ai pu découvrir l’entreprise en étant de l’autre côté de la barrière. Et ma surprise fut grande. J’ai découvert une entreprise en pleine transformation, animée par une nouvelle dynamique et des équipes qui en veulent vraiment. Mon passage à POST est en partie le résultat de cette transformation qui commençait à devenir perceptible depuis l’extérieur. Mais l’envergure de la nouvelle dynamique déjà en place, quand je suis arrivé, dépassait largement ce que j’imaginais. La transformation est en route et elle mobilise une réelle expertise.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la manière dont POST entend se transformer ? Comment entend-elle proposer de nouveaux services ICT ?

Les enjeux digitaux luxembourgeois exigent de se fédérer, de mieux communiquer, de mieux se faire valoir.

POST a longtemps développé de nombreuses activités régulées, comme la distribution du courrier, des services télécoms ou bancaires. Sur ces pôles, nos marges de manœuvre sont fortement réduites. En outre, l’univers médiatique et informatique, avec une évolution forte de la technologie, est en train de changer. On parle de moins en moins de télécommunications et de plus en plus d’IT pour supporter de nombreuses fonctions dans la vie de tous les jours. POST s’est déjà engagé dans la voie de l’informatique, notamment en contribuant au développement du secteur ICT au Grand-Duché, de manière directe ou à travers ses filiales. Aujourd’hui, la volonté est de pouvoir s’appuyer sur toutes les compétences dont nous disposons, à travers la constellation POST, pour apporter de nouveaux services à destination de nos clients privés. Cela passe par une refonte de la manière dont nous communiquons avec nos clients, mais aussi par le développement de nouvelles offres.

Comment, compte tenu de l’image que beaucoup ont de POST, ce gros paquebot fonctionnarisé organise ce changement ?

Cette image appartient au passé. En matière d’IT, pour répondre à votre question, j’ai toujours privilégié des approches collaboratives. L’essentiel, dès le départ, est de faire comprendre les enjeux à chacun des collaborateurs. Mon objectif, vis-à-vis des équipes en charge de l’IT au sein du groupe, est de faire prendre conscience que l’expérience client doit primer sur tout autre chose. Lors de chaque réunion, de chaque discussion, c’est à ce niveau que se trouve l’horizon à atteindre. Si l’on aborde une problématique technique, les décisions relatives aux solutions envisagées seront prises en fonction des avantages et désavantages qu’elles pourront générer pour le client.

Mais comment initier le changement, alimenter la transformation ?

Mieux travailler ensemble doit nous permettre de faire émerger des services innovants.

En mobilisant et en impliquant les équipes. Par exemple, nous avons organisé des séances de pitching en interne. Les équipes ont été invitées à défendre des projets, des idées innovantes, devant tous les cadres de l’entreprise. Des projets ont vu le jour, des groupes de travail se sont constitués, autour d’une dynamique de challenge positive. Des idées très intéressantes ont pu être identifiées. C’est aujourd’hui au départ de cette approche que POST veut se transformer. Le temps des développements en cascade, avec les effets tunnel qui en découlaient, est définitivement révolu. Tout le monde, et principalement un groupe comme le nôtre, doit pouvoir mettre en œuvre des développements itératifs et agiles, faire émerger des idées, offrir aux équipes la possibilité de les mettre en œuvre pour peu qu’elles servent l’intérêt du client.

Cette transformation s’appuie sur deux volets, une réorganisation de l’IT pour améliorer le service et la communication envers le client afin qu’il profite d’une expérience améliorée, mais aussi le développement de nouveaux services IT… Concrètement, comment s’opère la première réorganisation ?

Notamment par une refonte de l’environnement IT de POST, avec une meilleure intégration de l’ensemble des logiciels « front », permettant de mieux suivre et servir le client, de mieux communiquer avec lui. Nous avons établi un plan d’action très concret, en plusieurs phases, visant à rendre plus homogène cet environnement IT. Nous sommes en train de redesigner tout l’environnement de travail des vendeurs, et plus généralement des personnes qui sont en contact avec le client. Le projet implique directement les utilisateurs. Régulièrement, ils sont invités à s’exprimer, à suivre le projet, les développements, à voir très concrètement les évolutions et la manière dont leurs idées sont intégrées. C’est dans cette logique que nous voulons appréhender nos projets.

Au niveau de la gestion de la corporate IT, quels sont vos défis ?

Nous opérons une refonte de l’architecture afin de profiter de systèmes plus intégrés. Actuellement, ils sont encore trop rigides. Nous souhaitons que notre environnement IT nous octroie une plus grande agilité, et ce de manière transversale. Nous opérons une refonte complète, back to front. En soi, ce projet à l’échelle de POST est le projet informatique le plus important de tous ceux auxquels j’ai pu participer. Il est considérable, mais essentiel. La durée de vie actuelle d’une technologie ou d’un développement, extrêmement courte, nous oblige à accéder à une plus grande agilité. Il nous faut pouvoir faire évoluer nos systèmes rapidement et nous appuyer sur des ressources flexibles.

Accéder à une telle flexibilité nécessite, souvent, de pouvoir s’appuyer sur des ressources extérieures, mutualisées. Comment gérez-vous cela ?

Nous n’excluons pas de recourir à des partenaires de confiance, pour le fonctionnement de nos systèmes. Toutefois, s’il y a une chose sur laquelle nous entendons garder la maîtrise complète, c’est tout ce qui concerne directement l’utilisateur et ce que les clients peuvent voir de POST. À aucun moment nous ne voulons devenir dépendants d’un partenaire extérieur, qui pourrait nous empêcher de ne plus avoir la maîtrise sur ces aspects.

Sur quelles compétences techniques pouvez-vous vous appuyer pour réaliser de tels projets, pour opérer ce changement ?

Au sein même du groupe POST, nous disposons d’énormément de compétences. Elles sont parfois réparties de manière disparate, à travers les entités ou encore les filiales. Prenons les enjeux de sécurité, par exemple. Différents départements et filiales se penchent sur ces questions, créent de l’expertise et développent des compétences pointues. Un des enjeux d’avenir, à l’échelle du groupe, sera de rassembler cette expertise, de nous mettre ensemble pour générer de la valeur, de bout en bout, au service du client. Un département transversal existe déjà et coordonne les activités de sécurité à travers le groupe. C’est un exemple parmi d’autres.

Comment le Luxembourg, et en son sein POST Group, peut-il se faire valoir face à des grands, voire très grands acteurs internationaux ?

A l’échelle du groupe, il faut rassembler l’expertise afin de générer de la valeur au service du client.

Par l’expertise justement. Ce n’est, aujourd’hui, pas la technologie qui permet de faire la différence. Par contre, en travaillant sur l’expertise, en développant des compétences dans des domaines spécifiques, comme par exemple la sécurité, nous pouvons profiter de facteurs différenciateurs. L’enjeu est de faire émerger une expertise que l’on pourra exporter et que nous parviendrons à faire valoir à l’étranger. Déjà aujourd’hui, des acteurs comme EBRC ou VBS, deux filiales du groupe POST, sont extrêmement actives à l’international. EBRC, par exemple, peut capitaliser sur une réelle expertise dans la mise en œuvre de data centres certifiés Tier IV. Aujourd’hui, notre filiale propose des services à haute valeur ajoutée dans l’accompagnement d’acteurs tiers désireux de développer de tels centres de données et d’obtenir une telle certification. L’internationalisation de nos services est aujourd’hui une nécessité. Nous ne pouvons pas nous contenter de rester des experts sur un îlot comme le Luxembourg.

Considérant cette expertise, disséminée de manière hétérogène à travers vos entités et filiales, n’y a-t-il pas lieu d’envisager une consolidation plus grande encore du groupe et de ses filiales ?

Des efforts de consolidation et de réorganisation ont été faits avec la création de Télécom S.A. et Télécom PSF S.A. et l’intégration des équipes de PTC dans des entités du groupe. Au-delà, je ne pense pas qu’il soit opportun de brider l’autonomie des filiales. POST a toujours laissé beaucoup de liberté à ses filiales. Elles continueront à disposer de cette autonomie de développement. Par contre, le défi va être de voir comment mieux travailler ensemble, comment constituer le ciment utile à un développement commun, permettant de faire émerger de nouvelles solutions et des services innovants pour nos clients, en s’appuyant sur la technologie et les possibilités qu’elle offre aujourd’hui. Dans les mois à venir, la concrétisation de cette ambition devrait se faire plus visible. La volonté est de pouvoir offrir des services intégrés, end to end, s’appuyant sur toutes nos compétences, permettant d’attirer de nouveaux clients et de faire émerger de nouveaux métiers.

Plus concrètement, à quel genre de service pensez-vous ? Par exemple, auriez-vous comme ambition d’aller jusqu’à développer des services BPO pour des secteurs déterminés ?

L’objectif, à mon sens, ce n’est pas la donnée mais l’information. C’est sur l’information qu’il faut travailler.

Développer des services BPO exige de s’appuyer sur des processus métiers, des expertises en lien avec le business du client. Pour être clair, si nous disposons du bon partenaire, oui, c’est une direction dans laquelle nous souhaitons aller. Je ne parle pas de BPO bancaire, qui doit répondre à des enjeux sans doute trop éloignés de nos métiers actuels. Mais si l’on se concentre sur notre secteur, sur les métiers de l’IT, la volonté est bien de développer des services permettant à nos clients de gérer plus aisément les processus en lien avec les systèmes, en ayant la possibilité de déployer facilement des solutions applicatives s’appuyant sur une infrastructure sécurisée, en permettant un self-provisioning par exemple et en offrant une grande capacité de virtualisation. Nous allons nous lancer dans ce genre d’initiatives, avec des offres qui pourront être valorisées à l’international.

Récemment, POST a annoncé un rapprochement avec la banque Raiffeisen, pour assurer l’avenir de ses services bancaires… Le CIO of The Year 2015, en l’occurrence vous, sera amené à travailler avec le CIO of The Year 2014, Jean-Luc Martino…

C’est dire si nous sommes en présence de gens de qualité (sourire)…

Pouvez-vous nous en dire plus sur les enjeux de ce rapprochement ? Sur ce qu’il permettra d’apporter à vos clients ?

À l’heure actuelle, c’est encore prématuré de pouvoir en parler.

Si l’on évoque maintenant les enjeux de la place et le développement du secteur ICT luxembourgeois, quels sont ses atouts pour se faire valoir à l’international ?

Les efforts réalisés ces dernières années par l’État mais aussi par divers acteurs en présence, avec la création d’infrastructures « State of the Art » et la mise en œuvre d’une haute connectivité, ont permis de bien positionner le Luxembourg. Dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, toutefois, on ne peut pas se limiter à des problématiques d’infrastructure. Ce n’est pas à ce niveau que nous pourrons faire la différence. Mais bien, comme précisé, par l’expertise. On parle beaucoup de datahub, aujourd’hui, où stocker, préserver, archiver l’information. L’objectif, à mon sens, ce n’est pas la donnée mais l’information. C’est sur cette dernière qu’il faut travailler.

Comment cela ?

Nous pouvons développer une expertise qui, au départ de la donnée, permet aux clients d’accéder à l’information utile, et ce en temps réel. On parle du traitement de la donnée, de ce que nous sommes en mesure d’en faire pour créer de la valeur ajoutée, en la traitant ou en la structurant sous forme d’information. Aujourd’hui, malheureusement, on se vend encore trop comme un univers technologique uniquement, et pas assez comme une place capable de délivrer des services à haute valeur ajoutée.

Aujourd’hui, que manque-t-il pour accomplir cette vision ?

Dans les mois à venir, la concrétisation de nouveaux services devrait se faire plus visible.

Je pense que nous sommes bien positionnés. Et que, aujourd’hui déjà, nous parvenons à attirer de grands acteurs. S’ils veulent venir au Luxembourg, ce n’est pas sans raison, mais bien parce que nous disposons de toute la capacité nécessaire au niveau IT pour permettre leur développement et pour voir de nouveaux services émerger depuis le Luxembourg. Au-delà de l’arche, désormais, il faut développer et faire valoir une réelle expertise, et pas uniquement celle liée à la technologie et à sa mise en œuvre, mais celle qui la fera raisonner avec les métiers, pour répondre aux besoins de secteurs bien identifiés. Il faut pour cela que les acteurs communiquent mieux ensemble. Que ceux du secteur ICT, les professions du droit, les acteurs économiques avec leurs besoins métier parviennent à se parler. Par exemple, nous avons un secteur des fonds particulièrement fort, avec une expertise métier pointue, une régulation rigoureuse mais aussi de nouveaux défis. L’ICT, dans ce contexte, doit pouvoir offrir des réponses. L’enjeu est de se concerter pour voir comment faire évoluer ces métiers.

Quels sont les atouts de POST pour relever ce défi ?

Le premier réside certainement dans une volonté réelle et affichée de s’inscrire dans une telle approche. La transformation que nous connaissons, soutenue par une réelle dynamique interne, doit nous permettre d’affronter ces enjeux. Au-delà des ambitions, l’atout principal de POST réside dans la variété de compétences dont nous disposons. Au Luxembourg, nous sommes une vitrine de référence et devons nous affirmer comme telle à l’égard des acteurs internationaux.

À travers POST Capital, le Groupe entend investir dans des start-ups. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette démarche et les objectifs qu’elle poursuit ?

Au niveau de l’État, si nous avons été de bons techniciens, nous étions de piètres communicants.

À travers cette filiale, nous nous positionnons comme investisseur industriel. Nous cherchons à soutenir des activités en lien avec nos métiers. Nous sommes, plus qu’avant, orientés vers les start-ups, des petites structures, avec des idées innovantes s’appuyant sur la technologie. En interne, comme pour des petites structures, nous voulons encourager la créativité, permettre à des idées de prendre corps. Nous encourageons nos équipes dans ce sens. Des membres de POST, par exemple, prennent part à des hackathon à travers l’Europe. Jusqu’à présent, cette approche est peu présente dans la culture luxembourgeoise. Et jusqu’à la mise en œuvre de la dynamique actuelle, elle n’était pas cultivée chez POST. Cependant, les choses ont changé. Aujourd’hui, nous devons encourager la prise de risque, accepter que l’échec soit possible.

En quoi votre expérience acquise, au sein des structures étatiques ou proches de l’État, le Conseil de Gouvernement, le CTIE ou LuxTrust, vous sert-elle face à ces défis ?

J’ai été confronté, au cours de ma carrière, à une large variété de défis. Certes, au CTIE ou pour l’État, les enjeux étaient bien éloignés de ceux du secteur privé. Cela dit, dans ces fonctions, nous avons suivi et mis en œuvre des opérations d’envergure, comme l’approche e-Government. Durant cette période, j’ai pu travailler sur des problématiques et enjeux partagés avec un réseau international. Ce fut très riche. À travers LuxTrust, j’ai pu profiter d’une expérience plus proche des enjeux du secteur privé, avec ce défi de lancer une société en partant de rien. Certes, son activité était largement soutenue par l’État. Mais il fallu travailler avec le secteur financier, aborder le marché, afin de parvenir à adresser un produit, qui n’est pas simple à expliquer.

Parlons des enjeux de transformation de l’administration, au regard des ambitions du nouveau gouvernement affichées depuis maintenant un an. Vous qui avez longtemps été proche de ces défis, comment évaluez-vous le chantier entrepris aujourd’hui ?

L’État a fait du chemin depuis les années 2000. Nous avons développé une maîtrise remarquable de la technologie. Nous avons pu mettre en œuvre des solutions et des outils extrêmement performants. Mais si nous avons été de bons techniciens, capables de relever des défis bien identifiés, nous étions de piètres communicants. Nous ne sommes pas parvenus à parler le même langage que les décideurs. Si bien que, au-delà de la solution technique ou technologique, leur intégration et leur mise en production se sont avérées laborieuses. La résistance au changement a été forte et les résultats, eux, ne sont pas au rendez-vous. Des homologues étrangers sont venus voir ce que nous avions réalisé au niveau du CIE, comme on l’appelait à l’époque. Impressionnés, ils nous ont copiés. Mais s’y sont pris autrement pour mettre la solution en œuvre, pour accompagner le changement. Aujourd’hui, certaines solutions que nous avons développées ont été mises en œuvre dans d’autres contextes et portent leurs fruits.

Aujourd’hui, pour rattraper ce retard, que préconisez-vous ?

Je crois très fort à l’opportunité de rapprocher compétences juridiques et IT.

Il faut sortir de la sphère technique et technologique. Entre utilisateurs, dirigeants, techniciens et juristes, il faut parvenir à parler une langue commune. Je crois très fort en l’opportunité de rapprocher compétences juridiques et IT. À l’heure actuelle, les textes de loi empêchent de mettre en œuvre des solutions technologiques et les usages qui peuvent en découler à des coûts défendables. Si, technologiquement, nous avons les compétences et les outils, c’est dans les usages possibles et les applications que se posent les problèmes. Le Conseil du Gouvernement, pendant l’été, a pris des initiatives allant vers une législation plus « digital friendly ». Je pense que c’est une très bonne chose. L’exemple de la loi sur l’archivage électronique, que l’on a attendu longtemps, est aussi une bonne démarche, tout comme la volonté de mettre en place une plateforme Open-Data. Cela va faciliter bien des choses.

C’est vrai pour les enjeux d’administration électronique. Quels bénéfices un législateur « digital friendly » peut apporter à la sphère privée ?

Ils sont nombreux. L’approche doit notamment faciliter l’émergence de nouveaux services. Rapprocher les métiers des départements juridiques permet d’innover, en tenant compte des enjeux légaux. Un environnement réglementaire « digital friendly » est un vecteur d’attractivité pour de nombreux acteurs. Il y a des demandes réelles dans de nombreux business. Ne fut-ce que si on considère l’émergence d’activités régulées s’appuyant, par exemple, sur les monnaies virtuelles.

[button color=”blue” link=”http://www.itnation.lu/content/uploads/2015/10/ITN_Mag_201510_BD.pdf”]Voir l’intégralité du Magazine[/button]

Watch video

In the same category