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Olivier Carré, associé et Banking Leader chez PwC Luxembourg

Le secteur bancaire est en mutation accélérée. Soumises à des règles qu’elles digèrent bon gré mal gré, les banques peinent à renouer avec leurs rendements d’antan et cherchent à s’adapter à un nouveau contexte.

Les applications bancaires pour smartphone sont pour beaucoup de clients devenues le point d’entrée favorisé d’une relation client-banque digitalisée. Conséquence : de nombreuses sociétés en profitent pour s’engouffrer en proposant encore et toujours de nouveaux services innovants. Aux portes de la Bastille : les Fintech, les mastodontes américains GAFA [1] sans oublier certains opérateurs téléphoniques. Pour autant, la banque luxembourgeoise semble tenir la barre. Fin 2016, les bilans des 140 établissements bancaires du Grand-Duché s’élevaient à 768 441 millions d’euros, soit une augmentation de 2% selon la Banque Centrale du Luxembourg. Reste à savoir si le Brexit constituera une planche de salut pour le secteur qui semble déjà revigoré par l’arrivée de nouveaux établissements. C’est donc sur fond de disruption et d’opportunités créées par ce changement que s’est déroulée l’édition 2017 du Banking Day ce jeudi 2 février.

De la vertu d’une offre protéiforme

Qu’ils soient issus de la nouvelle génération ou déjà existants, les clients des banques, notamment ceux des banques privées, ont changé et se posent de plus en plus de questions à propos de la gestion de leur patrimoine. La clientèle «mass affluent» a diminué mais représente toujours 45% de la clientèle globale pour 9% des actifs sous gestion. A l’inverse, la clientèle des UHNWI (ultra high net worth individuals – comprendre des gens ayant en poche au moins 30 millions de dollars) a fortement progressé, de 41% à 51% en quatre ans environ, mais ne représente encore que 1% des clients.

Les besoins de ces derniers ne se résument plus simplement à faire fructifier leurs avoirs. Face aux nouvelles technologies, l’accès aux données, les nouveaux outils d’analyse et la nouvelle génération de clients, de nouvelles attentes se font jour, obligeant ces établissements à relever de nouveaux défis. Au cœur de ce changement : la confiance. Pour la plupart des clients privés, la sécurité des actifs est passée au premier plan. Pour répondre à ce besoin, le nouveau cadre réglementaire a fait de la transparence un crédo. À l’aune de ces nouvelles attentes, les conseillers ont de plus en plus de mal à faire avaler la pilule des frais de gestion et de certains processus lourds à leurs clients en mal de conseil personnalisé et d’interactions en temps réel.

« Compte tenu de l’évolution démographique, les gestionnaires de patrimoine doivent impérativement restaurer ce déficit de confiance auprès de cette nouvelle génération qui, d’ici 2020, détiendra plus de la moitié des actifs à investir, soit environ 30 milliards de dollars, au risque de les perdre, » indique Olivier Carré, associé et Banking Leader chez PwC Luxembourg.

Et Alain Meunier, associé, d’ajouter : « Historiquement, les banquiers privés se limitaient à la gestion d’actifs et aux fonds d’investissement. Face à une clientèle plus exigeante, ils doivent désormais inclure de nouveaux champs comme la planification fiscale et successorale. Ces gestionnaires doivent désormais diversifier leurs portefeuilles et approfondir leur savoir-faire en termes de gestion d’actifs de manière plus protéiforme. Ce changement de paradigme implique de redéfinir le rôle du banquier privé qui sera jugé non plus seulement sur son expertise, mais surtout sur sa capacité à fournir une expérience client complète. »

 

D’amour ou de raison : l’union des banques et des Fintech aura lieu

Les Fintech ont réussi en quelques années à s’imposer auprès des banques. Entre compétition et coopération, ces entreprises poussent le secteur à se transformer. Par une approche client radicalement différente, elles bousculent les acteurs traditionnels et imposent de nouveaux standards bancaires en offrant à leurs clients des solutions alternatives moins coûteuses et plus personnalisées. Cette vague de Fintech est principalement active sur deux segments : celui des paiements et celui des prêts. Les banques, bien évidemment, réagissent en lançant des incubateurs ou en nouant des partenariats.
« Les banques collaborent avec les Fintech parce qu’elles leur permettent de faire des économies et d’innover dans le domaine digital. Elles le font également parce que les individus de la génération Y le réclament, souligne Olivier Carré. Si l’aspect disruptif prédomine pour l’instant dans la perception de ces nouvelles technologies et de ces acteurs du digital, il ne faut pas se laisser aveugler tant les opportunités et les retombées positives existent. »

Finalement, la question n’est pas tant d’avoir une stratégie digitale mais de se doter d’une stratégie pour l’ère digitale tout en intégrant les nouveaux modèles qui émergent.

Brexit : l’amitié est une douce responsabilité

Depuis l’annonce du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne et la récente déclaration de son gouvernement de quitter le marché unique, de nombreuses places en Europe se sont empressées de communiquer sur leurs atouts. Au contraire, le Luxembourg a jusqu’ici joué la carte de l’amitié et de la complémentarité. Il faut dire que Londres, première place européenne, constitue le partenaire principal du Grand-Duché avec 600 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Une stratégie qui semble fonctionner au vu des dernières arrivées : un groupe japonais vient de lancer ses activités au Luxembourg, deux banques chinoises ont également annoncé leur implantation.

« Les banques qui viennent s’installer en Europe ont besoin d’un pays stable pour tirer parti du marché unique. En l’occurrence, le Luxembourg est bien placé pour apporter des réponses pragmatiques tant son environnement est accessible, ouvert et multiculturel, » rappelle Olivier Carré.

Les dernières déclarations du ministre de l’Economie britannique laissent toutefois présager un avenir plus sombre si Londres décidait de baisser drastiquement son taux d’imposition pour être plus compétitif.

La révolution est copernicienne tant les banques n’ont d’autres choix que d’amorcer leur propre changement, réadapter leur stratégie et repenser la relation client.

[1] Google, Apple, Facebook et Amazon